EXISTE-T-IL UN MODELE SPECIFIQUE DU MANAGEMENT EN AFRIQUE ? LE « MANAGEMENT AFR
EXISTE-T-IL UN MODELE SPECIFIQUE DU MANAGEMENT EN AFRIQUE ? LE « MANAGEMENT AFRICAIN » A L’EPREUVE DES EVIDENCES EMPIRIQUES (L’ANALYSE DES POLITIQUES ET DES PRATIQUES DE GRH DANS DEUX ENTREPRISES PUBLIQUES AU CONGO R.D.) Patrick Bakengela Shamba Doctorant REHU - Chercheur au CRECIS Université catholique de Louvain Ruelle Saint Eloi 6/301 1348 Louvain-la-neuve, Belgique Office:(0032)10478519 Cell: (0032)495938194 Home: (0032)10889200 Résumé Depuis la fin des années 1980, certains chercheurs ont tenté de mettre sur pied un modèle spécifique du management en Afrique : « le management africain ». Ce modèle part du constat que l’application des méthodes de gestion occidentales en Afrique n’a pas réussi à améliorer les performances des entreprises africaines. L’inefficacité des méthodes de gestion occidentales en Afrique est expliquée comme la conséquence de l’inadéquation des méthodes de gestion occidentales à la culture africaine. Le « management africain » est considéré comme un modèle de gestion adapté aux spécificités de la culture africaine. Notre réflexion interroge la pertinence de ce modèle tel que proposé par Hernandez (2007). Elle se sert des résultats des études du terrain pour discuter de la pertinence des propositions du modèle du « management africain ». Mots clés : GRH en Afrique — modèles nationaux – pratiques nationales de GRH – entreprises publiques- management africain. Introduction Lorsque l’on explore la littérature de gestion en Afrique, deux constats se dégagent. D’abord, c’est le fait que depuis plus de deux décennies, de nombreuses entreprises africaines connaissent de nombreuses difficultés en matière de la gestion. Ensuite, c’est le constat que la perspective d’explication culturelle, bien que n’étant pas la seule perspective d’explication, domine dans certains travaux de recherche sur la gestion en Afrique de langue française (Bourgoin, 1984 ; Delalande, 1987 ; Desaunay, 1982, 1987 ; D’Iribarne, 1985, 1986, 1987, 1990, 1991, 1998 ; Gaba, 1992 ; Henry, 1988a, 1988b, 1991, 1993, 1997 ; Hernandez et Rodriguez, 1989 ; Hernandez, 1997,1999 ; Labazée, 1990, 1991a, 1991b ; Kamdem, 2000 ; 2002 ; Makunza, 2000 ; Olomo, 1987 ; Ombembe et Mavoungou, 1999 ; Okamba, 1994). Les difficultés de gestion des entreprises africaines sont souvent expliquées comme étant liées à l’inadéquation des méthodes de gestion occidentales aux spécificités de la culture africaine. L’objectif de cette réflexion est d’interroger la pertinence de l’approche culturelle de gestion en Afrique, considérée comme le soubassement théorique de la proposition du modèle du management africain (Hernandez, 2007). Notre question de recherche est donc de comprendre, à partir des deux études de cas sur terrain : pourquoi dans un même contexte culturel, les acteurs placés dans deux entreprises de même nature, ne sont pas culturellement contraints de la même façon ? En d’autres termes, le recours aux caractéristiques de la culture africaine est-il pertinent pour comprendre la différence des pratiques de gestion au sein d’un même contexte culture ? En nous basant sur l’analyse des pratiques de la gestion des ressources humaines (GRH), l’hypothèse de ce travail est de dire que le constat de la différenciation dans les pratiques de gestion, dans les entreprises de même nature, placées dans un même contexte culturel, est un critère de réfutation de la pertinence de la proposition du modèle basé sur la perspective culturelle. Nous aborderons cette réflexion à partir de trois points. Premièrement, nous proposons de présenter très brièvement les principales approches théoriques de la littérature de gestion en Afrique. Ensuite, nous aborderons la méthodologie de notre enquête sur terrain et enfin, nous présenterons les résultats et discuterons de ces résultats. 1. Analyse de la littérature existante En recensant différents travaux menés qui tentent de comprendre le fonctionnement des organisations en Afrique, Kamdem (2000) identifie deux principales perspectives dominantes : la perspective rationaliste et fonctionnaliste d’une part et la perspective culturaliste et humaniste d’autre part. Il rattache à la première perspective des réflexions développées par différents auteurs sur la genèse et le fonctionnement du phénomène bureaucratique en Afrique, alors qu’il regroupe dans la deuxième perspective, différents travaux basés sur le développement de modèles africains de management et de développement. Quant à Nizet et Pichault (2007), ils regroupent les différentes recherches empiriques sur la GRH en Afrique entre trois groupes : 1 - Les thèses universalistes, qui préconisent l’adoption immédiate des « best practices » occidentales. Celles-ci correspondent à ce que Kamdem appelle « perspective rationaliste et fonctionnaliste ». - Les thèses culturalistes, dénonçant un « cultural lag » (retard culturel) avec les pays occidentaux et plaidant pour un « cultural fit » africain. Ces thèses correspondent à la perspective culturaliste et humaniste identifiée par Kamdem. - Les thèses néo-institutionnalistes, qui élargissent le cercle des facteurs de contingence, au-delà du facteur culturel pour introduire des