EXPLICATION LINEAIRE REALISEE DANS LE CADRE DE L’ENSEIGNEMENT A DISTANCE Docume

EXPLICATION LINEAIRE REALISEE DANS LE CADRE DE L’ENSEIGNEMENT A DISTANCE Document réalisé par Mme Anne-Noellia Carrols, professeure agrégée, pour une classe de Première du lycée Cocteau à Miramas. Séquence 3 : le roman. Etude du Rouge et le Noir de Stendhal. Explication linéaire n°1- Partie 1, chapitre 15, « Le chant du coq », p. 105-106. Julien avait raison de s'applaudir de son courage, jamais il ne s'était imposé une contrainte plus pénible. En ouvrant sa porte, il était tellement tremblant que ses genoux se dérobaient sous lui, et il fut forcé de s'appuyer contre le mur. Il était sans souliers. Il alla écouter à la porte de M. de Rênal, dont il put distinguer le ronflement. Il en fut désolé. Il n'y avait donc plus de prétexte pour ne pas aller chez elle. Mais 5 grand Dieu, qu'y ferait-il ? Il n'avait aucun projet, et quand il en aurait eu, il se sentait tellement troublé qu'il eût été hors d'état de les suivre. Enfin souffrant plus mille fois que s'il eût marché à la mort, il entra dans le petit corridor qui menait à la chambre de Mme de Rênal. Il ouvrit la porte d'une main tremblante et en faisant un bruit effroyable. 10 Il y avait de la lumière, une veilleuse brûlait sous la cheminée ; il ne s'attendait pas à ce nouveau malheur. En le voyant entrer, Mme de Rênal se jeta vivement hors de son lit. Malheureux ! s'écria-t-elle. Il y eut un peu de désordre. Julien oublia ses vains projets et revint à son rôle naturel : ne pas plaire à une femme si charmante lui parut le plus grand des malheurs. Il ne répondit à ses reproches qu'en se jetant à ses pieds, en embrassant ses genoux. 15 Comme elle lui parlait avec une extrême dureté, il fondit en larmes. Quelques heures après, quand Julien sortit de la chambre de Mme de Rênal, on eût pu dire, en style de roman, qu'il n'avait plus rien à désirer. En effet, il devait à l'amour qu'il avait inspiré et à l'impression imprévue qu'avaient produite sur lui des charmes séduisants, une victoire à laquelle ne l'eût pas conduit toute son adresse si maladroite. 20 Mais, dans les moments les plus doux, victime d'un orgueil bizarre, il prétendit encore jouer le rôle d'un homme accoutumé à subjuguer des femmes : il fit des efforts d'attention incroyables pour gâter ce qu'il avait d'aimable. Au lieu d'être attentif aux transports qu'il faisait naître, et aux remords qui en relevaient la vivacité, l'idée du devoir ne cessa jamais d'être présente à ses yeux. Il craignait un remords affreux et un ridicule éternel, s'il s'écartait 25 du modèle idéal qu'il se proposait de suivre. En un mot, ce qui faisait de Julien un être supérieur fut précisément ce qui l'empêcha de goûter le bonheur qui se plaçait sous ses pas. C'est une jeune fille de seize ans, qui a des couleurs charmantes, et qui, pour aller au bal, a la folie de mettre du rouge. Mortellement effrayée de l'apparition de Julien, Mme de Rênal fut bientôt en proie aux 30 plus cruelles alarmes. Les pleurs et le désespoir de Julien la troublaient vivement. Même quand elle n'eut plus rien à lui refuser, elle repoussait Julien loin d'elle, avec une indignation réelle, et ensuite se jetait dans ses bras. Aucun projet ne paraissait dans toute cette conduite. Elle se croyait damnée sans rémission, et cherchait à se cacher la vue de l'enfer, en accablant Julien des plus vives caresses. En un mot, rien n'eût manqué au bonheur 35 de notre héros, pas même une sensibilité brûlante dans la femme qu'il venait d'enlever, s'il eût su en jouir. Le départ de Julien ne fit point cesser les transports qui l'agitaient malgré elle, et ses combats avec les remords qui la déchiraient. Mon Dieu ! être heureux, être aimé, n'est-ce que ça ? Telle fut la première pensée de Julien, en rentrant dans sa chambre. Il était dans cet état d'étonnement et de trouble inquiet où 40 tombe l'âme qui vient d'obtenir ce qu'elle a longtemps désiré. Elle est habituée à désirer, ne trouve plus quoi désirer, et cependant n'a pas encore de souvenirs. Comme le soldat qui revient de la parade, Julien fut attentivement occupé à repasser tous les détails de sa conduite. « N'ai-je manqué à rien de ce que je me dois à moi-même ? Ai-je bien joué mon rôle ? » Et quel rôle ? celui d'un homme accoutumé à être brillant avec les femmes. 