Dissertation sur Juste la fin du monde : proposition de corrigé Sujet : La pièc

Dissertation sur Juste la fin du monde : proposition de corrigé Sujet : La pièce de Jean-Luc Lagarce, « Juste la fin du monde » vous semble-t-elle mettre en scène un moment de crise ? Dissertation rédigée Méthodologie Une crise est la manifestation aigüe d’un désordre intérieur ou d’un désordre au sein d’un groupe. Et c’est souvent ce qui intéresse le théâtre car une pièce est toujours la mise en scène d’un conflit qui se tend et se dénoue. La pièce de Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, met en scène un personnage qui revient dans sa famille après un éloignement pour annoncer sa mort prochaine, mais qui échoue à parler. Dans quelle mesure alors peut-on dire qu’elle met en scène un moment de crise ? Nous verrons d’abord tout ce qui dans cette pièce est de l’ordre de la crise mais nous nous demanderons dans un deuxième temps si la crise a vraiment eu lieu. Le premier élément qui donne à cette pièce la dimension d’une crise est l’intrigue elle-même. En effet, la maladie, le face à face avec la mort sont bien dans la vie d’un homme un moment de crise. Or c’est à cela qu’est confronté Louis, qui vient « annoncer sa mort prochaine », et toute la scène 10 de la première partie, décrit d’ailleurs les phases successives de l’orage intérieur auquel est confronté le personnage (la révolte radicale, l’idéalisation romantique etc…) Par ailleurs, souvent au théâtre, et notamment dans le théâtre classique, l’intrigue est resserrée sur le moment le plus aigu d’une crise et c’est aussi ce qui rend assez naturelles les unités de temps et de lieu. Dans la pièce de Lagarce, qui tout en étant très contemporaine, est nourrie dans sa forme et dans ses thèmes par la tragédie antique et par la tragédie classique (que l’on songe au prologue ou au thème de la rivalité fraternelle), toute l’action se concentre sur une demi-journée passée dans la maison familiale, au cours de laquelle Louis vient annoncer sa mort. Enfin, le retour de Louis dans une famille qu’il a longtemps désertée, (un peu à la manière du fils prodigue des Evangiles qui revient après s’être éloigné et qui est pardonné par son père mais jalousé par son frère) , crée une forme de désordre. Les habitudes sont bousculées, les vieux conflits ravivés (notamment celui entre Antoine et son frère) et le langage est lui-même mis en crise : on s’interrompt, on se coupe, les mots se dérobent et brutalisent comme par exemple lorsqu’Antoine se propose de ramener Louis à la gare. Dans les mots employés, l’ombre du fratricide, l’ombre du mythe de Caïn et Abel ne sont pas loin : « tu me touches je te tue », va jusqu’à dire Antoine. Juste la fin du monde met donc bien en scène, semble-t-il, un moment de crise, mais, dans une certaine mesure, la crise n’aura pas lieu. La première raison qui peut nous faire dire que la crise n’a pas vraiment lieu est qu’il n’y pas de véritable dénouement. En tous les cas, ce qui devait constituer le nœud dramatique (le bouleversement qu’aurait constitué l’annonce de la mort prochaine de Louis) ne se produit pas puisque Louis repart sans avoir rien dit : « vers la fin de la journée, / sans avoir rien dit de ce qui me tenait à cœur / sans avoir jamais osé faire tout ce mal, / je repris la route ». Dans un sens, il ne s’est rien passé ; dans un sens, Louis était déjà mort dès le début, donc il ne s’est rien passé. Ce qu’ont vécu les personnages c’est en fait la répétition, l’éternel retour d’un déséquilibre qui les mine depuis toujours. Les personnages savent que la vie va continuer. Dans la longue tirade d’Antoine, à la fin de la pièce, quand il tâche de faire la généalogie de sa relation avec Louis, les adverbes, « toujours », « encore », reviennent sans cesse. Et c’est ce qui lui permet de prévoir ce qui va se passer : « lorsque tu me quitteras encore, que tu me laisseras, / je serai moins encore…. Avec juste le ressentiment, / le ressentiment contre moi-même ». En réalité, les personnages ne sont pas en proie à une crise mais sont pris dans le cercle infernal et éternel du ressentiment et de la culpabilité. Ce conflit intérieur sans issue, sans dénouement possible, ce mélange permanent de haine et d’amour les mine, les condamne à la maladresse, au silence, à l’impuissance. Les thèmes du silence, de l’impossibilité à dire sont des leitmotivs de la pièce : « tout est mal dit ou trop vite dit ». Juste la fin du monde donne donc à voir, finalement, non pas un moment de crise mais un moment de la crise, une crise feutrée, lancinante, permanente, qui dure depuis toujours et qui ne se dénoue jamais. La crise est consubstantielle à la famille, elle est consubstantielle au moi. Seule la mort peut en délivrer ; la mort qui n’est pas, comme dans la tragédie classique, le résultat de la crise mais une fuite. Comme le dit Clov dans Fin de partie, « ça ne finira jamais ». uploads/Litterature/ cor-dissert-lagarce.pdf

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