Exposer la muséologie Martin R. Schärer Exposer la muséologie Martin R. Schärer

Exposer la muséologie Martin R. Schärer Exposer la muséologie Martin R. Schärer 2 Conseil du Comité international pour la Muséologie de l’ICOM (ICOFOM) François Mairesse, Président, Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, CERLIS, Labex ICCA, France Ann Davis, Past Président, Former Director, The Nickle Arts Museum, University of Calgary, Canada Bruno Brulon Soares, Vice-Président, Universidade Federal do Estado do Rio de Janeiro, Brazil André Desvallées, Conservateur général honoraire du patrimoine, France Yves Bergeron, Université du Québec à Montreal, Canada Karen Elizabeth Brown, University of St Andrews, Scotland Kuo-ning Chen, Director of Museum of World Religions, Taiwan Jan Dolák, Comenius University, Slovak Republic Jennifer Harris, Curtin University, Australia Anna Leshchenko, Russian State University for the Humanities, Russia Olga Nazor, Universidad Nacional de Avellaneda, Argentina Mónica R. de Gorgas, Universidad Nacional de Tucumán, Facultad de Artes, Argentina Saena Sadighiyan, Institut für Europäische Urbanistik (IfEU), Bauhaus Universität, Germany Daniel Schmitt, Université Lille Nord de France, France Kerstin Smeds, Umeå universitet, Sweden Comité international pour la muséologie – ICOFOM Publié à Paris, ICOFOM, 2018 ISBN: 978-92-9012-450-4 (version papier) ISBN: 978-92-9012-451-1 (version numérique) 3 Table des matières Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Exposer la muséologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Promenades muséologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Quelques termes spécifiques de la muséologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 Illustrations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 4  5 Préface L’univers dans une soupière 6 7 Préface Le premier article publié par Martin R. Schärer pour l’ICOFOM est paru en 1988 dans les ICOFOM Study Series1 (pour le colloque de Hyderabad). Le jeune conservateur suisse y évoquait alors un projet d’exposition sur la faim dans les pays du tiers-monde, prévue pour l’Alimentarium de Vevey, le musée de l’alimentation qu’il avait conçu sur invitation et inauguré en 1985. On retrouve d’emblée, dans ce premier article, plusieurs des sujets qui l’ont accompagné tout au long de sa carrière et de sa réflexion muséologique : la question de l’exposition, la manière de visualiser des faits complexes à travers des objets, le rôle du créateur de l’exposition et son objectivité ainsi que la manière dont la muséologie, comme système de réflexion théorique, peut être confrontée à des questions pratiques comme celles de la mise en exposition. Tout au long de sa carrière, Schärer n’a eu de cesse de relier la théorie à la pra­ tique, tant au sein de l’Alimentarium de Vevey, qu’il a dirigé durant vingt-cinq ans après un premier passage au Musée national suisse, à Zurich, que dans les multiples fonctions qu’il a occupées au sein de l’ICOM et de l’ICOFOM. Après avoir assumé la présidence de l’Association des musées suisses de 1985 à 1991, il a présidé conjointement le comité national suisse d’ICOM de 1993 à 1999 et le Comité international pour la muséologie – l’ICOFOM – de 1993 à 1998. Il est alors devenu membre du conseil exécutif de l’ICOM, puis vice-président de 2004 à 2010. Il a ensuite présidé le comité de déontologie de l’ICOM de 2012 à 2016. Excellent organisateur (ce dont témoigne sa direction de l’Alimentarium et les multiples expositions et projets de rénovation ou de publication qu’il a développés, mais aussi la formation en muséologie qu’il a lancée à l’Université de Bâle en 1991), Martin Schärer a été , pour l’ICOFOM, à l’initiative de nombreux projets, notamment l’organisation d’un symposium annuel à Vevey (1991, autour de la thématique du langage de l’exposition, qui lui est chère), la réimpression des vingt premiers numéros d’ICOFOM Study Series, mais également la conception d’un thésaurus de muséologie, qui quelques années plus tard fut publié sous le titre des Concepts clés de muséologie, puis du Dictionnaire encyclopédique de muséologie. Auteur, entre autres, d’une monographie importante sur le sujet – Die Ausstel­ lung. Theorie und Exempel2 – Martin Schärer s’est assurément plus particuliè­ rement intéressé à la fonction de présentation ou de communication du musée, à travers ce média spécifique que constitue la mise en l’exposition. Membre important et