Discours sur le pain de vie une homélie synagogale ? Institut orthodoxe st Serg

Discours sur le pain de vie une homélie synagogale ? Institut orthodoxe st Serge - sandrine caneri © 1 / 3 ……………………………………………………………………………………………………………………………… Le discours sur le pain de vie, une homélie synagogale de Jésus ? La plupart des critiques situent l’Evangile de Jean, à la fin du premier siècle. Cette position est corroborée par des témoignages anciens. Eusèbe de Césarée a conservé une lettre d’Irénée de Lyon à Florinus fin du 2è siècle. Irénée dit : « le quatrième évangile a été rédigé d’une manière définitive quand Jean est revenu de son exil à Patmos sous l’empereur Nerva (96- 98) ». Une autre tradition rapportée par Epiphane, fin du quatrième siècle. « Jean a longtemps refusé d’écrire un évangile, il y a été contraint par le Saint-Esprit alors qu’il était nonagénaire ». D’après Epiphane il aurait écrit sous le règne de Trajan (98-117). Il a voulu compléter les autres évangiles. Cette tradition maintient que ce qui est transmis par l’évangile se rattache à un disciple de Jésus mais entre les souvenirs précis des disciples de Jésus et la rédaction tardive, il y a toute une tradition orale et des étapes rédactionnelles à l’intérieur d’un milieu johannique qui est bien marqué par le disciple fondateur. Nous sommes en présence d’une tradition d’un témoin authentique de Jésus, mais une tradition enrichie par une réflexion de foi. Et cette tradition s’est enrichie dans un milieu qui n’est plus celui d’Israël. Les communautés chrétiennes qui finalement ne sont plus formée de juifs mais de gens d’origine païenne qui ne vivent pas en terre d’Israël. C’est dans ce contexte qu’il faut lire le terme « juif ». Par ex. la Pâque des juifs. Parce que ces communautés fêtent depuis 50 ans la Pâque chrétienne. Ce discours sur le Pain de vie est organisé selon le schéma d’une célébration à la synagogue. Il y a d’abord la Petiha, l’introduction, l’ouverture, qui énonce toujours un verset biblique des Prophètes ou des Écrits1. Elle est suggérée par Jésus (et dite par la foule) : Ps 78,24 : « il leur donna le froment des cieux ». Puis Jésus fait allusion à la Torah : Le don de la manne en Ex 16. Dans la méditation juive la manne est le symbole de la parole de Dieu. Or la Parole de Dieu est le grand don qui fait vivre son peuple. Dans le Midrash Rabba, comme déjà dans le Pentateuque, la Torah est assimilée au pain : « il t'a donné à manger la manne que ni toi ni tes pères ne connaissiez, pour te faire reconnaître que l'homme ne vit pas de pain seulement, mais qu'il vit de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur » (Dt 8,3) La Parole de Dieu c’est le pain qui fait vivre son peuple. Cette affirmation que la Torah est le Pain qui fait vivre le peuple de Dieu est développée par toute la tradition juive. Jésus dans son commentaire de Ex 16, invite les fidèles à accueillir cette parole de vie dans la Foi. La méditation chrétienne considère Jésus jouant un rôle particulier pour présenter cette parole de Dieu qu’il faut accueillir dans la foi. Ce don de la vie qui est donné dans la Torah, cette parole de Dieu Jésus va la prolonger. Dans la célébration synagogale à la suite de la lecture de la Torah et de son commentaire qui actualise la parole de l’Eternel, il y a la lecture de la Haftara2. Texte prophétique qui va continuer la méditation sur l’accueil de la parole de Dieu. Et ici, nous lisons en Jn 6,45 : « ils seront tous enseignés par Dieu » c’est un passage d’Isaïe (53,13 mais aussi de Jr 31,33). Cela se situe dans la même ligne : accueillir la parole de Dieu comme pain de vie. On ne sait pas si du temps de Jésus ce passage d’Isaïe était lu comme haftara de Ex 16. Jésus cependant pour se présenter et présenter tout le mystère de sa parole, Jésus suit le schéma synagogal classique : une introduction par un psaume, la partie principale qui est la lecture de la Torah avec un commentaire actualisant, et la lecture de la haftara qui est un texte prophétique. Jésus est convaincu qu’il est investi d’une mission spéciale de la part de Dieu. Cette mission il la présente dans le cadre d’une méditation sur la Parole de Dieu. Et en juif fidèle il construit sa méditation en suivant le schéma auquel il est habitué, qui est le schéma d’une homélie synagogale. Or au v.59 l’évangéliste précise qu’il a prononcé ce discours dans une synagogue. La composition de Jean 6, 22-59 dans l’exégèse récente Michel Roberge Laval théologique et philosophie vol.40, n°1, fév. 1984, p. 91-123. https://doi.org/10.7202/40007 [96] 1 C'est-à-dire aux deux dernières parties de la Bible hébraïque. 