Synthèse : le personnage de roman Introduction - Cette part de la fiction roman
Synthèse : le personnage de roman Introduction - Cette part de la fiction romanesque qu’est le personnage a souvent été considérée comme son centre, son cœur. Preuve : les titres de romans qui sont des noms de personnage : Madame Bovary, Don Quichotte, Manon Lescault, La Princesse de Clèves, Le Père Goriot, Aurélien. - Rappel de l’étymologie de personnage. Persona en grec = masque < un personnage c’est l’invention d’une fiction comme on met un masque au théâtre. La réflexion sur le personnage est au croisement de techniques d’écriture et d’une vision de l’homme. Il s’agit de comprendre comment un romancier parvient à créer un personnage et quelles significations il faut donner à cette création (que symbolise un personnage ?) I- Un être de papier Balzac dit vouloir faire concurrence à l’Etat civil et créer dans ses romans l’équivalent d’une société entière. Mauriac (début XXe) fait du romancier un équivalent de Dieu vis à vis de ses personnages. « Le romancier est de tous les hommes celui qui ressemble le plus à Dieu : il est le singe de Dieu. Il crée des êtres vivants, il invente des destinées, les tisse d’événements et de catastrophes, les entrecroise, les conduit à leur terme », Mauriac, Le Roman Idée que les romanciers sont des créateurs au sens plein du terme : ils donnent naissance à des êtres de fiction.Comment ces signes sur le papier que sont les personnages deviennent-ils des créatures faisant concurrence aux êtres vivants ? => un travail d’écriture pour donner vie par les mots, pour donner un corps et une âme. 1. Par le nom - Le nom du personnage est tout sauf un hasard. C’est même le premier élément du portrait, sa première signification Le romancier travaille le pouvoir de suggestion du nom de ses personnages. Cette analyse des noms s’appelle l’onomastique. « Nous mettons toutes sortes d’intentions littéraires dans les noms. Nous nous montrons difficiles, nous voulons une certaine consonance, nous voyons souvent tout un caractère dans l’assemblage de certains syllabes (…) au point qu’il devient à os yeux l’âme du personnage même ». Emile Zola, Correspondance. Quelques exemples représentatifs : a/ Eugène de Rastignac dans Le Père Goriot de Balzac - prénom : Eugène : « le bien né » en grec. Celui qui est né sous un destin 3favorable, sous une bonne étoile. - Rastignac : on entend à la fois « rat » (bassesse ? élément négatif) mais aussi une rime en –ac avec le nom de l’auteur Balzac. b/ Emma Bovary : jeune femme imaginative, éprise de désirs romanesques et de l’envie de vivre une vie sublime et excitante. Elle est mariée à Charles Bovary (un bœuf à ry, or ry = Yonville la petite ville dans laquelle ils vivent), une sorte de petit bourgeois sans idées, sans imagination Exercez vous : faites vous mêmes l’analyse des noms des personnages suivants pris dans le Voyage au bout de la nuit de Céline : Le Général Céladon des Entrayes et le lieutenant de Sainte-Engence. Note : pensez que le roman de Céline est fondé sur le traumatisme de la Première Guerre Mondiale dont il fait une critique virulente. 2. Par son portrait - Je ne reviens pas sur la construction du portrait. Cf. Ferragus . Quelques rappels : • Portrait physique, portrait moral, portrait social. La rhétorique du portrait voudrait que l’on aille du physique vers le caractère (déduction du second par le premier, Balzac) et du haut vers le bas dans le portrait physique. • Il y a plusieurs techniques romanesques pour mener à bien le portrait d’un personnage a. par le narrateur (qui peut parfois être le personnage lui-même, cas d’autoportrait). b. au travers des actions du personnage c. au travers des mots du personnage. d. par un autre personnage (il faut alors prendre en compte le point de vue du personnage qui regarde, son regard est influencé par ses sentiments, son idéologie, ses opinions etc...) - Dans le roman des XVII-XIXe siècle, le portrait précède habituellement l’action et intervient donc soit au début du livre, soit à proximité de la première apparition du personnage. La raison en est que le portrait doit donner au lecteur une connaissance fiable du personnage : il explique donc la logique du personnage. Le XXe siècle le conçoit différemment : sous l’influence de la psychanalyse et de la découverte de l’inconscient (zone obscure de l’homme, pleine de questions), l’homme apparaît davantage comme une énigme ou une source de mystère. Le personnage est alors conçu à cette image et devient un être difficile à connaître, voire à cerner : en deux mots une