Mai 2014, Iyar 5774, Numéro 20, Bulletin de la Yéchiva des étudiants - 5€ Yéchi

Mai 2014, Iyar 5774, Numéro 20, Bulletin de la Yéchiva des étudiants - 5€ Yéchiva des étudiants - 10 rue Cadet - 75009 Paris - tél: 01 48 00 81 71 e-mail: yechivaforever@gmail.com - web: www.yechiva.com בס’’ד L e Sahara et le Gobi, l’Adra et l’Atacama, le Mojave et le Namib, le Néguev aussi ; j’ai traversé tous les déserts. Au fil des jours ensevelis de travail, d’ar- gent, de pertes et de combats, j’avais fait de ma vie un désert, une surface aride, évidemment solaire par endroits, mais stérile, infertile et solitaire. Ma gorge était desséchée, ma langue flétrie et mes lèvres craquelées. Parfois les oasis de la littérature, les bosquets fleuris de la poésie, de la philosophie ou des sciences me procuraient une ombre éphémère, un répit fugitif. Mais le plus souvent je marchais sans trêve ni abri, de flaques saumâtres en mirages trompeurs. Que j’avais soif ! C’est je crois la première phrase que j’ai dite à Gérard Zyzek : « J’ai soif ». Depuis septembre 2013, je viens boire à la source de la Yechiva des Etudiants. Goutte à goutte, comme d’une clepsydre, mon temps est désormais rythmé par mes rendez-vous avec Gérard Zyzek et Micho Klein, trois fois par semaine. Avec Micho, nous scrutons le texte biblique. Nous sommes des chercheurs d’or. Inlassablement, verset par verset, mot à mot, lettre à lettre, nous retournons chaque signe, le passons au tamis de nos questions et rapprochements, parfois incongrus, parfois byzantins ; tantôt éclairés, tantôt inquiétés par les indices ellip- tiques que nos maîtres nous ont laissés. Avec Gérard, c’est l’enchantement du Talmud en cinémascope et son THX. Comme elles retentissent les voix de nos maîtres !! Elles s’entremêlement. Elles s’entrechoquent. Elles s’interpellent, se contredisent. Qu’importe l’écart des siècles, le débat est intense. Les voix se répondent à travers les âges. La trame temporelle est millénaire, mais la question toujours d’actualité. La makhloket, la controverse rabbinique, se fait makhlo-quête. Pour la première fois, dans cette trame qui lie l’être et les temps – lettres et l’étant - je suis chez moi. J’habite le texte. Je suis sorti des déserts. Je ne suis ni Moïse ni Rachi de Troyes, ni Maïmonide d’Alexandrie, ni le Maharal de Prague. Mais dans l’étude, il suffit que je sois moi, que j’éprouve l’intense liber- té – la vertigineuse responsabilité aussi – de n’avoir qu’une seule chose à faire : faire face au texte et, monté sur les épaules des géants, le gravir pas à pas comme l’on grimpe une montagne, dans une ascension joyeuse, collective et amicale. Boire la T ora, c’est faire l’expérience de la liberté. Marc LIPSKIER étude thématique L’emprise du côté obscur. par Rav Yona Ghertman p. 3 dossier Lucidité et joie: étude au sujet de la transmission de la T orah orale. par Rav Gérard Zyzek p.9 cours Planning des cours p.22 étude Impossible n’est pas Divin par Rav Yehiel Klein p. 25 Transgresser et profiter : incompatibles? par Avi Bibas p.30 Introduction à la fête de Shavouot : Où se trouve le mont Sinaï ? Réponse aux archéologues par Rav Gérard Zyzek p.33 édito sommaire 2 פ י ל פ ו לPilpoul Rav Gérard Zyzek et toute l’équipe du CHER tiennent à remercier de tout coeur tous ceux qui ont apporté leur soutien à la yéchiva à l’occasion du gala. Toute notre reconnaissance en particulier à ceux qui ont contribué au financement du présent numéro de Pilpoul. En souhaitant que leur engagement fidèle leur soit source de bénédictions. Gala de la Yéchiva des étudiants 12 janvier 2014 3 פ י ל פ ו לPilpoul étude Par Rav Yona Ghertman L’emprise du côté obscur. Etude talmudique sur le rapport de l’homme à ses pulsions¹ Il existe un remède simple pour lutter contre les pulsions néfastes : s’écarter le plus possible de toute situation dans laquelle celles-ci sont susceptibles de se concrétiser. Un homme profondément attiré par une femme lui étant interdite peut lutter contre ses pulsions tant qu’il ne se trouve pas isolé avec l’objet de son désir. Un alcoolique ressentant le besoin de boire peut y résister tant qu’aucune bouteille ne se trouve sur son chemin. C’est difficile, très difficile, mais cela reste du domaine du possible. Tant que l’esprit n’est pas aux prises avec le déclencheur de la pulsion, le libre-arbitre humain peut être exercé. La vraie problématique, celle qui nous in- téresse pour cette étude, s’exprime dans un cadre bien précis : cinq secondes avant que