« La nuit » Analyse sémiotique du conte fantastique « La Nuit« de Guy de Maupas
« La nuit » Analyse sémiotique du conte fantastique « La Nuit« de Guy de Maupassant Le présent travail a pour but de faire une analyse sémiotique d’un conte fantastique de Guy de Maupassant intitulé « La nuit« . Ce travail se compose de trois parties : la première partie se propose de donner quelques informations sur le conte fantastique et de présenter le texte de Maupassant ; la deuxième partie procédera à l’analyse sémiotique selon la démarche suivante: 1. la structure générale du récit 2. la segmentation du texte 3. le niveau figuratif 4. le niveau narratif 5. le niveau thématique Enfin, la troisième partie tentera de mettre en évidence quelques pistes d’interprétation des différents thèmes. I. Le genre fantastique Se distinguant du roman par sa briéveté et de la nouvelle par son rejet de la vraissemblance, le conte fantastique est un récit d’aventures imaginaires qui a sa propre cohérence et sa propre intensité qu’il doit à sa briéveté. Le genre fantastique s’est épanoui en France à l’époque romantique, principalement sous l’influence de l’écrivain allemand Hoffmann puis de l’américain Edgar Poe dont Baudelaire traduit les Histoires Extraordinaires dans les années 1850. En France, Nodier, Nerval, Gautier, Mérimée, Villier de l’Isle-d’Adam abordent le genre. Châteaux hantés, pactes avec le Diable, malédictions de toutes sortes sont utilisés depuis longtemps par les auteurs. Mais, dans les années 1870, les nouveaux domaines scientifiques tels que la psychopathologie, l’intérêt pour les maladies mentales et le magnétisme, les découvertes relatives à l’électricité et à la propagation de la lumière, mais aussi les observations d’une apparence de vie sur les planètes lointaines renouvellent le genre. Grand lecteur des. auteurs de la tradition, passionné par les phénomènes qui semblent défier la raison, témoin de la folie de son frère et de sa propre dégradation mentale, Maupassant joue un rôle capital dans ce renouvellement. Le fantastique de Maupassant a pour objet une menace interne et diffuse, d’autant plus inquiétante qu’elle est incompréhensible, et celle-ci mine l’être au plus profond de lui-même. Il s’agit donc d’un fantastique intériorisé ; un combat à l’intérieur de l’être humain. De plus, Maupassant présente des événements plausibles dans lesquels la part de surnaturel est minime et qu’il est difficile de révoquer en doute. Le fantastique de Maupassant est efficace et cette efficacité tient à la vraisemblance de ces textes. L’oeuvre de Maupassant comporte environ trois cents contes et nouvelles publiés dans la presse puis, pour la plupart d’entre eux, rassemblés en recueils par l’auteur lui-même. Les contes fantastiques comptent parmi les plus connus. Ces textes courts, qui n’étaient pas considérés par Maupassant comme le plus important de sa production, passent aujourd’hui pour la partie la plus riche de son oeuvre, du fait de leur nombre et de l’efficacité de leur concision. Rappelons que Maupassant ne les a jamais regroupés de son vivant dans un recueil intitulé Contes Fantastiques , et n’en a probablement jamais eu le projet. Le conte Une Nuit s’inscrit dans la veine fantastique de l’auteur. Amoureux de la nuit, fuyant le jour, le narrateur sent chaque soir, quand tombe l ‘obscurité, son corps et son esprit se transformer. Il déambule dans les rues de Paris, et s’éveille au monde nocturne. Mais depuis sa dernière sortie – quand était- ce? il ne sait plus – le jour n’a pas reparu. Il était descendu dans la rue comme à l’accoutumée, par une belle nuit d’été tout illuminée des lumières de la ville. Après avoir flâné sur les Boulevards, il entre un moment dans un théâtre, puis il gagne l’Arc de trionphe d’où il contemple, rêveur, les Champs Elysées. Il s’attarde ensuite dans le Bois de Boulogne, où une sensation intense et inconnue l’envahit. Lorsqu’il sort du bois, la ville s’est endormie, est devenue silencieuse et presque déserte. Il suit quelque temps un convoi de maraîchers cheminant lentement en direction des Halles, puis bifurque, pour atteindre la Bastille où il constate que l’obscurité s’est singulièrement épaissie. En retournant vers le centre, il ne croise que quelques êtres isolés. L’éclairage public s’est éteint. Dans la pénombre, il cherche le chemin des Halles. Un fiacre passe devant lui sans s’arrêter. Il finit par s’égarer seul dans le noir : Il lance des appels qui restent sans réponse. Affolé, il sonne aux portes cochères mais en vain. Parvenant finalement aux Halles, il s’aperçoit que les voitures des maraîchers sont abandonnées et vides. Sa montre, qu’il consulte désespérément, s’est arrêtée. Eperdu, il parvient aux berges de la Seine, pour constater qu’elle n’est plus qu’un mince filet d’eau glacée. Il sent alors la vie se retirer de lui-même. Le narrateur du conte introduit un récit rétrospectif visant à expliquer sa situation présente. Ce retour en arrière présente tous les aspects d’un récit de cauchemar, comme ie suggère le sous- titre du conte, puisque les événements rapportés se terminent par la suppression du monde et du sujet qui en a conscience. Cauchemar d’autant plus effroyable que le sujet ne s’en réveille pas : au moment où le narrateur raconte son aventure nocturne, la cauchemar n’a pas cessé, le jour n’ayant toujours pas reparu. Le texte est présenté comme s’il s’agissait du récit d’une mort imminente. II. Analyse Sémiotique 1. Structure générale du récit Le conte de Maupassant décrit un événement, c’est-à-dire une transformation subie par le narrateur. Cette transformation se caractérise par le passage d’un état S à un état S’. Ces deux états correspondent respectivement à la situation initiale et à la situation finale, et le passage de l’une à l’autre se produit à un moment déterminé « t ». La structure générale du texte peut se représenter sur un axe appelé axe sémantique. SI ———————————–> t —————————- ——> SF le narrateur errance le narrateur et la nuit : amis Arc de Triomphe et la nuit : ennemis Les situations initiale et finale seront étudiées lors de la segmentation du texte. Dans le conte de Maupassant, il s’agit d’une transformation de disjonction : elle fait passer d’un état de conjonction (relation amicale voire passionnelle entre le narrateur et la nuit) à un état de disjonction (relation inamicale voire haineuse entre le narrateur et la nuit). La transformation se représente de la façon suivante : (S /\ 0) ————–> (S V O) : S représentant le Sujet et O l’Objet. Avant la transformation, S et O sont en relation de conjonction ; il s’agit d’un énoncé d’état conjoint. Par contre, après la transformation, S et O ne sont plus en relation de conjonction mais en relation de disjonction ; il s’agit d’un énoncé d’état disjoint. Dans le texte de Maupassant, la transformation est progressive, ce qui crée un effet de suspense. Elle commence à la ligne 71 : » Un frisson singulier m’avait saisi, une émotion imprévue et puissante, une exaltation de ma pensée qui touchait à la folie » . Cette phrase marque une rupture avec la description euphorique de la ville qui précède. Le sentiment étrange du narrateur est renforcé à la ligne 78 : « Pour la première fois je sentis qu’il allait arriver quelque chose d’ étrange, de nouveau. Il me sembla qu’ il faisait froid, que l’air s’épaissait, que la nuit, que ma nuit bien-aimée, devenait lourde sur mon coeur » . Cette dernière phrase marque bien un changement ; la nuit n’est plus la même aux yeux du narrateur. 2. Segmentation du texte Un texte peut être découpé en séquences à l’aide de critères de surface comme : -le dispositif graphique en paragraphes -les disjonctions spatiales -les disjonctions temporelles -les disjonctions actorielles : présence vs absence de tel personnage ; introduction d’un nouveau personnage. -les disjonctions énonciatives (narration vs description) -les disjonctions logiques (mais, cependant…) -l’opposition euphorie vs dysphorie. La segmentation du texte en séquences constitue déjà, en elle- même, une première analyse. Elle fait apparaître une organisation du texte. Le conte de Maupassant contient un nombre de séquences différentes délimitées suivant la méthode énoncée ci-dessus : Séquence 1 ou situation initiale : lignes 1 à 33. La situation initiale est euphorique et liée à un mouvement ascendant vers le ciel. L’élément dominant de cette première partie est l’air. Dans le texte de Maupassant, il est qualifié de « bleu » (l. 6), « chaud » et « léger » (l. 7). L’état aérien du narrateur exprime sa joie intense de sortir la nuit. La verticalité qui domine la première séquence traduit également le dynamisme et la détente du narrateur à l’approche de la nuit qui est l’essence même de sa liberté. La nuit est donc connotée positivement. Elle met en action tous les sens du narrateur. Il s’agit presque d’une histoire d’amour entre la nuit et le narrateur qui l’aime comme sa « maîtresse » , « d’un amour passionnel » . « J’aime la nuit avec passion » (l. 1) : émotion à la fois violente et irrationnelle, la passion meut le narrateur, mais de façon passive ; le passionné subit ce sentiment sur lequel il n’a aucun contrôle. L’expression de la passion renvoie aux motivations irrationnelles qui poussent le narrateur uploads/Litterature/ la-nuit-analyse-semiotique-mauoassant.pdf
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- Publié le Mar 19, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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