énigme. a. Le corps romanesque Le romancier veut donner vie aux personnages. Les incarner au sens premier du terme (donner chair à quelqu’un). Leur donner une présence corporelle par les mots. En tout romancier sommeille un Pygmalion (le sculpteur tombé amoureux de sa statue comme si elle était un être vivant). b. Le monde de l’intériorité La construction du personnage passe aussi par l’exploration de son intériorité. La peinture du caractère et de la psychologie du personnage a toujours été un but du romancier, de tous temps et ce depuis le roman des XVIIe et XVIIIe siècles. Par exemple, dans l’extrait étudié de La Princesse de Clèves, Madame de Lafayette joue entre le point de vue interne de Madame de Clèves (elle reconnaît le Duc de Nemours au début du texte) et le dialogue au discours direct avec la Reine Dauphine et le Duc de Nemours à la fin du texte (elle dit ne pas reconnaître le Duc). Grâce à ce décalage, on comprend que le personnage ment et que la jeune femme lutte moralement contre sa passion naissante en essayant de la cacher. Mais le roman moderne (XIXe et XXe siècles) poussera cette plongée dans l’intériorité du personnage beaucoup plus loin. Le roman du XXe siècle scrutera toutes les zones inconnues de la conscience et de la psychologie de ses personnages, notamment influencé par l’essor de la psychanalyse. Voici un rapide inventaire des techniques permettant de voir un personnage de l’intérieur ou de voir avec lui, avec les yeux du personnage : La narration à la première personne Le narrateur est un personnage de l’histoire. On pousse le lecteur à s’identifier à un des personnages de l’histoire. Le romancier peut raconter l’histoire à travers le prisme d’une conscience. Le « je » est le premier et peut être le meilleur des éléments pour nous faire entrer dans l’esprit d’un personnage. Le but est tout autant de raconter une histoire que de raconter « l’histoire d’un esprit », l’histoire d’une conscience. A la recherche du temps perdu est le récit de la vie du narrateur mais c’est essentiellement le récit de l’évolution de sa conscience depuis l’enfance vers le passage à l’âge adulte. Exercice : lisez le texte de Yourcenar extrait des Mémoires d’Hadrien : observez le défi que se lance Marguerite Yourcenar. Ecrire à la première personne en se mettant dans la peau d’un homme et de plus dans la peau d’un empereur romain dont la mentalité est éloignée de la nôtre par presque 2000 ans. Cherchez les procédés par lesquels la romancière parvient à nous faire nous identifier au personnage de l’empereur mourant. Le recours au point de vue interne, vision avec le personnage : On nous montre l’intériorité et les pensées du personnage mais sans le « je », dans un récit à la troisième personne. L’intérêt réside dans les changements entre point de vue interne et point de vue omniscient. Exercice : lisez le texte de Yourcenar extrait de L’œuvre au noir. C’est l’exact pendant de l’extrait des Mémoires d’Hadrien puisqu’ils ont le même thème mais que l’un s’écrit à la 3ème personne, l’autre à la première. Montrez quel est le texte qui va le plus loin dans la représentation de la mort. Pourquoi ? Le monologue intérieur = une technique qui apparaît au XXe siècle : elle est inventée par Edouard Dujardin mais elle sera reprise par de nombreux romanciers. C’est une technique d’exploration des voies de la conscience pour s’immerger dans le flux de pensées du personnage sans aucune interprétation fournie par le narrateur. Autrement dit, on écrit à la première personne les pensées du personnage sans aucune interprétation, comme si le personnage pensait en même temps que le texte s’écrit sans même que le personnage ait conscience de ce qu’il pense. Exemple : cherchez dans le texte étudié d’Aurélien d’Aragon les phrases à la première personne. C’est un bout de monologue intérieur. Aurélien pense, des signes de son amour apparaisse mais il ne sait absolument pas qu’il est en train de tomber amoureux. Aragon nous donne à voir le spectacle d’une pensée en train de se former. Le but fondamental est « de nous introduire directement dans la vie intérieure de ce personnage, sans que l’auteur intervienne par des explications ou des commentaires », Edouard Dujardin, Le Monologue intérieur Pour pousser plus loin votre réflexion sur le personnage : réfléchissez à la question suivante : un romancier uploads/Litterature/ cours-sur-le-roman-2 1 .pdf
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- Publié le Mar 04, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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