F.G. c. Ville de Montréal 2017 QCCS 5059 COUR SUPÉRIEURE CANADA PROVINCE DE QUÉ

F.G. c. Ville de Montréal 2017 QCCS 5059 COUR SUPÉRIEURE CANADA PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE MONTRÉAL N° : 500-17-073617-121 DATE : Le 6 novembre 2017 ______________________________________________________________________ SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE STEVE J. REIMNITZ, J.C.S. ______________________________________________________________________ F... G... DEMANDEUR C. VILLE DE MONTRÉAL DÉFENDERESSE ______________________________________________________________________ JUGEMENT ______________________________________________________________________ [1] Le 7 mars 2012, une manifestation étudiante a lieu aux abords de la rue Sherbrooke, à la hauteur de l’immeuble de Loto Québec, situé au 500, rue Sherbrooke Est (le « 500 »). [2] Le Service de police de la Ville de Montréal (« SPVM ») est appelé sur les lieux. S’ensuivent diverses interactions entre les manifestants et le SPVM. [3] Lors de cette manifestation, des grenades de type « Rubber Ball Blast Grenade » (« RBBG ») sont utilisées par les policiers du SPVM. L’un des manifestants, le demandeur F... G... allègue avoir subi d’importantes blessures liées au lancement de l’une d’entre elles. JR 1452 500-17-073617-121 PAGE : 2 [4] Le présent jugement vise à déterminer si le demandeur a effectivement été blessé par l’utilisation d’une grenade de type RBBG et, dans l’affirmative, si la défenderesse est responsable de ses blessures. [5] Lors du procès, plusieurs témoins sont entendus. Pour une bonne compréhension du dossier, le tribunal considère nécessaire de résumer les témoignages les plus importants. F... G..., demandeur [6] En mars 2012, le demandeur F... G... (« G... ») étudie au Cégep de Saint- Jérôme. Il est alors en transition pour suivre un programme en art plastique. À cette époque, il travaille comme pompiste quelques heures par semaine et pendant l’été, comme aide à son père qui opère un commerce de réparation et d’installation de poêles et foyers. Il habite alors chez ses parents à Saint-Jérôme. [7] Le 7 mars 2012, les étudiants votent en faveur d’une grève dans le conflit concernant l’augmentation des frais de scolarité au Québec. [8] Le demandeur et un groupe d’étudiants de son Cégep se rendent à Montréal où une manifestation pacifique est organisée pour s’opposer à la hausse des frais de scolarité. Il est accompagné d‘Alexandra Desabrais (« Desabrais ») et d’autres personnes qu’il ne connaît pas. [9] Le lieu de rassemblement prévu est au Square Victoria. Sur place, les gens attendent tranquillement. Ils crient des slogans et l’ambiance est festive. [10] De mémoire, le demandeur affirme avoir passé par Président-Kennedy et s’être assis au coin d’Aylmer et Sherbrooke. [11] À cet endroit, une partie des manifestants est regroupée pour discuter. Certains jouent de la musique. Des policiers à vélo et d’autres avec un dossard jaune circulent à proximité. La grande majorité est debout sur Sherbrooke. [12] Le demandeur ne nie pas qu’il y avait des gens sur le parvis de l’édifice de Loto Québec, mais témoigne qu’il ne savait pas que la manifestation était une manœuvre concertée pour bloquer les entrées de l’édifice où était située la conférence des recteurs et principaux des universités du Québec (« CREPUQ »), organisme directement visé dans le cadre des revendications étudiantes portant sur la hausse des frais de scolarité. Du moins, il n’en avait pas été avisé. [13] En arrivant près du 500, des manifestants font circuler des tracts relatifs à la manifestation. Ces tracts les informent que les bureaux de la CREPUQ se situent dans cet édifice. Certains manifestants bloquent l’accès aux portes. 500-17-073617-121 PAGE : 3 [14] Selon le demandeur, des slogans sont scandés lors de la manifestation, notamment : « On reste pacifique » et « Policiers, vos enfants sont aussi des étudiants ». Il soutient ne pas se souvenir des autres slogans comme : « On avance, on avance, on recule pas » ; « Fuck the police, no justice no peace » ainsi que « Police de Montréal, milice du capital ». [15] Un avis de dispersion est lancé par les autorités policières. Sans se rappeler des termes exacts de cet avis, il comprend que les policiers demandent aux manifestants de se disperser. [16] Suite à cet ordre, il se déplace plus à l’est sur la rue Sherbrooke. [17] Une clôture est alors érigée par les manifestants. C’est de l’autre côté de celle-ci qu’il se retrouve. [18] Après l’avis de dispersion, le demandeur constate l’arrivée d’autres policiers. Il tente de se déplacer plus loin vers l’est, tout en attendant son amie Desabrais qu’il a perdue de vue en passant au travers du groupe de manifestants. [19] Après s’être