Sabri Louatah 404 © Flammarion/Versilio ISBN Epub : 9782361321918 Le livre a ét

Sabri Louatah 404 © Flammarion/Versilio ISBN Epub : 9782361321918 Le livre a été imprimé sous les références : ISBN : 9782081510319 Ouvrage composé et converti par Pixellence (59100 Roubaix) Présentation de l'éditeur « Rentre dans ton pays. Entendre ça alors que ça fait soixante-dix ans qu’on vit en France ! Mon petit Rayanne c’est la quatrième génération, il va falloir combien de générations pour que vous nous foutiez la paix ? Combien ? », s’emporte un des personnages de mon roman. Avec 404, j’ai voulu regarder la brèche, sans ciller, et raconter cette tragédie française de la partition et de la séparation ethnique à travers le destin d’une poignée de personnages réunis dans une petite commune de l’Allier. Pile au centre de la France et de toutes les tensions qui la traversent… Sabri Louatah signe un puissant thriller politique et rural. En explorant ce que l’on décide collectivement de ne pas voir, il raconte un pays qui se creuse dans le pays et ajoute à notre roman national un chapitre plein de bruit et de fureur. Sabri Louatah est né à Saint-Étienne en 1983. Il s’est fait connaître en publiant un thriller politique en quatre tomes, Les Sauvages, véritable succès traduit dans le monde entier et qu’il a également adapté en série pour Canal+. DU MÊME AUTEUR Les Sauvages, Flammarion, 2012 ; J’ai lu, 2015. Les Sauvages 2, Flammarion, 2012 ; J’ai lu, 2015. Les Sauvages 3, Flammarion, 2013 ; J’ai lu 2017. Les Sauvages 4, Flammarion, 2016 ; J’ai lu, 2017. 404 « Dans la vie privée comme dans la vie publique, on ne sort de l’ambiguïté qu’à son propre détriment. » Cardinal de Retz Depuis qu’elle a quitté le pays, il lui écrit sur sa vieille adresse wanadoo.fr, tous les quatre mois, environ, pour lui donner des nouvelles et pour en prendre. Allia répond quelques jours plus tard, un e-mail de trois courts paragraphes séparés par un double interligne pour plus de lisibilité. Elle parle de la Californie, du dernier roman qu’elle a lu, de son père resté en France et qui lui manque. Chaque fois, il ne tient que quelques heures avant de répondre à la réponse, et chaque fois elle en reste là, ayant tout dit dans son premier message. Attendre en vain le remplit d’amertume, il se jure de ne pas lui écrire la prochaine fois, de la laisser faire le premier pas, et au bout de quelques mois il recommence, prenant prétexte d’une phrase lue dans un livre, d’un dialogue entendu dans un film. Tout ce qui le touche et l’intéresse le ramène à Allia, c’est plus fort que lui, c’est en tout cas ce qu’il se raconte, ce qu’il a fini par croire. Ils se sont rencontrés en hypokhâgne il y a vingt-deux ans. Ali et Allia, les deux Algériens de la classe. Ils ont pris des chemins diamétralement opposés dans la vie : Allia a bifurqué et fait Polytechnique tandis qu’Ali ratait Normale Sup et devenait cuisinier, il ne lui a jamais dit pourquoi il avait choisi la cuisine, il ne le lui dira jamais parce que c’est à cause d’elle, d’une phrase qu’elle a lâchée un jour, comme quoi elle pourrait avoir un orgasme si un homme lui faisait bien à manger, il rougit jusqu’aux orteils quand il y pense. Cuisinier, Ali ne l’est plus au sens strict, du moins il ne travaille plus en restaurant mais il cuisine encore, pour des particuliers, il s’est même fait faire une carte de visite, il ne sort jamais sans son petit paquet. Quand il invente une recette il se demande toujours la tête qu’Allia ferait en goûtant le plat. À défaut de partager quoi que ce soit de sensuel avec elle, la pensée de son nom à lui apparaissant en gras dans sa messagerie à elle lui est devenue nécessaire, vitale, il sait que c’est dangereux, mais ce soir-là, à sa grande surprise, c’est elle qui prend l’initiative de le contacter, pour la première fois depuis qu’ils correspondent et en sa qualité de cuisinier privé, justement. Elle est de retour à Paris, lui écrit-elle dans un e-mail d’à peine un paragraphe. En temps normal il aurait été abattu d’avoir si peu de matière à brasser et ressasser mais les trois lignes qui composent son message chatoient comme des enluminures : accepterait-il de préparer un repas pour un dîner un peu prout-prout qu’elle doit donner, elle lui expliquera le pourquoi du comment autour d’un verre, s’il est dans le coin. Le lendemain