Un texte de P. Nommès sur la Guématrie Présentation et notes de A.A. Présentati

Un texte de P. Nommès sur la Guématrie Présentation et notes de A.A. Présentation De l’auteur qui signait P. Nommès (ou parfois Dr P. Nommès) et qui publia au dix-neuvième siècle de pénétrantes études sur la Kabbale, nous ne savons quasiment rien ; à vrai dire, nous ignorons même s’il s’agit d’un pseudonyme ou de son nom véritable. Une des seules certitudes que nous ayons est que Nommès donna des cours d’hébreu à Mgr Devoucoux et qu’il rencontra Éliphas Lévi durant l’hiver 1869-1870. Chacornac indique, dans son livre consacré à ce dernier, que Nommès fut l’instructeur de Mgr Devoucoux en hébreu et en Kabbale : « (Éliphas Lévi) apprit … que plusieurs évêques de France étudiaient ses ouvrages et que l’un d’eux, Mgr Devoucoux, évêque d’Évreux, prenait des leçons d’un Kabbaliste hébraïsant, appelé Nommès. "J’ai eu la visite de ce Kabbaliste ; il m’a dit que l’évêque est entré pleinement dans les explications symboliques de l’Évangile et que son enthousiasme qui n’a pas su assez se contenir, l’a déjà rendu suspect à son clergé".1 A la suite de cette visite, il fut convenu qu’Éliphas Lévi donnerait des leçons de Kabbale, par correspondance, à l’évêque d’Évreux. »2 Le projet n’eut guère de suite, car Mgr Devoucoux devait décéder peu après. Rappelons que le futur évêque d’Évreux, alors vicaire général d’Autun, secrétaire général de la Société éduenne, et par ailleurs ami de Jean-Baptiste Pitra3, avait publié en 1846 une réédition de l’Histoire de l’antique cité d’Autun d’Edme Thomas4 pour laquelle il avait rédigé des notes plutôt surprenantes sous la plume d’un ecclésiastique de l’époque. On est fondé à supposer que ces notes, qui suggèrent dans le symbolisme architectural de monuments chrétiens la présence d’un symbolisme numéral basé sur la Kabbale hébraïque, et que Jean Reyor considérait « comme le plus remarquable témoignage public de la persistance d’éléments d’ésotérisme chrétien dans les temps modernes »5, doivent beaucoup à 1 Correspondance, t. VIII (note de P. Chacornac) 2 Paul Chacornac : Éliphas Lévi, rénovateur de l’occultisme en France (1810-1875), Chacornac, 1926, p.259. 3 Futur cardinal et bibliothécaire de la bibliothèque du Vatican, traducteur du Pectorius d’Autun (mentionnant l’Ichtus), éditeur du Spicilegium Solesmense et de la Clef du Symbolisme de Méliton de Sardes en particulier. 4 Réédité chez Arché-Edidit en 1992. Les notes de Mgr Devoucoux avaient également été reprises dans les Études traditionnelles dans une série de publications s’étalant sur une dizaine d’années sous le titre « Études d’archéologie traditionnelle ». 5 Présentation des « Études » signalées à la note précédente, Études traditionnelles, oct.-nov. 1952 : « Nous attirons l’attention sur le fait que lesdites études attestent non seulement chez leur auteur cette connaissance de la Kabbale qui constitue la clef de l’Ancien et, dans une certaine mesure, du Nouveau Testament, mais encore une ample information sur les anciennes traditions grecque, romaine et celtique dont certains éléments se sont intégrés à l’ésotérisme chrétien proprement dit, comme au Compagnonnage et à la Maçonnerie… » (p.315). Nommès. En tout cas, la parenté entre les approches de ces deux auteurs et même entre leurs styles est évidente. Paul Vulliaud s’est intéressé à Nommès. Selon Jean-Pierre Laurant, « Vulliaud rassemblait … des renseignements sur Nommès, l’énigmatique professeur d’hébreu de Mgr Devoucoux »6. Aucune précision n’est malheureusement apportée sur ces « renseignements ». Ce qui est certain, c’est que Vulliaud, dont la causticité pouvait être redoutable à l’encontre de ceux qu’il considérait comme des « fumistes » - et Éliphas Lévi en faisait partie7 – parle de Nommès avec une déférence chez lui tout à fait inhabituelle, et d’autant plus remarquable qu’il le cite pour marquer son désaccord. Dans la deuxième étude figurant au chapitre « Kabbale et panthéisme » de La Kabbale juive, Vulliaud écrit en effet : « Le caractère sérieux des études kabbalistiques de cet orientaliste nous a fait hésiter longtemps avant d’exprimer notre sentiment sur la compréhension qu’il présente de l’Ésotérisme hébreu concernant le problème de la Création. Nous voulons dire que l’allure de ses travaux nous a beaucoup intimidé. Ce n’est qu’après de graves méditations que nous avons pris la résolution de formuler notre critique. »8 Vulliaud se réfère aux « Recherches sur la Kabbale » de Nommès parues dans la revue Le Muséon. Ce n’est pas notre but ici d’entrer dans le fond du débat (lequel porte en partie sur le caractère créé ou incréé des Sephirot), ce qui de toute manière nécessiterait au minimum de mettre sous les yeux