l’acte irréparable ne soit commis. Alors que toutes les barrières ont été franchies, que le simple remède a été né- gligé, reste-t-il encore une possibilité de résister à ses pulsions ? Jusqu’où le libre- arbitre s’exprime-t-il ? La volonté peut- elle être assez forte pour faire changer un homme sur le point de laisser libre- cours à ses désirs les plus obsessionnels ? I. La recette miracle pour vaincre son mauvais pen- chant TB Berakhote 5-a R. Lévi b. ‘Hama a dit au nom de R. Shimon ben Lakish : Un homme doit toujours faire prévaloir son bon penchant sur son mauvais penchant (…). S’il y arrive, c’est bien. Sinon, qu’il étudie la Torah (…). S’il y arrive ainsi, c’est bien. Sinon, qu’il lise le Chéma (…). Si c’est efficace, c’est bien. Sinon, qu’il se sou- vienne du jour de la mort (…) Plusieurs idées très profondes se re- trouvent dans ce passage. Au-delà des dif- férentes nuances apportées par l’auteur de l’enseignement, nous pouvons déceler une idée générale : lorsque l’homme est confronté à sa bassesse la plus vile, un sentiment soudain de hauteur, de recul sur la vie² , peut briser d’un coup l’élan de ses pulsions. On pense alors au Midrash, analysant l’histoire de Yossef, confronté à la belle et séduisante femme de Poutiphar (Genèse, chapitre 39) : bien qu’il fût attiré par cette dernière, il ne céda pas à ses avances après que son père lui est apparu dans une vision3. Son père Yaakov, son maître, l’image de la grandeur intervient brutale- ment, arrêtant ainsi le mélange instinctif des chairs sur le point de commencer. La conscience soudaine de la hauteur appa- raît donc comme un remède aux basses pulsions humaines. L’idée est belle, très belle… Peut-être trop belle. Certes, la grandeur s’oppose à la bassesse. C’est certain. Cependant, est-il vraiment dans la nature humaine de prendre le recul nécessaire alors que les pulsions sont en ébullition ? L’exemple de Yossef représente-t-il la norme ou l’exception ? Un homme se trouvant isolé avec une femme lui étant interdite, une femme qu’il désire follement en se- cret depuis des années, peut-il s’arrêter d’un coup alors qu’il s’apprête à passer à l’action, pour se placer soudainement dans cette position de hauteur ?! II. Des êtres exceptionnels Dans un autre passage du Talmud4, Rabbi Eléazar enseigne au nom de Rabbi ‘Hani- na : « Dans les temps à venir, Dieu mettra une couronne sur la tête de chaque juste ». S’ensuit l’analyse d’un verset dans le chapitre 28 du livre d’Isaïe, permettant de distinguer les différentes catégories de justes qui bénéficieront de cet ultime mérite5. 1. Cette étude reprend un cours dispensé lors de la journée d’étude de la Yechiva des Etudiants du 23 juin 2013, à Paris ayant eu pour thème «les addictions». La thé- matique proposée concerne la pensée juive. Même si des questions de Halakha sont soulevées, il n’est pas possible de déduire des halakhote pratiques de cet article. 2. L’étude de la Torah, par sa profondeur et les capacités intellectuelles qu’elle mobilise, est en opposition avec l’instinct qui accompagne la pulsion, bas et irréfléchi. Il en va de même pour la récitation du « Chéma Israël », véritable profession de foi du judaïsme ; et de la conscience de la mort, indissociable d’une réflexion sur le sens de la vie. 3. Tan’houma , Vayéchev 8. 4. TB Sanhédrin 111-b. 5. Il n’est pas aisé de comprendre la nature et l’intérêt de cette récompense réservée au monde futur. Ce n’est d’ailleurs pas l’objet de cette étude. Cours de Rav Yona Ghertman lors de la grande journée d’étude de la Yechiva des Etudiants en juin 2013 ayant eu pour thème « les addictions ». 4 פ י ל פ ו לPilpoul Parmi ces êtres d’élite se trouve « celui qui se renforce face à son mauvais penchant ». Rachi explique : Il fait prévaloir son bon penchant sur son mauvais penchant. Si son mauvais penchant lui dit : « accomplis cette transgression », non seulement il ne le fera pas, mais il fera une mitsva [à la place]. On remarque que la première partie de ce commentaire reprend le texte de notre premier passage dans le traité Berakhote : « Un homme doit toujours faire prévaloir son bon penchant sur son mauvais penchant ». Ce choix des termes employés laisse penser que dans l’esprit de Rachi, l’« homme » dont il est ques- tion n’est autre que le « juste » de notre second passage. Le juste n’est pas celui qui n’a pas de mauvais penchant, uploads/Litterature/ pilpoul-20-yechiva-des-etudiants-paris.pdf

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