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Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RHMC&ID_NUMPUBLIE=RHMC_545&ID_ARTICLE=RHMC_545_0007 Histoire globale, histoires connectées : un changement d’échelle historiographique ?. Introduction par Caroline DOUKI et Philippe MINARD | Belin | Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine 2007/5 - n°54-5 ISSN 0048-8003 | ISBN 978-2-7011-4573-0 | pages 7 à 21 Pour citer cet article : — Douki C. et Minard P., Histoire globale, histoires connectées : un changement d’échelle historiographique ?. Introduction, Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine 2007/5, n°54-5, p. 7-21. Distribution électronique Cairn pour Belin. © Belin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Histoire globale, histoires connectées Histoire globale, histoires connectées: un changement d’échelle historiographique? Introduction1 Caroline Douki Philippe Minard La «globalisation» (ou «mondialisation», c’est selon) est devenue un thème omniprésent, non seulement à la une des journaux mais aussi dans les travaux scientifiques: l’économie a ouvert la voie, et les autres sciences sociales ont vite emboîté le pas. Mais l’ubiquité de la notion ne va pas sans ambiguïté, voire sans péril de contradiction du fait de sa «polysémie conflictuelle», pour reprendre l’expression de Frederick Cooper2. Et les deux termes, dont l’un apparaît comme un simple décalque de l’anglais, sont-ils équivalents, interchangeables3 ? Le thème de «l’histoire globale» exerce aujourd’hui une incontestable séduction, tout comme celui des « circulations », ou des « connexions ». La rapidité avec laquelle ces thématiques ont été adoptées dans plusieurs secteurs scientifiques ou éditoriaux n’en fait pas pour autant des paradigmes scientifiques automati- quement pertinents dans tous les domaines où l’on tend à vouloir les appliquer. On est aussi en droit de rester vigilant face aux effets de légitimation par simple importation des thématiques venues d’autres contextes académiques ou scien- tifiques (qu’on ne prend parfois pas la peine d’expliciter ou traduire): la réac- tivité ne signifie pas nécessairement l’abdication de tout esprit critique. Face aux imprécisions ou aux glissements incontrôlés, sans doute convient- il de mieux distinguer entre deux aspects dans l’usage de la notion de 1. Nous tenons à remercier le CERI (FNSP , Paris) et l’IHMC-CNRS pour le concours qu’ils ont bien voulu nous apporter dans l’organisation de la table ronde du 9 juin 2007, dont ce numéro est issu. Merci en particulier à Romain Bertrand (CERI), qui a largement contribué à l’organisation de cette table ronde et à l’édition du présent volume. Serge Gruzinski, William Gervase Clarence- Smith et Patrick O’Brien n’ont malheureusement pas pu se joindre à nous à la date retenue. 2. Frederick COOPER, «What is the concept of globalization good for? An african historian’s pers- pective», African Affairs, 100, 2001, p. 189-213, repris et mis en perspective avec d’autres concepts plurivoques (identité, modernité) dans la deuxième partie de ID., Colonialism in Question. Theory, Knowledge, History, Berkeley, University of California Press, 2005. 3. Le traducteur de l’article ci-dessus a rendu globalization par «mondialisation» (F . COOPER «Le concept de mondialisation sert-il à quelque chose? Un point de vue d’historien», Critique internationale, 10, janvier 2001, p. 101-124). REVUE D’HISTOIRE MODERNE & CONTEMPORAINE 54-4 bis, supplément 2007. «globalisation». D’un côté, elle désigne un processus historique d’intégration mondiale, économique et/ou culturelle, dont l’analyse se heurte aux difficultés de périodisations divergentes ou de choix des critères jugés pertinents (Susan Berger,par exemple,théorise une «première mondialisation» à propos des modes de régulation des interdépendances économiques et sociales pour la fin du XIXe- début du XXe siècle4, quand toute la tradition braudélienne au contraire perçoit des dynamiques d’interdépendance mondialisée dès l’époque moderne, dans le sillage des Grandes Découvertes). D’autres auteurs définissent plutôt l’histoire globale comme un mode d’approche des processus historiques,et se situent donc sur un plan méthodologique,estimant nécessaire un décloisonnement du regard, intégrant une approche contextuelle parfois élargie à l’échelle planétaire: la glo- balisation est ici un mode d’étude des objets, plutôt qu’un objet d’étude. Si l’impulsion venue du monde anglophone doit être à la fois prise au sérieux et questionnée,force est de reconnaître,avec Serge Gruzinski,que l’«alchimie des métissages», l’«intensité des circulations […] dévoilant des paysages mélangés» sont aujourd’hui encore faiblement pris en considération par l’université française dans son ensemble5. Situation étonnante, au regard de l’effervescence qui anime non seulement le monde académique anglo-américain, mais aussi les universités européennes: aux Pays-Bas et en Allemagne, en particulier, les recherches d’his- toire «globale» sont très actives.Parallèlement,les travaux des spécialistes des sys- tèmes impériaux à travers le monde ont mis en avant la notion d’«histoire connectée», considérée comme une modalité spécifique de l’approche globale. Aussi avons-nous souhaité interroger ensemble et concurremment ces deux notions. Il s’agit d’essayer de comprendre à la fois les enjeux épistémologiques et méthodologiques de ces champs d’étude, leurs apports et leurs limites, mais aussi les raisons de leur relative faible reconnaissance (sinon audience) en France6. Les articles qui constituent ce numéro sont pour une large part issus de la table ronde organisée par la Société d’Histoire Moderne & Contemporaine à l’occasion de son assemblée du 9 juin 2007, et font écho au dossier qui paraît simultanément dans le n° 54-4 de la RHMC. Les points de vue proposés sont divers, non seulement du fait de la diversité des contextes nationaux d’exercice des auteurs, de leur formation disciplinaire (histoire, sciences politiques, socio- logie), de leur objet d’étude, mais aussi de leurs conceptions de l’approche «glo- bale» ou «connectée», car derrière des désignations communes et des démarches potentiellement convergentes émergent en fait des perspectives plurielles, et parfois en réelle tension. Il s’agit bien de démêler les enjeux, apports et limites d’une telle pluralité. 4. Susan BERGER, Notre première mondialisation. Leçons d’un échec oublié, Paris, Seuil, 2003. 5. Serge GRUZINSKI, Les quatre parties du monde. Histoire d’une mondialisation, Paris, La Martinière, 2004, rééd. Points-Seuil, 2006, p. 31-32. 6. Relevons cependant, entre autres, le dossier «Une histoire à l’échelle globale» publié par les Annales. Histoire, sciences sociales, 56-1, 2001, p. 3-123, ou la traduction d’articles comme celui de F . COOPER, «Le concept de mondialisation….», art. cit. 8 REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE WORLD ET GLOBAL HISTORY: CHANGEMENTS D’ÉCHELLE? CHANGEMENTS DE REGARDS? Aux États-Unis, l’ouvrage pionnier de William McNeil, The Rise of the West. A History of the Human Community, publié en 1963, apparaît aujourd’hui comme la prémisse du mouvement qui, dans les années 1980-1990, a pris le nom de world ou global history. De fait, le premier numéro du Journal of World History publié depuis 1990 par l’université d’Hawaï s’ouvre sur un article de McNeil, «The Rise of the West, vingt-cinq ans après», qui se félicite de la légitimité enfin acquise, et mesure le chemin parcouru7. Cette revue est l’émanation officielle de la World History Association créée en 1982, qui comptait 1400 adhérents à jour de cotisation en 20028. Parallèlement, il existe depuis 1994 une publica- tion en ligne, World History Connected, et une liste de discussion intitulée H- World, réunissant 1500 internautes affiliés. De son côté, à la suite du succès du Global Economic History Network qu’elle a contribué à financer9, la London School of Economics vient de lancer, aux Presses de l’université de Cambridge, un Journal of Global History qui couvre le même champ d’étude. On peut aussi relever que la revue états-unienne la plus prestigieuse et la plus diffusée, l’American Historical Review, a introduit en 2000 une nouvelle section «Comparative/World» dans sa rubrique de comptes rendus, et son numéro de décembre 2006 consacre 25 pages à un débat entre six historien(ne)s (dont Christopher Bayly) sur les enjeux de «l’histoire transnationale»10. En Allemagne, la jeune revue Comparativ, d’abord sous-titrée Leipziger Beiträge zur Universalgeschichte und vergleichenden Gesellschaftsforschung, se défi- nit désormais comme une revue d’histoire «globale», et le centre de recherche animé par Matthias Middell à l’université de Leipzig se montre très actif dans ce domaine11. Le cas hollandais est plus remarquable encore : depuis 1977, 7. Entre 1963 et 1990, The Rise of the West a été vendu à 75 000 exemplaires. Le livre de Jared DIAMOND, Gun, Germs and Steel. The Fates of Human Societies, New York, Norton, 1997, est en train de connaître un succès public analogue (trad. De l’inégalité parmi les sociétés. Essai sur l’homme et l’environnement dans l’histoire, Paris, NRF-Gallimard, 2000.) 8. Patrick MANNING, Navigating World History. Historians create a Global Past, Basingstoke, Palgrave-Macmillan, 2003, p. 167. À titre de comparaison, à la même date, en 2002, l’American Historical Association compte 15 000 membres, l’Organization of American Historians 11 000, l’Association of Asian Studies 7500, la Latin American Studies Association 5500, l’American Association for the Advancement of Slavic Studies 5000, l’African Studies Association 3000, et la Middle East Studies Association 2600. 9. Animé par Patrick O’Brien et Giorgio Riello, dont on lira uploads/Litterature/ histoire-globale-histoires-connectees.pdf

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