DAN MOLDOVAN, La lecture comme énonciation SOMMAIRE 1. L’Énonciation 2. La co-é

DAN MOLDOVAN, La lecture comme énonciation SOMMAIRE 1. L’Énonciation 2. La co-énonciation 3. Stratégies de lectures 3.1. La grammaire du texte 3.2. La théorie de la réception littéraire – W. Iser 4. Les lecteurs 5. Le lecteur coopératif / le lecteur modèle – U. Eco 6. Lexique et expansion 1. L’énonciation En linguistique, l’énonciation est l'acte individuel de production d'un énoncé, adressé à un destinataire, dans certaines circonstances. La situation d'énonciation est la situation dans laquelle a été émise une parole, ou dans laquelle a été produit un texte. Celle-ci permet de déterminer qui parle à qui (ou : qui écrit à qui), et dans quelles circonstances. Les actantes de l’énonciation sont : • L’énonciateur (celui qui parle ou qui écrit) • Le destinataire (celui à qui s’adresse l’énoncé, parlé ou écrit) Exemple de situation d’énonciation : Lundi 10 janvier 2005, au pied de la tour Eiffel, Solange Martin a dit à Charles Dupuis : « Les Parisiens se sont emparés de la Bastille le 14 juillet 1789. » L’énoncé « Les Parisiens se sont emparés de la Bastille le 14 juillet 1789. » est produit par la situation d'énonciation suivante. - L'énonciateur est « Solange Martin ». - Le destinataire est « Charles Dupuis ». - Le lieu de l'énonciation est « au pied de la tour Eiffel ». - Le temps de l'énonciation est le « lundi 10 janvier 2005 ». Donc, tous les actants de l’énonciation jouen un rôle important, mais le destinataire est plus important dans la production et l’interpretation des énoncés ; chaque destinataire peut interpreter comme il peut/veut le message de l’énonciateur. Par exemple : JE – J’ai besoin d’un chien. Le destinataire X peut entendre : Il veut jouer avec un chien. Le destinataire Y peut entendre : Il est seul et il veut aimer un chien. Le destinataire Z peut entendre : Il veut un chien parce qu’il a déjà un et veut autre pour avoir un camarade pour le premier chien. 2 DAN MOLDOVAN, La lecture comme énonciation 2. La co-énonciation Si on parle du discours littéraire la difference entre l’énonciateur et le destinataire est plus evidente. Généralement, les textes littéraires n’ont pas un public très precis ; les destinataires peuvent être de tous les domaines (par exemple les contes de Perault sont lues par des médicins, ingénieurs, mais aussi par des petits enfants ou par des adolescents) Les œuvres littéraires sont écrites particulièrement pour circuler en temps et dans des lieux très divers. On peut dire que dans le cas du texte littéraire l’énonciateur est absent parce qu’il n’est pas le substitut d’un sujet parlant mais une instance, une voix qui transmette ses émotions, ses pensées, etc. à l’aide de l’écriture. Sans doute, la temporalité d’un texte littéraire est differente de notre temps. Par exemple : Aujourd’hui, je suis convaincue que personne ne perd personne, parce que personne ne possède personne. C’est cela la véritable expérience de la liberté: avoir la chose la plus important au monde, sans la posséder. (Le Marquis de Sade, Aline et Valcour) • Aujourd’hui : ce jour-là • Personne : personne du XVIIIe siècle Chaque écrivain crée un univers imaginaire (ou non) grâce a ses œuvres et le lecteur a la liberté de déchifrer (ou non) cet univers ; il peut travailer sur le texte et il peut entendre ce qu’il veut, il peut s’identifier avec des personnages imaginées en autre siècle, il peut être d’accord avec l’écrivain, il peut avoir des déjà-vu et ensuite de suite. C’est ça le plaisir de la lecture. 3. Stratégies de lecture Pour bien entendre un texte littéraire il faut que le lecteur soit actif et pas nécessairement cohérent, plus importante est l’imagination. Ces stratégies de lecture ont donné naissance à deux courants, c’est-à-dire : • La grammaire du texte (1960) qui supose l’intelligence artificielle du lecteur • La théorie de la réception littéraire (1970 – l’Ecole de Constance en Allemagne) ayant comme initiaturs Jauss et Iser W. ISER, L’acte de la lecture Chez Wolfgang Iser, le sens est toujours à construire. Comme chez Jauss, cette sémiosis n’est possible qu’à la condition qu’une intention habite le lecteur. La lecture, c’est la rencontre de deux pôles : l’un, artistique et propre au texte, l’autre esthétique et propre au lecteur. Donc, le texte, portant en lui-même les conditions de sa 3 DAN MOLDOVAN, La lecture comme énonciation réalisation, parle au lecteur, le guide afin qu’il réalise ce qui y est implicite. Ce qui est implicite au texte, c’est d’abord la situation qui sert d’arrière-plan à sa réalisation. D’une part, sa