En quoi la pièce Juste La fin du monde de Jean-Luc Lagarce qui traite de thèmes

En quoi la pièce Juste La fin du monde de Jean-Luc Lagarce qui traite de thèmes personnels et familiaux a-t-elle une portée universelle ? Jean-luc Lagarce est un écrivain français contemporain (1957-1995). Il a écrit la pièce « Juste La fin du monde » peu de temps après avoir appris qu'il était malade du sida. Ce sera l'une de ces dernières œuvres. Dans son journal, on retrouvera des notes qui révèleront que cette pièce s’intitulait initialement Quelques éclaircies. Si l’histoire reste toujours la même, à savoir un homme qui décide de revoir sa famille après douze années d’absence, pour annoncer sa prochaine mort, le développement du titre démontre le changement de tonalité de la pièce. L’optimisme décrit par « des éclaircies » disparaît avec le changement de titre qui devient « Juste la fin du monde ». Celle-ci en effet, peut parfois être perçue comme tragique, parfois comme sans importance, selon les individus. Nous allons voir dans une première partie, pourquoi la pièce, qui traite de thèmes personnels tels que la mort, la maladie et l’incommunicabilité, a une portée universelle. Dans une seconde partie, nous mettrons en exergue les thèmes familiaux tel que le manque de reconnaissance, la rivalité, voire la jalousie entre frères et sœurs qui ont également une portée universelle. Le mot crise vient du latin «crisis» et fait référence à l'acte de juger, de choisir, de se séparer. On utilise ce mot pour décrire la pression qui cause une souffrance personnelle : crise d'identité, d’adolescence, crise des cinquante ans, lors de l’exacerbation d’une maladie : crise cardiaque ou encore, lors de difficultés qui touchent tout un groupe de personnes : crise sanitaire, crise politique, crise économique. Dans cette pièce autobiographie, le personnage principal, Louis, traverse une grave crise personnelle, il se sait atteint d’une maladie incurable qui est le sida. En découvrant sa séropositivité, le héros se sait victime d’un destin tragique qui va contaminer tout son monde. « Juste la fin du monde » parle de cette maladie honteuse qu’est le sida à l'époque, sans jamais la nommer. En refusant de la citer, l’auteur confère à la pièce une dimension universelle, chaque malade peut s’identifier au héros et aux difficultés qu’il doit affronter. Le héros prend certainement aussi conscience qu’il n’a qu’une seule vie à vivre, et que la fin de cette unique vie se rapproche inéluctablement. C’est une sorte de renoncement. L’on constate que la mort est la base de toute la pièce, même si celle-ci n'a finalement pas été annoncée, comme s'il s’octroyait un sursis. En effet, la mort hante ce drame : la mort du père qui semble annoncer la mort du fils portant le même prénom et suggère une mort tragique inquiétante pour le petit-fils également prénommé Louis. Le titre même de la pièce est une allusion à l'Apocalypse, la fin du monde située dans la Bible dont l'étymologie grecque tend à l’assimiler à une révélation. Ici on peut considérer que, pour Louis, sa propre mort est la fin du monde, même si l’expression "la fin du monde" peut aussi s’entendre au sens propre, qui renvoie à la croyance d'une terre plate, et à la notion d'extrémité. En effet, là où Louis a été élevé, c'est le bout du monde pour lui. L’on remarque ainsi qu’une crise est aussi le déclencheur de nombreuses nouvelles crises. Outre la maladie et la mort, cette crise personnelle démontre aussi l’incommunicabilité entre les hommes. Une des caractéristiques de cette œuvre est qu'elle ne montre aucune action : rien ne se passe, la seule action observable est l'acte de parole. La structure du scénario est basée sur une suite de mots isolés : soit il n'y a pas de dialogues entre les personnages, ou plutôt un dialogue de sourd, soit un seul personnage dans toute la scène, s’est accaparé des mots, aboutissant à une série de monologues. La fin du monde coïncide avec un échec du dialogue : il est difficile pour chacun de dire à l'autre ce qu'il veut exprimer. Louis dans la première partie a admis dans la scène 5 de la première partie qu'il "ne trouve pas les mots", puis a conclu que sa famille l'aimait comme un mort, "incapable ou ignorant quoi lui dire". D’un côté, Susanne sa sœur et sa mère lui demandent de se dévoiler et de parler de sa situation. De l’autre côté, Catherine, sa belle-sœur et Antoine son frère cadet, lui ordonnent de ne rien dire. Ainsi, le refus d’écouter d’Antoine fait échos