MANIFESTE POUR LA CRÉATION D’UNE ORGANISATION HACKER EN FRANCE Devant l’évidenc

MANIFESTE POUR LA CRÉATION D’UNE ORGANISATION HACKER EN FRANCE Devant l’évidence de la catastrophe, il y a ceux qui s’indignent et ceux qui prennent acte, ceux qui dénoncent et ceux qui s’organisent. Nous sommes du côté de ceux qui s’organisent. Anonyme, Appel En pratique, le Contre-Net et la TAZ peuvent être considérés comme des fins en soi – mais, en théorie, ils peuvent aussi être perçus comme des formes de lutte pour une réalité différente. Hakim Bey, TAZ : zone d’autonomie temporaire, 1991 I – La contre-culture hacker Il n’a jamais été question d’être méchants ou destructeurs, même quand nous combattions les contre-vérités diffusées par les média de masse. Nous formions un ensemble de gens bizarres, qui exploraient un univers nouveau et partageaient leurs découvertes avec qui voulait bien l’entendre. Nous étions dangereux. Emmanuel Goldstein, The Best of 2600: A Hacker Oddyssey, 2008 Oui, je suis un criminel. Mon crime est celui de la curiosité. Mon crime est celui de juger les gens par ce qu'ils pensent et disent, pas selon leur apparence. Mon crime est de vous surpasser, quelque chose que vous ne me pardonnerez jamais. The Mentor, The Conscience of a Hacker, 1986, paru dans le numéro 7 du magazine électronique Phrack Les préjugés sur le mouvement hacker sont si profondément ancrés dans l’inconscient collectif qu’ils se suffisent à eux- mêmes. Le grand public oscille entre d’une part l’image terroriste véhiculée par le complexe médiatico-policier, et d’autre part celle d’un explorateur des frontières du cyber-espace transmise par la mauvaise science-fiction. À tel point que très peu connaissent le sens réel du mot hacker, et moins encore ont une vue globale de ce dont il s’agit. Comme souvent, c’est l'étymologie qui permet le meilleur éclairage : hacker est un vieux mot anglais, issu du jargon des bûcherons, signifiant littéralement hacheur. Hacheur de bois. Le hacker est celui qui produit de petits objets sophistiqués à partir du bois qu’il coupe. C’est celui qui « bidouille » sa matière première. La langue anglaise a conservé l’usage de ce mot dans ce sens. C’est dans les années 1960, aux États-Unis d’Amérique, que ce mot apparut dans le contexte des technologies de l’information. Dans les prestigieuses universités de ce pays, l’informatique commençait enfin à produire des résultats intéressants pour d’autres disciplines, et elle était donc de plus en plus reconnue en tant que science à part entière. Les informaticiens cherchèrent alors à s’affirmer aux yeux du reste de la communauté scientifique, et se demandèrent donc ce qui pouvait les caractériser, les différencier. Ils en vinrent à se dire que, finalement, la méthode scientifique (poser un problème, proposer une hypothèse, imaginer une expérience pour la confirmer ou l’infirmer, recueillir puis interpréter les données, et éventuellement recommencer, encore et encore) s’apparente largement à de la « bidouille », surtout dans leur spécialité. C’est ainsi que le mot hacker devint le marqueur identitaire de toute une génération de scientifiques. Cette génération, c’était celle de la jeunesse née juste après la Seconde Guerre Mondiale. Pour majorité aisée et cultivée, elle fréquentait les grandes universités telles que Berkeley ou le MIT. Une jeunesse insouciante qui souhaitait élargir ses horizons, et fit exploser les morales anciennes grâce aux idées nouvelles issues de la contre-culture apparue au cours de la décennie précédente : la Beat Generation de Burroughs et de Kerouac. À l’Université de Californie (Berkeley), on expérimentait le LSD, on développait BSD UNIX, le premier système informatique open source (quoi que pas encore un logiciel libre) et, au sud de la Baie de San Francisco, on créait la Silicon Valley ; c’est dans cette même San Francisco qu’en 1967 fut célébré le Summer of Love et l’avènement de la musique psychédélique. La contre-culture imprégna petit à petit la totalité de la communauté hacker, et son impact reste visible de nos jours à divers degrés. Ancien phreaker, Steve Wozniak co-fonda Apple (sa blue box, dispositif de fraude aux télécommunications, est aujourd’hui exposée dans un musée). Créé dans un but strictement militaire, l’ancêtre d’Internet devint le terrain de jeu des hackers du monde entier, qui bâtirent au quotidien les briques de base d’un réseau dont plus personne ne peut se passer de nos jours. D’un réseau de communication militaire, ils firent le plus formidable outil de libération de l’individu jamais créé. Né dans les années 1960, le mouvement hacker s’étendit et se propagea partout dans le monde pendant les années 1970. La décennie suivante vit la politisation du mouvement, avec l’apparition du genre Cyberpunk, la formation des premiers groupes de hackers tels que le Chaos Computer Club en Allemagne (1984), et la naissance des magazines Phrack (1985) et 2600: The Hacker Quarterly (1984). Des associations (Electronic Frontier Foundation, etc.) se