facteurs institutionnels : évolution historique, l’État, la famille, etc. Cette perspective est surtout développée dans la littérature anglophone de la GRH en Afrique. De ces différentes approches1, la littérature francophone reste largement dominée par l’approche culturaliste de gestion. La question centrale débattue est celle du rapport entre l’environnement socioculturel africain et le fonctionnement des organisations. Dia A.L., Gaye, A. et Tidjani B. (1996, p.151) observent que la variable culturelle est devenue un élément important dans l’explication des performances de l’entreprise. En Afrique, le modèle culturaliste prédomine dans la grande majorité des écrits de gestion francophones et se propose d’identifier, au sein des espaces socioculturels africains, des facteurs favorables ou défavorables à la réalisation des objectifs de l’entreprise. Or l’introduction de la variable culturelle dans l’analyse des entreprises et de leurs performances, souffre de plusieurs insuffisances, comme le soulignent Dia A.L., Gaye, A. et Tidjani B. (1996). Soit elle part du postulat de l’existence d’un « one best way » (souvent occidental, et de plus en plus asiatique), ce qui bien entendu exclut toute réflexion sur les résonances politiques, sociales et même sémantiques des outils ou méthodes de gestion importés ; soit elle fonde ses conclusions sur une connaissance largement superficielle des contextes internes et externes de l’entreprise ; soit elle limite arbitrairement les contraintes environnementales de cette dernière aux contraintes culturelles. Ainsi, les conclusions auxquelles elles aboutissent généralement sont que les pays africains constituent des contextes non appropriés pour l’utilisation des techniques de gestion modernes d’origine occidentale. Deux types de développements majeurs se dessinent autour de l’approche culturelle de gestion en Afrique. - L’approche qui raisonne en terme de programmation mentale par les valeurs en s’appuyant sur les quatre indicateurs de la culture selon Hofstede : (individualisme/communautarisme, distance hiérarchique, évitement de l’incertitude et masculinité/féminité) ; 1 Pour une discussion plus approfondie de ces différentes tendances, le lecteur pourra se référer à notre thèse de doctorat intitulé : « Politiques et pratiques de Gestion des ressources humaines dans les entreprises publiques en Afrique subsaharienne : vers quel modèle d’analyse ? », Université Catholique de Louvain (à paraître). 2 - L’approche qui s’appuie sur les logiques nationales, vues comme des propriétés générales d’une manière de vivre en société, à partir des travaux de d’Iribarne (1989, 1991,1997) et s’appuyant sur les indicateurs culturels (la nature des relations interpersonnelles, le rapport au temps, l’appartenance au milieu social traditionnel, etc.). Ces différents indicateurs aboutissent à des propositions telles que la culture africaine est basée sur la primauté du groupe sur l’individu, la primauté du social sur l’économique et la nécessité de la convivialité sur l’efficacité. D’autres propositions montrent que pour l’Africain, le temps n’est pas l’argent. Le temps est élastique. Bourgoin (1984) écrit d’ailleurs à ce sujet que l’essence du Noir n’est pas réglée sur le temps. Le Noir prend le temps de vivre, il n’est pas pressé. Sans prétendre avoir mené une revue exhaustive de la littérature de gestion en Afrique, ce qui n’est pas l’objet premier de cette réflexion, nous avons voulu mettre l’accent sur quelques éléments de l’approche culturelle de gestion qui constituent le soubassement théorique du modèle de « management africain » que nous interrogeons. Abordons, dans le point suivant, la présentation de la méthodologie de notre enquête sur terrain. 2. Dispositif méthodologique Comme le constate Tidjani (2000), la GRH en Afrique n’est pas encore parvenue à s’imposer comme axe porteur des recherches au même titre que les autres disciplines de gestion. La recherche est encore au stade d’accumulation des faits et des données. Cette remarque nous pousse à recourir à une démarche d’enquête qualitative qui présente plusieurs avantages. D’abord, elle favorise une observation intense d’une situation dans son contexte. Ensuite, elle donne la possibilité au chercheur d’être près des objets étudiés en permettant une compréhension à la fois globale et approfondie d’un phénomène spécifique. Enfin, elle favorise une analyse plus fine des réalités étudiées. Notre enquête a été menée dans deux entreprises publiques en République Démocratique du Congo à partir des entretiens semi-directifs d’une heure à une heure et demi en moyenne2. Nous avons contacté 54 travailleurs à différents niveaux de la hiérarchie (cadres, dirigeants et exécutants). Les entretiens ont été complétés par les observations sur les lieux du travail, la tenue d’un journal d’enquête et l’analyse des documents. Nous avons fréquenté quotidiennement les deux entreprises pendant 90 jours. Notre enquête a généré une quantité importante des données ayant exigé un investissement important uploads/Management/ management-en-afrique.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 11, 2021
- Catégorie Management
- Langue French
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