matin, Ali saute dans le TGV qui part de Saint- Étienne à 6 h 13, le moins cher de la journée. Une fois à Paris, il avale un sandwich et traverse la rive droite à pied. Il arrive au bistrot de la rue de Douai où elle lui a donné rendez-vous, un peu en avance et complètement en nage, il a sous-estimé la raideur de la pente pour atteindre les hauteurs de Pigalle. C’est la rentrée de septembre, il fait chaud et humide, les affichages publics font état d’un pic de pollution aux particules fines. Pendant un quart d’heure il louvoie devant la vitrine comme un vendeur de roses, en pinçant sa chemise au niveau du torse pour s’éventer. Il bronze très vite en été, quand même pas assez pour qu’on le confonde avec un Pakistanais, d’ailleurs les cheveux qui lui restent ne sont pas lisses et noir de jais mais frisés et châtain foncé, il tient à la nuance et il n’a pas de roses à vendre. En s’étudiant dans le reflet de la vitrine, il aperçoit enfin Allia, accoudée au comptoir, une fesse sur le tabouret, une fesse en dehors, en fait elle était déjà là mais il ne l’avait pas reconnue, elle a presque un afro maintenant, une incroyable masse de cheveux denses aux reflets clairs, on ne voit que ça au milieu du restaurant et, en général, quand on ne voit qu’une chose on ne la voit plus : ce soleil effrangé de frisures l’éblouit, réduit tout ce qui l’environne à un poudroiement doré, les sourires, les bouts de peau nue, les bruits de bouche et de couverts. En se faufilant jusqu’au comptoir, Ali sent son pouls lui battre aux tempes. Quand Allia croise enfin son regard, elle se mord la lèvre inférieure et ses sourcils se soulèvent en même temps, inclinés vers le milieu du front et froncés comme si le plaisir de le revoir après tout ce temps lui causait une sorte de douleur physique. Ils se font trois bises, la dernière dure plus longtemps, Ali espère qu’il ne sent pas trop la transpiration mais comment savoir, comment ne pas s’habituer à sa propre mauvaise odeur ? Allia se rassoit après l’avoir embrassé. À la spectaculaire exception de sa coiffure, elle n’a pas changé, elle en impose toujours autant du haut de son mètre 79, elle ne veut jamais avouer qu’elle mesure 1,80 mètre et porte des baskets blanches sans talon. Son corps svelte et puissant paraît à l’étroit dans sa robe bleue à manches courtes, rehaussée d’une ceinture marron finement tressée. Elle n’est pas maquillée, ses mains ne sont encombrées d’aucune bague, ses poignets d’aucun bracelet, son seul bijou est un pendentif en or jaune qui attire l’attention sur ses clavicules saillantes et sa longue nuque à la peau impeccable. Quand elle sourit, sa gencive du haut se montre, ses narines frémissent, ses yeux noisette s’éclairent. C’est elle, l’Allia de toujours, elle n’a pas changé, elle ne changera jamais. — J’ai commandé un truc à grignoter, j’avais trop faim, tu ne m’en veux pas, j’espère ? Ali jette un œil à son tartare de daurade. Les dés de mangue sont inégaux et le citron vert zesté n’importe comment. Il a été second de cuisine dans le restaurant d’un « meilleur ouvrier de France », il n’aurait jamais laissé partir une assiette pareille, surtout au prix que ça doit coûter dans ce quartier. À l’autre bout du comptoir, il surprend les mines goguenardes d’une escouade de petits mecs en costume Hugo Boss, ils sont tous décravatés, sans doute de frais émoulus d’école de commerce qui sillonnent les quartiers à la mode en bavant sur les crinières des Parisiennes ethniques, Ali entend ce bout de phrase en allant se laver les mains aux toilettes, s’il était plus courageux il leur demanderait de qui ils parlent, comment ils osent, évoquer dans ces termes une majore de l’X, la réduire à ses cheveux. Allia ne les a même pas remarqués. N’existent dans son monde que ceux à qui elle s’adresse ou qui s’adressent à elle, c’est en Amérique qu’elle a appris à gérer le problème masculin de cette façon, Ali se souvient de l’e-mail où elle a employé l’expression « problème masculin », il se souvient de tous les e-mails qu’elle lui a écrits, il pourrait en réciter certains par cœur. — Mais comment tu vas, toi ? Il commande un verre du même vin blanc qu’elle, et le regrette dès que ses lèvres entrent en contact avec l’alcool, uploads/Litterature/ pdf-ebookys-com-404-sabri-louatah.pdf

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