du lecteur et le texte de Nommès, qui est assez long, et les commentaires de Vulliaud. Ce que nous voulions juste souligner ici, c’est à quel point l’auteur de La Kabbale juive considérait Nommès comme un auteur sérieux. L’article incriminé de Nommès a été partiellement repris, de même d’ailleurs que quelques autres textes du même auteur, dans la revue Le Voile d’Isis, puis dans les Études traditionnelles. Une des tâches que nous nous sommes assignées dans ce petit travail est de tenter une bibliographie des articles de Nommès. C’est un objectif modeste, mais qui ne va pas sans difficultés, parce que les premiers de ces textes sont à peu près inaccessibles. Pour autant que nous sachions, toutes les études de Nommès sont parues d’abord dans les Actes de la Société Philologique, puis ensuite dans Le Muséon de Louvain, le tout sur une période qui s’étend de 1875 à 18989. On constate une certaine évolution dans le type de contributions : les premières sont courtes, écrites dans un style très elliptique, et portent essentiellement sur des questions de symbolisme. Le titre général de « Mélanges sur la Kabbale » plusieurs fois utilisé nous paraît tout à fait approprié. Les articles du Muséon sont nettement plus développés et portent également, comme déjà signalé, sur des questions métaphysiques et doctrinales. L’ensemble mériterait certainement de faire l’objet d’une réédition, ce qui bien sûr ne saurait être entrepris ici. Outre la tentative de bibliographie déjà annoncée, nous reprenons ci-dessous un texte intitulé « Sur la Guématrie » paru dans le tome XI des Actes de la Société Philologique, et réédité dans Le Voile d’isis en 1936. Cet article nous a paru intéressant en ce qu’il illustre bien l’approche de Nommès, mais nous reconnaissons volontiers que ce n’est que l’un parmi les choix possibles10. L’essentiel nous paraît être d’attirer l’attention sur une œuvre presque complètement 6 Jean-Pierre Laurant : L’Ésotérisme chrétien en France au XIXe siècle, L’Âge d’Homme, 1992, p. 187. 7 « Il y a de l’ignorant, du jongleur assurément, et surtout du pince sans rire (car il est rabelaisien, l’abbé Constant) chez Éliphas Lévi. » La Kabbale juive, t.II, Émile Nourry, 1923, p.318. 8 La Kabbale juive, op. cit., t.I, p.447-448. 9 Les premiers numéros des Actes de la Société Philologique sont très rares, et même les meilleures bibliothèques n’ont généralement qu’une collection partielle de cette revue. 10 Le contenu de cet article a été partiellement repris et développé dans l’introduction du « Sceau du Septénaire dans l’Évangile », paru ultérieurement dans Le Muséon en 1895. oubliée, et qui, si elle n’est certainement pas exempte d’affirmations discutables, a en tout cas le mérite de se situer à une tout autre hauteur que les compilations d’un Papus. Les étonnantes études de Nommès prouvent aussi que le « stupide XIXe siècle »11 ne le fut pas tout à fait, et que de Martinès de Pasqually et Fabre d’Olivet, jusqu’à Stanislas de Guaita, Saint-Yves d’Alveydre et l’éclosion de l’occultisme fin de siècle, un courant souterrain porteur d’idées dont l’origine au moins est traditionnelle continue à traverser et à irriguer la vie intellectuelle en France. * Nommès a son propre vocabulaire, qui n’est pas toujours très heureux, mais qu’il faut bien prendre tel qu’il est. Par exemple, il définit la Kabbale comme le « mysticisme israélite », expression que les lecteurs de Guénon trouveront fort peu adéquate. Mais à l’époque où cet article paraît Guénon n’est pas encore né, et il serait sans doute anachronique de reprocher à l’auteur des imprécisions de ce genre. Nommès définit aussi la « Guématrie » comme une « géométrie ». Nous pensons que ce rapprochement mérite que l’on s’y attarde un bref instant. Le mot guématrie vient clairement du grec, et non de l’hébreu. La plupart des dictionnaires étymologiques donnent guématrie (ou gématrie) comme dérivé du grec geômetria ; il serait toutefois plus logique d’y voir une dérivation du grec gramma, grammatos, lettre, étant donné le type de symbolisme dont il s’agit. Cela étant, il y a un domaine dans lequel il se trouve justement que nombres et formes géométriques convergent vers une interprétation symbolique, et c’est celui de l’architecture ou mieux de l’Art royal. Tout édifice authentiquement traditionnel reproduit d’une manière ou d’une autre le plan de la création, et ce plan ne relève pas du « Maître maçon » qui le met en œuvre mais du Géomètre divin qui est le Grand Architecte de l’Univers ; et le fait qu’il s’agit donc d’un reflet du cosmos doit se retrouver non seulement dans le tracé des lignes mais aussi dans les mesures de uploads/Litterature/ nommes.pdf

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