FRANCISOLA: Revue Indonésienne de la langue et la littérature françaises, 3(1),

FRANCISOLA: Revue Indonésienne de la langue et la littérature françaises, 3(1), 2018, 63-71 63 DOI: http://dx.doi.org/10.17509/francisola.v3i1.11892 e-ISSN: 2527-5100 | p-ISSN: 2527-5097 Copyright © 2018 L’écriture de soi chez Malika Mokeddem : libération ou engagement ? 1 Djedjigua BEZZOUH, 2 Souhila RAMDANE 1, 2 Département de français, Université Aberahhmane MIRA – Algérie Reçu le 21 avril 2018 | Évalué le 25 avril 2018 | Accepté le 30 juin 2018 RÉSUMÉ Le présent travail étudie l’écriture de soi dans les deux œuvres de Malika Mokeddem : Mes hommes et je dois tout à ton oubli. Il s’agit particulièrement d’interroger le projet autobiographique dans Mes hommes et la coïncidence du réel et du fictionnel dans Je dois tout à ton oubli, afin d’appréhender la connexité tissée dans ces deux romans. Notre étude est étayée par deux concepts théoriques de l’écriture de soi à savoir : l’autobiographe et l’autofiction. Sur le plan méthodologique, il sera question d’examiner plusieurs éléments qui font basculer le récit entre référentialité et fictionnalité. Lesquels éléments sont, d’une part, d’ordre narratif, ils révèlent la stratégie d’écriture chez M. Mokeddem. D’autre part, d’ordre thématique qui couvrent les objectifs de l’écriture de soi. Conséquemment, l’écriture de soi chez M. Mokeddem puise sa particularité à la fois des procédés usités et du réseau de significations qui relie les deux romans. Mots-clés : autobiographie, autofiction, énonciation, thèmes et objectifs, indices paratextuels. ABSTRACT. This research paper attempts to expose self writing in thetwo works of Malika Mokeddem My Men and I Owe Everything to Your forgetfulness . This study is particularly about questioning the autobiographical project in My Men and the fact and the fictional in I Owe Everything to Your forgetfulness and that to comprehend the connectedness woven in these two novels. Our study will be grounded on two theoritical concepts of self writing: the autobiography and the autofiction. From a methodological point of view, it will be a question of examining several elements that swing texts between referentiality and functionality. These elements are on one hand narrative; they reveal the writing strategy of M Mokeddem. On the other hand, that of the thematic order which covers the objectives of self writing. Consequently, Mokeddem 's self writing draws its particularity from both the commonly used processes and the network of meanings which link the two novels. Keywords: autobiography, autofiction, enunciation, themes and objectives, Paratextual indices ! auteur correspondant : bezzouhdjegiga1989@hotmail.fr Pour citer cet article (Style APA) : Bezzouh, D. & Ramdane, S. (2018). L’écriture de soi chez Malika Mokeddem : libération ou engagement?. Francisola: Revue Indonésienne de la langue et la littérature françaises, 3(1), 63-71. doi: 10.17509/francisola.v3i1.11892 FRANCISOLA: Revue Indonésienne de la langue et la littérature françaises, 3(1), 2018, 63-71 64 DOI: http://dx.doi.org/10.17509/francisola.v3i1.11892 e-ISSN: 2527-5100 | p-ISSN: 2527-5097 Copyright © 2018 1. INTRODUCTION En traitant l’écriture romanesque au Maghreb, Christiane Chaulet Achour constate que l’écriture de soi constitue la plus grande partie des œuvres des écrivains maghrébins. Elle affirme, que dans l’acte scripturaire, ces écrivains empruntent tantôt la voie de l’autobiographie pour se dire expressément, tantôt, en mêlant le réel à l’imagination, ils se dissimulent derrière l’autofiction. Ainsi, « le nombre d’auteurs qui abordent l’écriture par l’autobiographie montre qu’à l’évidence celle-ci est, parfois une étape obligée » (Achour, 2007, p.176). C’est précisément par cette voie que Malika Mokeddem entame l’écriture et ce dès son premier roman Les hommes qui marchent publié en 1999 qui comporte une part autobiographique, sans pour autant que la romancière se dévoile complètement. Il s’agit d’une autobiographie progressivement dévoilée, car : « l’écriture a commencé par masque et détour du je ». (Achour, 2007, p.145.). Cependant, dans Mes hommes publié en 2005, l’écrivaine procède autrement, elle dévoile explicitement son identité ; tel est le cas de ce dernier qui relève certes de l’écriture autobiographique, mais tout en obéissant à une logique narrative, purement romanesque. Sur le plan formel, il se compose de seize chapitres, qui racontent à tour de rôle une histoire en rapport avec l’un des hommes qui ont marqué sa vie. Il s’agit d’histoires autonomes où la dominance masculine a pour but d’extraire le sujet féminin et d’étayer le combat de la romancière pour la femme. Nous organisons notre étude autour de deux questions centrales : Comment se met en place le système relationnel qui unit les deux œuvres ? et quels sont les enjeux d’une telle connexité pour la signifiance desdits textes ? 