aux difficultés de s’exprimer de Louis: «Tu veux me parler / je vais devoir écouter / je ne veux pas écouter» (Partie 1, page 11). Une fois qu'un des personnages parle, soit il s'excuse, soit il essaie d'expliquer les mots qu'il prononce, par exemple, la mère continue de commenter son discours : « Je vais dire ceci » (Partie 1, Partie 4). Les parties se détruisent et le dialogue ne peut s'établir. Si les personnages sont incapables de communiquer, c'est aussi parce que toutes leurs conversations commencent à être étroitement liées au passé. Chacun recrée le passé à sa manière, et chacun a ses propres termes comme l'explique la mère dans la scène 8 de la première partie. Pour chaque personnage, il s'agit simplement d'exposer sa perspective et sa propre vérité. Le scénario trouve quelques ressemblances au théâtre de l’absurde du XXe siècle. Beckett et Ionesco, ces derniers, montrant l’incapacité des personnes à communiquer entre elles, d’autant plus dans le cercle familial. Le thème familial suggère que le dramaturge préfère traiter la famille comme un lieu fermé, et la confrontation y est intensifiée par la responsabilité de l'appartenance naturelle. Le premier cercle est celui de la famille c’est l’endroit où une personne naît, se nourrit et grandit. Elle engendre des réactions complexes et souvent conflictuelles : reconnaissance, jalousie, exercice de l'autorité, respect, mépris, héritage. C’est un terrain fertile pour des actions puissantes, et de forts sentiments, tels que l’approbation ou le rejet. Ainsi, après douze années d'absence, le protagoniste, rentre chez lui, désireux d'être reconnu par sa famille. Cette reconnaissance peut être comprise comme une volonté de donner à ses proches une seconde compréhension de lui et leur faire découvrir ses propres caractéristiques et qualités Face à l’impossibilité de reconnaissance, c'est l’aveu des personnages de ne s’être jamais connus. De façon dramatique, la « reconnaissance » est aussi un processus théâtral, généralement utilisé à la fin du drame pour le rendre efficace. Non seulement Louis, ne sera pas reconnu mais sera soumis aux jugements rendus par sa famille : Le vocabulaire utilisé est celui employé dans les tribunaux. Louis est blâmé pour avoir été absent pendant douze ans, et sa famille le juge durement. Elle ignore, et ne remet pas en question la raison de son arrivée soudaine après douze ans d'absence. L'auteur veut ici prouver qu'un jugement rapide peut être dangereux, et qu’il est recommandé de se renseigner sur les raisons des actions des autres avant de juger leurs actions. A ce jugement s’ajoute une perte des priorités : Les personnages n'arrêteront pas de se disputer à propos de choses triviales, telles que des tournures de phrases qui leur déplaisent. Ils se corrigent très rapidement et souvent avec mépris. En même temps, ils se désintéressent des vraies priorités et des raisons pour lesquelles Louis est venu leur rendre visite aujourd'hui. Lorsqu'il a entamé son périple, Louis connaissait déjà la manière dont les évènements allaient se dérouler : « c'est exactement ainsi, / lorsque j'y réfléchis, / que j'avais imaginé les choses, / vers la fin de la journée, / sans avoir rien dit de ce qui me tenait à cœur / – c'est juste une idée mais elle n'est pas jouable » (partie 2, sc. 1). Il voudrait changer le cours des choses mais cela lui est impossible. Il jouera son rôle, il sera le frère aîné « désirable et lointain, distant » (intermède, sc. 5). La rivalité entre les deux frères : Louis et Antoine n’est pas sans rappeler des personnages mythiques (Romulus et Remus) ou de personnages bibliques (Caïn et Abel), C’est aussi ce thème qui a intéressé Racine dans sa tragédie, « Britannicus », où Néron assassinera son frère Britannicus. Pour conclure, on peut affirmer que la pièce « Juste La fin du monde » de Jean-Luc Lagarce qui traite de thèmes personnels et familiaux a une portée universelle, En effet, à travers les thèmes évoqués, chacun peut s’identifier à un personnage ou se retrouver dans l’une ou l’autre des situations. Tout un chacun a été de près ou de loin confronté à la maladie, voire à la mort. De même, personne n’a échappé à des conflits familiaux. La pièce connaîtra un vif succès après la mort de l’auteur, elle sera jouée entre autre par la Comédie Française, et adapté au cinéma. Elle figure également au programme de l’Education Nationale. uploads/Litterature/ j-l-lagarce.pdf

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