créèrent afin de réfléchir à l’impact des nouvelles technologies sur nos sociétés. Les États se sentirent menacés et commencèrent à se doter d’un arsenal répressif (en France, la loi Godfrain du 5 janvier 1988). Richard Stallman formalisa un certain nombre d’idées flottant dans l’air de l’époque et accoucha du concept de « logiciel libre ». Les années 1990 furent celles de l’explosion du nombre d’accès à Internet, notamment suite à l’invention du Web, et la première décennie du XXIe siècle est une époque de folie sécuritaire frappant sans discernement. Mais on constate que la France est tout bonnement absente de l’histoire de ce mouvement, car elle a tout fait pour empêcher l’émergence d’un milieu hacker sur son territoire. En favorisant le Minitel au détriment d’Internet, en s’armant d’un arsenal répressif irrationnel, en créant de faux groupes de hackers afin de ficher et d’arrêter les éléments « actifs » (on se souvient du Chaos Computer Club France, fondé par Jean-Bernard Condat, agent de la DST), elle brise net toute velléité d’organisation et de structuration. À part quelques sites web comme le regretté madchat.org, et quelques magazines électroniques tels que Noway, Noroute ou encore Cryptel, le milieu français, systématiquement privé du moindre point de fixation, peine à se faire connaître. De nos jours, quelques organisations isolées, quelques hacker spaces (ou hacklabs), quelques meetings 2600, et une poignée d’événement annuels font vivre un milieu qui ne se renouvelle que difficilement. Finalement, de nombreux hackers préfèrent rester dans l’ombre, se rabattant parfois sur les associations de défense et de promotion du logiciel libre (April), ou des collectifs de vigilance citoyenne (La Quadrature du Net). Le monde militant, pleinement victime de la désinformation ambiante, ne se sent pas vraiment concerné par le discours hacker, et va parfois même jusqu’à le rejeter, au nom de préjugés totalement infondés. Enfin, et malheureusement, la contre-culture hacker est largement confondue avec la sous-culture geek, ce qui a le désastreux effet de briser net tout élan revendicatif, toute velléité militante. En ce début de XXIe siècle, en France, être un hacker c’est être isolé et constamment menacé par la folie sécuritaire ambiante. II – Des organisations peu représentatives L’organisation révolutionnaire est l’expression cohérente de la théorie de la praxis entrant en communication non-unilatérale avec les luttes pratiques, en devenir vers la théorie pratique. Sa propre pratique est la généralisation de la communication et de la cohérence dans ces luttes. Guy Debord, La Société du Spectacle, 1967 Il est actuellement presque impossible de se revendiquer ouvertement hacker. L’immense majorité des formations politiques refuse de prendre ce mouvement au sérieux, certaines allant même jusqu’à le juger dangereux. Les seules organisations susceptibles d’accueillir des hackers sont des organisations ne recoupant que partiellement les préoccupations des hackers. Commençons par l’organisation la plus évidemment proche du milieu hacker : Indymedia. Sa genèse (Bataille de Seattle, décembre 1999) et son évolution sont intimement liées au milieu hacker, surtout en ce qui concerne 2600 : Indymedia New-York fut, à sa création, hébergé dans les locaux-mêmes du magazine, et Jello Biafra, auteur du célèbre slogan « Don’t hate the media, become the media. », est un ami d’Emmanuel Goldstein. En France, de nombreux hackers se sont impliqués dans la création des divers groupes Indymedia actifs localement, mais leurs idées n’ont jamais réellement pu influencer au-delà de l’organisation strictement interne de ces groupes. Au final, ces plates-formes de publication ouvertes ne reflètent que très rarement d’autres opinions que celles de la gauche militante historique. Indymedia a largement porté le mouvement anti/altermondialiste, dans lequel peu de hackers se sont reconnus, pour diverses raisons. Les équipes de modération et/ou de publication peuvent cependant s’avérer très ouvertes car elles savent l’importance des hackers dans l’histoire d’Indymedia, et ces cellules, à défaut d’être des points de fixation potentiels, peuvent constituer d’excellents vecteurs de communication externe, d’autant que leur lectorat est assez demandeur de points de vue novateurs. Il en va de même, bien entendu, pour l’ensemble des organisations libertaires et/ ou militantes : peu et mal informées, elles ne peuvent servir de point de fixation, mais elles disposent d’un réel savoir- faire (communication externe, gestion des crises policières, etc.) et sont généralement intégrées à des réseaux d’envergure internationale. Continuons par le monde du logiciel libre. Il est constitué à la fois d’organisations locales (groupes d’utilisateurs de logiciels libres) et nationales (April, etc.). L’inconvénient majeur uploads/Management/ manifeste.pdf

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  • Publié le Apv 27, 2021
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