2. MÉTHODE Le père est l’un des personnages qui marque ce roman. La romancière traite sa relation avec son père d’une manière profonde et osée. Dans Je dois tout à ton oubli, elle poursuit sa quête filiale, en explorant sa relation avec sa mère, avec beaucoup de douleur. Ce qui nous apostrophe dans ces deux romans, est d'abord la stratégie avec laquelle la romancière procède pour inscrire ses souvenirs et expériences personnelles à l'aune des faits fictionnalisés, puis les similitudes que partagent les personnages des romans avec la romancière ainsi que la relation étroite qui les lie. D'un point de vue thématique, Je dois tout à ton oubli est une continuité de Mes hommes, c'est pour cette raison que ces deux romans ensemble constituent un corpus intéressant pour l'analyse de l'écriture de soi de Malika Mokeddem. Quant au paratexte, qu’il soit épitexte auctorial intertextuel (qui concerne la comparaison entre les écrits de la romancière), ou péritexte auctorial (qui englobe les éléments paratextuels à l’intérieur du livre), ou encore épitexte auctorial privé (qui concerne les commentaires de la romancière sur ses écrits), il joue un rôle prépondérant dans la détermination du genre des trois textes qui constituent notre corpus. Nous pensons axer notre démarche autour des concepts fars dans le domaine de l’approche de l’écriture de soi : autobiographie, autofiction, examen de soi et identité du nom. 3. RÉSULTATS ET DISCUSSION 3.1. Superposition des voix narratives comme indice autofictionnel Le mode de l’énonciation est un critère décisif quant à la classification des genres narratifs. Celui qui est propre aux genres référentiels, comme l’autobiographie, est régi par des codes, le narrateur doit adopter une position « autodiégétique » où il est héros de l’histoire qu’il raconte et bien évidemment son récit est souvent raconté à la première personne. À l’inverse, dans les genres fictionnels, le narrateur est omniscient et le récit est raconté à la troisième personne, mais ceci n’est pas une règle absolue. P. Lejeune explique que « Pour qu’il y ait autobiographie […] il faut qu’il ait identité du narrateur et du personnage » (Lejeune, 1975, p. 15), telle est la condition rudimentaire établie pour distinguer l’autobiographie des autres genres. Ainsi, FRANCISOLA: Revue Indonésienne de la langue et la littérature françaises, 3(1), 2018, 63-71 65 DOI: http://dx.doi.org/10.17509/francisola.v3i1.11892 e-ISSN: 2527-5100 | p-ISSN: 2527-5097 Copyright © 2018 l’identité du nom consiste en ce que le personnage principal et le narrateur portent le même nom que celui de l’auteur figurant sur la couverture. Dans Mes hommes, le récit est raconté par un « je » dont l’emploi marque l’identité du narrateur et du personnage principal. La stratégie de l’énonciation dans le récit participe fortement à l’identification du nom de l’héroïne et de la narratrice qui est le même que celui de l’auteure, le nom Malika est mentionné à trois reprises dans le récit et prononcé par d’autres personnages dans des discours que la narratrice rapporte d’une manière directe : une première fois prononcé par la mère de Jamil questionnant la mère de Malika : « Et toi comment ça va se passer pour Malika ? » (Mokeddem, 2005, p. 33), la mère réplique « Oh ! Malika, elle est promise à son cousin » (Mokeddem, 2005, p.33), celle- ci fut la seconde fois. Ensuite, il est prononcé par son mari dans ce passage : « Jean-Louis s’en enorgueillit : " j’assure le quotidien. Malika s’occupe des extras" » (Mokeddem, 2005, p.79). C’est de cette récurrence de substantif mise en discours que l’auteure fait comprendre à son lecteur qu’elle est aussi le narrateur et l’héroïne. Toutefois, dans Je dois tout à ton oubli le récit narré à la troisième personne, il est construit sur la base d’un souvenir qui, soudain surgit et revient à la mémoire de l’héroïne Selma qui est celui d’un infanticide. Le champ lexical du souvenir et la mémoire envahit le texte. Des expressions telles que « je me souviens » (Mokeddem, 2008 : 38), sont nombreuses. Ce sont des souvenirs racontés par un narrateur omniscient : Selma en vient à l’enfant sacrifié : " est-ce que ce premier bébé était une fille ? Comment est-elle morte ?" Selma est elle- même surprise de sa question. Jusqu’à présent, elle n’avait jamais pensé ni au sexe ni au prénom du bébé pourtant, elle l’avait vu nu et gigotant au moment de la naissance. Mais la vision qui avait frappé sa mémoire et tout oblitéré était celle du corps sanglé dans ses langes. (Mokeddem, 2008, p. 70) Le narrateur pénètre les pensées du protagoniste, il en sait plus qu’elle de ses sentiments et réflexions. Le « je » intervient à plusieurs reprises et prend la parole avec uploads/Litterature/ lecriture-de-soi-chez-malika-mokeddem-liberation.pdf

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