2 La deuxième lecture, après la Torah (Pentateuque) dans le cadre de la liturgie synagogale du shabbat par exemple. Discours sur le pain de vie une homélie synagogale ? Institut orthodoxe st Serge - sandrine caneri © 2 / 3 ……………………………………………………………………………………………………………………………… Les idées principales des deux parties de ce discours sont claires. La première partie traite du comportement de l'homme envers Jésus, c'est-à-dire de la foi, ou de ce que l'homme doit faire pour Dieu. La deuxième partie présente ce que Dieu veut faire pour l'homme, le don de Dieu, le pain eucharistique3. 2) Structure homilétique (forme littéraire) P. BORGEN P. BORGEN retrouve dans le discours sur le pain de vie la structure et les procédés d'exposition de l'homélie juive4 : une introduction présente un texte du Pentateuque en le divisant d'une façon déterminée. Suit une paraphrase qui reprend certains termes de la citation et la commente de façon systématique en suivant la [97] division donnée dans l'introduction. Dans cette paraphrase s'insère une citation secondaire tirée aussi de l'Ancien Testament. Une conclusion, qui reprend les principaux termes de l'introduction, termine l'exposé. Cette structure se retrouverait en tous points en Jn 6, 31-58 : v. 31 : introduction: citation du texte d'Ex 16, 4 (Ps 78, 24). a « Il leur a donné du pain du ciel b à manger v. 32-48 : paraphrase de la partie a) de la citation ; citation secondaire (Is 54,13). Débat exégétique (v. 41-48). v. 49-57 : paraphrase de la partie b) de la citation. v. 58 : conclusion qui reprend les termes du v. 31. P. Borgen note aussi que l'évangéliste fait usage de procédés et d'une terminologie midrashiques dont les principaux exemples sont : 1) l'emploi d'un fragment haggadique pour introduire la citation scripturaire en Jn 6, 31a, 2°) l'exégèse du texte scripturaire à l'aide du schéma midrashique antithétique (pattern of contrast) Oυ … ἀλλὰ suivi d'une proposition introduite par γάρ, en Jn 6, 31-32. Cela correspond à la formule 'al tiqrâ (tiqrè)... èllâ (אלה…אל תיקרא) de l'exégèse rabbinique. Ainsi le texte de Jn 6, 31-32 devrait être interprété de la façon suivante : v. 3l b : « Il leur donna (ἔδωκεν /nâtan) le pain du ciel à manger. » v. 32: En vérité, en vérité je vous le dis, non pas : il donna (δέδωκεν) (ἔδωκεν) / (nâtan) mais : il donne (δίδωσιω /nôtén)"5. A. FINKEL Dans un ouvrage publié en 19646, A. FINKEL signale lui aussi que le texte de Jn 6,30-58 suit le 3 Mentionnons encore la tentative de J. SCHATTENMANN (Studien zum neutestamentlichen Prosahymnus, Miinchen, 1965, pp. 33-39) pour retrouver dans le discours de Jn 6 un hymne primitif. Prenant comme critère fondamental la diversité des noms divins, θεός et πατήρ, utilisés dans le discours, l'auteur identifie d'abord deux sources : 1) la péricope — θεός, formée des v. 26-29, 30-36; 41-43 , 47-5 lb, 58; 2) la péricope — πατήρ, qui constitue un hymne divisé en quatre strophes : I : v. 37, 54c (« Et moi je le ressusciterai... »); II : v. 38, 39; III: y. 40; IV : v. 44-46; 57a. Reste une troisième source que l'auteur appelle la péricope — σάρξ, qui forme aussi un hymne de quatre strophes : (v. 51c, 52, 53a); I : v. 53b (« Si vous ne mangez... ») ; II : y. 54 (moins le refrain : « Et moi, je le ressusciterai... », qui brise le rythme et ne s'insère pas dans le contexte. Cf. la strophe I de la péricope — πατήρ) ; III : V. 55 ; IV : v. 56, 57b. 4 Cf. P. BORGEN, « The Unity of the Discourse in John 6 », ZNW 50 ((959), 277-278 ; « Observations on the Midrashic Character of John 6 », ZNW 54 (1963), 232-240; Bread from Heaven. An Eregetical Study of the Concept of Manna in the Gospel of John and the Writings of Philo (Supplements to Novum Testamentum, X), Leiden, 1965. 5 Cf. op. cit., pp. 61-65. 6 Cf. A. FINKEL, The Pharisees and the Teacher of Nazareth, Leiden, 1964, pp. 149-159. Discours sur le pain de vie une homélie synagogale ? Institut orthodoxe st Serge - sandrine caneri © 3 / uploads/Litterature/ homelie-pain-de-vie-a-la-synagogue.pdf

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