influent de l’ICOFOM, qu’il rejoint donc une dizaine d’années après sa fondation (en 1977), il en a été l’un des participants les plus actifs, n’oubliant jamais sa « famille » et continuant encore de la fréquenter régulièrement au gré des symposiums organisés par le comité. Martin Schärer a ainsi bien connu tous les fondateurs et les protagonistes les plus réguliers de l’ICOFOM, les ayant longuement côtoyés. À l’instar d’un Stránský, d’un Deloche ou d’un Maroević, 1. Schärer, M. R., “Hunger in the showcase. Developing countries and museology – information and manipulation”, ICOFOM Study Series, vol. 14, 1988, p. 233-239 ; « La faim en vitrine. Pays en développement et muséologie – information et manipulation », p. 241-247. 2. Schärer, M. R., Die Ausstellung. Theorie und Exempel, Munich, Müller-Straten, 2003. 8 Préface un grand nombre des acteurs de l’ICOFOM sont issus des milieux académiques ; Martin Schärer fait en revanche partie des professionnels de musée qui, comme André Desvallées, sont passés de la pratique à la théorisation, ce qui ne l’a pas empêché d’enseigner à l’université (il est titulaire d’une thèse en lettres) et d’inter­ venir dans de nombreuses formations à l’étranger. Cette pratique quotidienne du musée lui a surtout permis de bénéficier d’une expérience de terrain considérable, l’amenant à développer un double point de vue (aussi bien théorique que pratique) sur le travail muséal. Cet intérêt pour les questions concrètes de la vie du musée – la préparation des expositions, leur réception par les visiteurs, l’organisation générale d’un musée – constitue un élément important de l’arrière-plan de la pensée de Schärer, telle qu’il la présente dans les lignes qui suivent. Il répond ainsi à l’une des critiques les plus fréquentes autour d’une certaine conception de la muséologie (comme celle de Stránský), jugée trop absconse et détachée de la réalité, ce que déplorait déjà Burcaw en 1981 : « Aux États-Unis, et, je pense, dans les pays occidentaux, nous avons tendance à envisager les travaux des musées davantage sous l’angle des résultats mesurables que sous l’angle des fondements théoriques3 ». Stránský évacuait rapidement ces critiques, qu’il renvoyait à la muséologie appliquée (un domaine qui l’intéressait relativement peu en regard de la muséologie théorique et de la métamuséologie). « Ils veulent des recettes de cuisine », avait-il tendance à réagir. Paradoxalement, chez Schärer, et pour des raisons qu’on comprend aisément (qui sont au cœur de l’Alimentarium), la notion de « recettes » n’a jamais été négligée, aussi bien dans son musée que dans sa réflexion et ses enseignements… Concilier la théorie et la pratique, montrer et mettre en œuvre la réflexion muséologique, non seulement pour les spécialistes mais aussi à destination du grand public, symbolise peut-être ce qui caractérise le mieux ce projet muséologique singulier. Rares sont en effet les établissements cherchant à développer un discours ex­ pographique critique à l’intérieur d’une exposition. Martin Schärer se réfère souvent à Brecht et au principe de distanciation utilisé par ce dernier dans ses œuvres, afin d’évoquer la nécessaire distance que le visiteur se doit d’observer avec ce qu’il prend encore trop fréquemment pour la réalité (Ceci n’est pas une pipe, aurait dit Magritte). Le musée en tant que représentation du monde piège régulièrement, comme les autres médias, le spectateur dans une illusion de réalité, cela d’autant plus qu’il expose des objets présentés comme authentiques – mais déjà substituts de la réalité. Sorti de son contexte naturel, l’éléphant naturalisé d’un musée s’est transformé en substitut du pachyderme évoluant dans la sa­ vane (un peu de peau et des os, artistiquement présentés par un taxidermiste). Peut-on encore parler d’éléphant ? Au même titre que du bateau de Thésée, conservé par les Athéniens et dont les planches avaient été progressivement remplacées4, jusqu’à quel moment peut-on parler d’un éléphant authentique ? Et si l’on avait séparément utilisé les muscles et les viscères de la bête, n’aurait-on pas pu concevoir un autre éléphant non moins authentique ? On compte peu 3. Burcaw, G. E., « L’interdisciplinarité en muséologie ? », Mu Wop/Do Tram, 2, 1981, p. 30-31. 4. Ferret, S., Le Bateau de Thésée, Le problème de l’identité à travers le temps, Paris, uploads/Litterature/ eulac-on-community-and-sustainable-museums.pdf

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