situation qui entoure l’auteur, appuyé de sa position sur la Terre et dans l’Histoire, appuyé de sa culture, de ses valeurs, ses expériences, ses connaissances et capable d’articuler un lien artistique logique (le texte) entre tout ceci. Donc, il écrit un texte, lui aussi normalisé par des structures et des conventions qui sont à la fois textuelles et extra-textuelles. D’autre part, ce texte nécessite un lecteur, appuyé de sa position sur la Terre et dans l’Histoire, appuyé de sa société, de son éducation, son enfance, sa sensibilité et habile à établir un lien logique (la lecture) entre tout ça, entre toutes ces conventions. Pour que la communication s’accomplisse, il doit s’établir un rapport entre texte et lecteur. Donc, pour établir une telle situation, il faut nécessairement que la lecture soit dialogique : « il en peut naître désormais la situation-cadre où le texte et le lecteur atteignent à la convergence. Ce qui, dans l’usage commun du discours, doit toujours être donné préalablement, il s’agit ici de le construire». Iser réussit grâce à sa théorie d’exclure la psychologie et la subjectivité de la lecture, activités pourtant primordiales à l’expérience littéraire. 4. Les lecteurs On peut nomer lecteur chaque personne qui lit un livre, un journal, des petites annonces, etc. Le probleme qui se pose est comment sont les points de vue sur la position de lecture ? D. Maingueneau distingue plusieurs types des lecteurs : • Le lecteur invoqué directement par le narateur Mon cher lecteur, je viens t’apporter un nouvel essai qui te plaira peut-être médiocrement (George Sand, Lucrézia Floriani) • Le lecteur institué – l’énonciation même du texte. Le lecteur doit être détective, il doit chercher les indices ; la nature du texte exige une pluralité de positions de lecture – par exemple le roman baroque (Cyrano de Bergerac, L’autre monde) n’institue pas le même type de lecteur que le roman réaliste (Balzac, La Comedie humaine) • Quand on éncandre une œuvre à un tel genre, cela implique un certain type de récepteur, donc elle est destiné a un public générique – par exemple Molière écrit ses pieces pour divertir la cour et ses spectateurs. Généralement, l’auteur connait les attentes de ce public et pour cette raison il écrit ce qu’il demande (comme est le cas du Balzac, Sthendal ou Sade) ou au contraire il peut provoquer des surprises (E. Ionesco a produit une grande surprise avec La cantatrice chauve) • La reception d’une œuvre est sans doute differente et le public aussi ; pour cette raison il y a aussi la public attesté, c’est-à-dire le public d’une certaine 4 DAN MOLDOVAN, La lecture comme énonciation époque – le public de La Fontaine du XVIIe siècle a entendu tout autre chose que le public d’aujourd’hui. 5. Le lecteur coopératif / le lecteur modèle Pour qu’un texte soit bien compris et bien interprété il faut que le lecteur soit coopératif. Eco l’appelle lecteur modèle. Le lecteur modèle est une théorie sémiotique établie par Umberto Eco dans sa principale œuvre linguistique Lector In Fabula. Chaque destinataire se trouvant confronté à un texte, se retrouve ainsi confronté en premier lieu à sa surface, à sa manifestation extérieure et linguistique, et doit actualiser toute une série de chaînes d’artifices. Puisqu’il est à actualiser, un texte est donc incomplet pour deux raisons : La première raison évidente est qu’il fait référence à un code : un terme est considéré comme « flatus vocis » dans la mesure où il n’est pas mis en relation avec son contenu en référence à un code donné. Le destinataire doit donc posséder une compétence grammaticale dans le but d’actualiser le message. Umberto Eco stipule que le texte représente un « tissu de non-dit » : « non-dit », explique-t-il, « signifie non manifesté en surface, au niveau de l’expression » . C’est justement ce « non-dit » qui demande à être actualisé. Pour permettre cette actualisation, le lecteur doit produire une série de mouvements coopératifs et conscients. Prenons comme exemple une conversation entre deux personnes : le lecteur devra alors mobiliser une série de mouvements coopératifs pour en actualiser le contenu et il devra ainsi admettre que l’un s’adresse nécessairement à l’autre. Un des mouvements qui sera incontestablement mobilisé est celui de l’encyclopédie du lecteur : par exemple dans le syntagme « tu es revenu » le lecteur comprendra par son encyclopédie qu’il y aura eu un éloignement antérieur. Nous comprenons donc que la présence du destinataire est une uploads/Litterature/ la-lecture-comme-enonciation.pdf

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