déplacé, le demandeur entend deux détonations lancées à coup de deux à la fois. [20] Entre l’avis de dispersion et la première détonation, le demandeur estime le délai à une quinzaine de minutes. [21] Suite à ces détonations, les manifestants reculent de sorte que le demandeur se retrouve dans le groupe de manifestants. Il tente de reculer de nouveau en se déplaçant vers l’est. C’est à ce moment qu’il entend une détonation et constate aussitôt qu’il est blessé à l’œil droit. [22] En s’éloignant, il regarde vers l’arrière et constate un objet qui a explosé près de lui. Il voit de la fumée blanche dense qui provoque une certaine lumière. [23] Son amie Desabrais est également blessée lors de cette détonation. [24] Le demandeur est désorienté et souffre d’acouphènes pendant quelques minutes. Il court par la suite pour se rendre jusqu’au coin Sherbrooke et Bleury. À cet endroit, il demande l’aide d’un policier et soutient avoir eu une réponse négative. [25] Vu son état, des étudiants téléphonent à une ambulance qui arrive sur les lieux peu de temps après. [26] Entre les deux premières détonations et celle qui le blesse, le demandeur indique qu’il se serait écoulé quelques secondes ou un peu plus. Il précise par ailleurs que les deux premières détonations ont explosé à environ 10 pieds au-dessus de la tête des manifestants. 500-17-073617-121 PAGE : 4 [27] Les détonations sont entendues en salve de deux coups et il y avait un court laps de temps entre les deux. [28] Il constate du sang sur lui. Son œil est enflé, sa paupière et son arcade sourcilière sont fendues. [29] Il voit ensuite une fumée blanche qui se dissipe dans les airs et quelque chose de lumineux dans la fumée, à un maximum de trois pieds de son visage, entre lui et Julie Perreault-Paiement (« Paiement »). [30] Paiement est blessée à une main, au menton et au bras. [31] Le demandeur souffre d’acouphènes qu’il associe à un tintement. Les sons qu’il entend se brouillent. Il est désorienté pendant quelques secondes, perd l’équilibre et a de la difficulté à se repérer dans l’espace. [32] Il est alors transporté en ambulance à l’Hôtel-Dieu de Montréal avec des bandages sur les yeux. Selon les recommandations des ambulanciers, il ne peut bouger. Il est en état de panique. [33] Les acouphènes se perpétuent jusqu’à son arrivée à l’Hôtel-Dieu, tout en diminuant graduellement. [34] Il est alors reçu par un infirmier et un médecin. Le bandage sur l’œil lui est retiré. Le médecin constate qu’il doit recevoir des soins spécialisés et décide de le transférer à l’hôpital Notre-Dame. Lors de ce transfert, il est accompagné de Paiement. [35] Durant toute cette période, il a très mal aux yeux et demande que les lumières soient éteintes. Il a un mal de tête qu’il qualifie « d’incroyable ». Il subit divers examens et est très inquiet. [36] Suite aux examens, un médecin ordonne un transfert à l’hôpital Maisonneuve- Rosemont. [37] Alors qu’il est à Notre-Dame quelques heures après l’événement, Alexandra Desabrais prend une photo de son œil (P-3). [38] Plusieurs médicaments lui sont administrés, dont un ayant pour but de diminuer la pression dans son œil. [39] Peu avant son transfert à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, il demande à Desabrais de publier la photo de sa blessure sur sa page Facebook, accompagnée d’une explication de l’événement. 500-17-073617-121 PAGE : 5 [40] À la suite de l’accident, une photo de lui avec ses blessures est affichée sur sa page Facebook. Il reçoit des appels de journalistes, l’évènement devient très médiatisé. [41] À l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, il est pris en charge par le Dr Cordahi qui requiert en urgence une salle d’opération afin de l’opérer. [42] L’opération d’une durée de deux heures se déroule dans la nuit du 7 au 8 mars. [43] Avant l’opération, des policiers du SPVM demandent à interroger le demandeur qui se trouve alors dans une salle d’attente avec sa mère. Ils lui demandent s’il accepte d’être interrogé, ce que le demandeur refuse. Il demande s’il est en état d’arrestation ou s’il a fait quelque chose de répréhensible. Il soutient être demeuré sur la voie publique, sans rien faire de mal et ne comprend pas l’insistance des policiers à vouloir l’interroger alors qu’il souffre et qu’il est en attente d’une opération. [44] Un infirmier intervient et emmène le demandeur en retrait. Cet infirmier souligne à sa mère que le moment est mal choisi pour un interrogatoire et lui suggère de refuser d’y procéder. [45] Il demande à 3 ou 4 reprises s’il est en état d’arrestation puisque si tel n’est pas le cas, il affirme ne pas comprendre uploads/Litterature/ decision-du-juge-steve-j-reimnitz 1 .pdf

  • 11
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager