GÖTEBORGS UNIVERSITET Institutionen för språk och litteraturer Franska « La lit

GÖTEBORGS UNIVERSITET Institutionen för språk och litteraturer Franska « La littérature est morte, vive la littérature ! » Le débat contemporain sur la crise des études littéraires Pascal Bejestam De Nys Magisteruppsats, 30 hp Handledare: Höstterminen 2013 Richard Sörman Table des matières Avant-propos ........................................................................................................................................... 1 Introduction ............................................................................................................................................. 2 Objectif .................................................................................................................................................... 3 Méthode ................................................................................................................................................... 3 Délimitation ............................................................................................................................................. 5 Première partie ........................................................................................................................................ 7 1. Menaces extérieures ........................................................................................................................ 7 2. Mutations technologiques, culturelles et sociales ......................................................................... 12 3. Menaces intérieures : la critique, la théorie et les pratiques esthétiques ....................................... 19 Deuxième partie .................................................................................................................................... 30 De quelle « littérature » parle-t-on ?.................................................................................................. 30 Qu’est-ce qui caractérise les études littéraires ? ................................................................................ 34 Ce que peuvent les études littéraires ................................................................................................. 39 1. Récuser (conception postmoderne) ........................................................................................... 39 2. Plaire et instruire (conception classique) ................................................................................... 42 3. Remédier (conception romantique) ........................................................................................... 49 4. Découvrir (conception moderne) ............................................................................................... 59 Discussion ............................................................................................................................................. 70 Conclusion ............................................................................................................................................. 78 Bibliographie ......................................................................................................................................... 80 1 Avant-propos Que l’on nous permette d’ouvrir sur une anecdote personnelle. En automne 2011, nous avons passé un semestre à Paris comme étudiant Erasmus pour étudier la littérature à la Sorbonne. Avant de partir, nous étions bien entendu plein d’espoir : enfin nous nous retrouverions dans un milieu où l’on prenait la littérature au sérieux, où il y avait une fière tradition de méthode et d’enseignement, où l’on éprouverait la véritable importance des œuvres littéraires en acquérant des connaissances approfondies de ceux qui sont au courant. Il faut avouer notre naïveté à propos de la France : il était facile de s’imaginer qu’on y traitait la littérature presque comme une religion. La déception n’a pas tardé. Déjà après quelques semaines, notre préconception s’est brouillée : d’abord il y avait les autres étudiants ; des jeunes qui, en majorité, venaient directement du lycée, et qui, malgré leur choix de s’inscrire dans un cours de littérature, semblaient complètement blasés à l’égard de ce sujet. On bavardait pendant les conférences, on ne lisait pas les livres du cours, on surfait sur son portable ou sur son ordinateur pendant les explications de texte. Une toute petite minorité s’engageait dans le contenu et souvent nous avions pitié de ces professeurs érudits qui devaient enseigner devant cette manifeste indifférence. Cependant, bientôt nous avons remarqué que même l’enseignement auquel nous assistions comprenait des déceptions : la plupart des séminaires, des travaux dirigés, des cours magistraux était horriblement ennuyeux et stériles. Hormis l’explication de texte (à laquelle un étudiant ou une étudiante se mettait dans le rôle du professeur) il n’y avait nulle interactivité. Presque tous les jours on vivait la même chose : le professeur qui psalmodiait son cours par cœur pendant deux ou trois heures, peu d’espace pour discuter et un public sommeillant qui n’avait aucune question à poser aux œuvres classiques. Cette condition littéraire nous révulsait. Après quelques mois, nous sommes atteints d’un scepticisme inquiétant. Pourquoi lire ? Pourquoi étudier la littérature ? Nous ne trouvions aucun sens, aucun plaisir dans cette occupation. De plus en plus souvent il fallait se rendre aux bibliothèques, aux librairies pour consulter les livres. Ces endroits étaient toujours très fréquentés, ce qui nous rassurait un peu car n’était-ce pas la preuve que les gens s’intéressaient encore à la littérature ? C’était là aussi que nous avons trouvé les livres et les critiques contemporains qui constituent la base de cette recherche. Effectivement, nous n’étions pas seuls à éprouver ce malaise dans la littérature. En fait, il y avait tout un débat français sur ce thème, et nous avons bientôt compris que toutes ces œuvres critiques pris dans l’ensemble pouvaient dire quelque chose d’important sur notre temps et notre culture. C’est ainsi que l’idée de ce mémoire est née. 2 Introduction En évoquant le terme fin de siècle (ou le tournant du siècle), la connotation du mot crise n’est pas loin. Le début du XXIe siècle – notre siècle – n’est pas une exception : aujourd’hui, on parle de crise écologique, crise financière, crise sociale, crise culturelle, crise scolaire – bref, d’une crise mondiale. Notre mémoire portera sur une crise littéraire française qui, vu les titres de certaines œuvres critiques parues ces dernières années, veut nous convaincre que la littérature soit gravement menacée, en train de disparaître – de mourir même. Tous les livres dont se compose le cœur de notre corpus ont vu le jour au début des années 2000. De quoi parlent ces discours avertisseurs, parfois apocalyptiques ? D’abord, il faut préciser une position personnelle : en parlant d’une crise littéraire, nous voulons à tout prix éviter une discussion sur la qualité littéraire des œuvres littéraires contemporaines. Nous sommes complètement d’accord avec ce qu’écrit William Marx dans un article récent : « Qui saura prévoir vers quelle forme et quel statut les œuvres de langage sont en train d’évoluer ? Mais il y aura toujours des œuvres de langage : n’est-ce pas l’essentiel ? Qu’elles ne s’inscrivent pas nécessairement dans le cadre littéraire en vigueur depuis deux siècles, peu importe : après tout, c’est aussi le cas des œuvres de Sophocle ou de Chrétien de Troyes1. » Il serait donc présomptueux de récuser les œuvres qui viennent de paraître et qui n’ont pas été évaluées avec le recul du temps. De plus, les critiques accusant la littérature contemporaine d’être médiocre ou sans valeur littéraire, proposent à leur tour très peu d’arguments pour une solution concrète. Souvent, on s’embrouille dans un anticapitalisme sans présenter d’autres possibilités réalistes ; on termine dans l’impasse en incriminant la forme de gouvernement démocratique de niveler toutes les valeurs artistiques, sans véritablement préciser en quoi ces valeurs devraient consister. Les litanies sont piégées dans cette conviction embarrassante et abattue que tout était mieux autrefois, ou encore pire, dans un nationalisme borné qui se méfie de tout ce qui fait partie de l’inconnu. Nous n’inscrirons pas notre travail dans cette optique. En effet, à plusieurs égards, la littérature se porte mieux que jamais. Comme l’écrit Jean- Marie Schaeffer : « En chiffres absolus, il ne s’est sans doute jamais lu autant d’œuvres littéraires que de nos jours. Et rien n’indique que les lecteurs contemporains soient moins 1 Marx, William, « Est-il possible de parler de la fin de la littérature ? » dans Fins de la littérature, tome 2, sous la direction de Dominique Viart et Laurent Demanze, Paris, Armand Colin/Recherches, 2012, p. 33. 3 exigeants et sensibles que les lecteurs du passé1. » À l’instar de Schaeffer, nous situerons ainsi le nœud de cette crise littéraire ailleurs : dans les études littéraires. Objectif Comme l’indique le titre de ce mémoire – une citation2 tirée du livre L’Adieu à la littérature (2005) de William Marx – nous avons pour objectif d’éclaircir ce débat contemporain sur la littérature et les études littéraires en France en divisant notre étude en deux parties : 1) Un résumé et analyse des discours déclinistes sur les soi-disant menaces contre la littérature et les études littéraires. 2) Une réflexion, faite en compagnie notamment d’Antoine Compagnon, des puissances qu’il semble possible d’attribuer à la littérature et qui peut-être devraient orienter les études littéraires beaucoup plus qu’elles ne le font aujourd’hui. En effet, en identifiant les facteurs qui semblent constituer l’origine de cette crise française, nous espérons, dans un deuxième temps, démontrer comment ces critiques motivent les fonctions que pourraient remplir les études littéraires. En bref, quelles fins de la littérature voit-on par rapport à l’enseignement littéraire ? Dans un temps où les critiques soucieux sont nombreux, le but de ce mémoire est ainsi de tirer au clair les grandes lignes du débat sur les problèmes et les potentialités des études littéraires, mais aussi d’établir notre propre position par rapport aux problèmes discutés. Avant de commencer, il faut alors souligner notre conviction que les études littéraires doivent remplir une fonction sociale, actualisante et enrichissante. La question essentielle qui se pose à ce propos, c’est de savoir comment y parvenir. Au cours de ce mémoire, nous chercherons donc des réponses à ces questions principales : Les études littéraires, sont-elles menacées aujourd’hui ? Faut-il financer les études littéraires ? Dans des programmes d’enseignement surchargés, est-il alors légitime de réserver du temps à l’étude de textes littéraires ? Méthode Notre analyse portera sur une sélection d’œuvres qui ensemble constitue une partie importante du débat contemporain qui vient de surgir en France. Comme l’indique Dominique Viart dans son article inaugural de l’anthologie Fins de la littérature. Esthétiques et discours de la fin (2011) : 1 Schaeffer, Jean-Marie, Petite Écologie des études littéraires. Pourquoi et comment étudier la littérature ?, Vincennes, Éditions Thierry Marchaisse, 2011, p. 6. 2 Marx, William, L’Adieu à la littérature – histoire d’une dévalorisation, XVIIIe-XXe siècle, Paris, Les Éditions de Minuit, 2005, p. 14. 4 Si la littérature se sent à ce point menacée, c’est en effet qu’aux discours déclinistes qui vitupèrent contre ses nouvelles formes esthétiques, et que l’on pourrait dire atemporels, en ce qu’ils se réitèrent d’époque en époque et de génération en génération, s’ajoutent en ce début de siècle des mutations économiques, culturelles, sociales (ou plus exactement « sociétales » uploads/Litterature/ gupea-2077-35053-1 1 .pdf

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