45 EXPLICATION LINEAIRE REALISEE DANS LE CADRE DE L’ENSEIGNEMENT A DISTANCE Document réalisé par Mme Anne-Noellia Carrols, professeure agrégée, pour une classe de Première du lycée Cocteau à Miramas. Le Rouge et le Noir, fiche préparatoire : chapitre 15 du Livre premier. Situation de ce passage dans l’œuvre ATTENTION : il ne s’agit nullement d’une situation du type de celle qu’on vous demande en intro, et qui doit être rapide. Ici, je développe pour vous permettre de mieux comprendre l’œuvre intégrale et, peut-être, de compléter certains points de votre carnet de lecture. Je vous donne des citations importantes, que vous pouvez aller retrouver dans le livre pour vous donner des repères sur l’évolution de la relation entre Julien et Mme de Rênal. Ce passage est un tournant dans le livre I puisqu’il correspond à la toute première fois où Julien rejoint Mme de Rênal dans sa chambre. Vous aurez compris qu’au départ, Julien n’est nullement amoureux de Mme de Rênal. Il l’englobe dans sa haine et sa rancœur contre les riches dont il se injustement méprisé. Julien a beaucoup d’orgueil et ne supporte pas d’être une classe modeste. Fils de paysan, il n’a comme richesse que son savoir et sa culture, acquis grâce à son intelligence et son mérite. Mais il ne gagne que de faibles revenus au service des Rênal et mesure sans arrêt l’écart social qui le sépare d’eux. Il refuse d’être considéré comme un simple domestique et sa fierté l’amène à se sentir très souvent vexé et humilié par les comportements et les propos des gens de la bonne société (composée des aristocrates qui sont de naissance illustre, les gens bien nés et des bourgeois qui ont amassé beaucoup d’argent). « Pour lui, il n’éprouvait que haine et horreur pour la haute société où il était admis, à la vérité au bas bout de la table » (chap. 7 p. 50). Mme de Rênal tombe rapidement amoureuse de Julien, dont la personnalité complexe contraste fortement avec les autres hommes qu’elle a l’habitude de fréquenter. En effet, Mme de Rênal, avant de connaître Julien, était persuadée que « tous les hommes étaient comme son mari, M. Valenod et le sous-préfet Charcot de Maugiron. La grossièreté et la plus brutale insensibilité à tout ce qui n’était pas intérêt d’argent, de préséance ou de croix ; la haine aveugle pour tout raisonnement qui les contrariait, lui parurent des choses naturelles à ce sexe, comme porter des bottes ou un chapeau de feutre. Après de longues années, Mme de R n’était pas encore accoutumée à ces gens à argent au milieu desquels il fallait vivre. De là le succès du petit paysan Julien. Elle trouva des jouissances douces, et toute brillantes du charme de la nouveauté, dans la sympathie de cette âme noble et fière ». (chap. 7 p. 54 l. 108-118). Mais Julien, habité par sa rancœur et son désir de revanche sociale, s’interdit d’être sensible aux charmes de Mme de Rênal. « Julien trouvait Mme de Rênal fort belle, mais il la haïssait à cause de sa beauté » (chap. 7 p. 51). D’où le décalage entre l’évolution des sentiments de Julien et ceux de Mme de Rênal : « L’amour pour Mme de R devint de plus en plus impossible dans le cœur orgueilleux de Julien ; quant à elle, elle le respecta, elle l’admira » (chap. 7 p. 56 l. 177). C’est pendant le séjour à Vergy, la maison de campagne des Rênal, que leur relation va prendre un nouveau cours. M. de Rênal, retenu à Verrières par ses fonctions de maire, est rarement présent, et Mme de R a toute la liberté, en présence de son amie Mme Derville, de Julien et de ses enfants, de se laisser aller au bonheur d’un sentiment qu’elle n’a jamais connu, et qu’elle n’identifie pas tout de suite. L’amour la rend belle, gaie, radieuse. Cette atmosphère détendue favorise le rapprochement avec Julien. Ce dernier, loin de M. de R et de toute la haute société de Verrières qu’il déteste tant, n’est plus obligé de dissimuler sa haine contre ces gens, ni ses idées bonapartistes. « Après tant de contrainte, loin du regard des EXPLICATION LINEAIRE REALISEE DANS LE CADRE DE L’ENSEIGNEMENT A DISTANCE Document réalisé par Mme Anne-Noellia Carrols, professeure agrégée, pour une classe de Première du lycée Cocteau à Miramas. hommes, et, par instinct, ne craignant point Mme de Rênal, il se livrait au plaisir d’exister, si vif à cet âge, et au milieu des uploads/Litterature/ explication-lineaire-1-le-rouge-et-le-noir.pdf

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