19 LA POSTE Catastrophe humaine et sociale en cours Depuis des mois, La Poste d

19 LA POSTE Catastrophe humaine et sociale en cours Depuis des mois, La Poste défraie la chronique, malgré des tentatives désespérées de sa direction de minimiser le problème qui ronge l’entreprise et ses salariés :  Malgré des efforts colossaux, la mutation menée tambour battant produit des résultats mitigés en 2011 : des résultats en baisse, des clients mécontents qui le font savoir et, finalement, des stratégies qui interrogent tant par leur esprit que leur timing.  Les indicateurs sociaux, au rouge vif depuis des mois, ont viré au noir : les suicides sur le lieu du travail de cadres supérieurs, même pas séniors, engagés dans leur travail, envoient un électrochoc ultime et cynique à l’entreprise tout entière. La Poste, partie intégrante du patrimoine et du quotidien des Français, qu’on considère proche et sympathique, devient tout à coup glaçante. Le spectre de France Télécom réapparaît en filigrane. Comment a-t-on pu en arriver là, sans comprendre et anticiper le drame qui se préparait ? Les chiffres, mentionnés dans ce rapport, sont exclusivement tirés de documents élaborés par La Poste. Les citations sont de courts extraits de témoignages de justice et interviews menés auprès de personnels de la Poste, de syndicalistes, de collectifs de clients. La confidentialité a été assurée pour les personnes qui le souhaitaient. Rédaction : Astrid HERBERT-RAVEL / 10 Mai 2012 19 I- UN DIAGNOSTIC SANS APPEL : MALAISE GENERALISE A LA POSTE On a longtemps cru que les tensions étaient isolées, circonscrites à quelques sites au courrier : il n’en est rien… 1- Une dégradation de tous les indicateurs sociaux, accélérée depuis 2008 Sur 5 ans, entre 2006 et 2010, La Poste voit les jours d’absence progresser de 2% alors que l’effectif décroît de près de 13% sur la même période. Cette progression ne s’explique que par l’explosion des arrêts maladie (+ 4%) et des accidents du travail (+6%). Les autres causes d’absence (maternité et autorisations spéciales d’absence) sont en effet toutes en baisse significative, de 10 points ou plus. Le nombre de congés ordinaires de maladie par agent progresse de près de 25% en 5 ans, malgré toutes les actions de contrôle « musclé », confiées à des sociétés privées (ex : SECUREX). 2- Un malaise qui atteint progressivement tout le corps social Outre la dégradation des indicateurs, la nouveauté réside dans le fait que le malaise touche dès maintenant des populations traditionnellement pas concernées ou moins exposées.  Les fonctionnaires rejoints par les contractuels On pourrait penser que les « fragiles » fonctionnaires, incapables de gérer la transition, tombent malades…. C’est pourtant bien chez les contractuels, population présentée comme plus jeune et dynamique par l’entreprise, que les congés ordinaires de maladie explosent : + 43.29% en 5 ans. L’écart entre fonctionnaires et contractuels devient minime en la matière : à peine 4.5% en 2010 quand il atteignait 22.5% en 2006. Fonctionnaires ou contractuels, le malaise est le même.  Le courrier mais pas seulement Courrier et Colis sont présentés comme métiers de main d’oeuvre qui « cassent » physiquement les individus. Les ratios d’absence y sont en effet importants….malheureusement comme ailleurs… Le nombre de jours d’absence pour maladie par agent atteint 24 jours par an en centres financiers. La pression n’y est forcément physique, elle existe malgré tout et ce, quelque soit le métier désormais.  Les cadres supérieurs : rattrapage en cours Traditionnellement, les absences pour maladie ont toujours été plus importantes parmi la maîtrise et l’exécution (classes I et II). Cette catégorie reste très exposée en la matière : 1.5 fois plus que les cadres et 2.5 fois plus que les cadres supérieurs. Cependant, sur les 5 dernières années (2006-2010), les ratios ont explosé sur des populations inhabituelles : les cadres supérieurs voient leur absence pour maladie progresser de 66.5% tandis que les cadres ne voient ce ratio progresser que de 9% et les classes 1 et 2 de 7.5%. Rédaction : Astrid HERBERT-RAVEL / 10 Mai 2012 19 3- Un malaise profond, mettant à terre les personnes touchées ou les poussant à fuir Un malaise… mais comment le qualifier ? Deux indices nous y aident :  La nature et la typologie des arrêts maladie Parmi les congés ordinaires de maladie, ce sont bien les arrêts les plus longs qui augmentent de façon exponentielle, pour toutes les populations : +73.5% pour les arrêts compris entre 31 et 90 jours, +114% pour les arrêts de plus de 90 jours. Les arrêts courts ne progressent que de 45%. En parallèle, une explosion des maladies professionnelles se dessine avec une hausse de près de 30% en 5 ans. Peu d’arrêts de maladie de complaisance : les personnes sont malades du travail, atteintes profondément et pour longtemps.  La démission d’un nombre croissant de salariés contractuels Sur la période 2008 – 2010, on a compté 6847 démissions contre 5580 entre 2005 et 2007, soit une augmentation de 22.7% alors même que la population en CDI a régressé en parallèle de 5%. La démission peut être un indice de dynamisme et de mobilité du marché du travail, mais l’argument paraît peu convaincant sur la période concernée. Les salariés fuient plus certainement des conditions d’emploi difficiles qu’ils ne sont attirés par des propositions alléchantes de l’extérieur. 4- La baisse d’effectifs : l’arbre (certes énorme) qui cache la forêt La baisse d’effectif, significative sur 10 ans, contribue sans nul doute à une dégradation des conditions psychosociales de l’entreprise : l’accélération du processus et sa généralisation à tous les métiers à partir de 2005 correspondent à l’aspect exponentiel et diffus du malaise. Les premières réductions d’effectif de 2002 à 2004 sont passées sans trop de douleur, amorties par un « réservoir » de personnels, après plusieurs années de hausse des effectifs. Dix ans de réduction d’effectifs plus tard, on est probablement « arrivé à l’os » et chaque nouvelle réduction devient une marche insupportable à franchir, dans les délais donnés. Cependant, ce constat ne doit pas nous faire perdre de vue que la baisse d’effectif n’explique pas à elle seule l’ampleur du malaise.  Un parfait contre-exemple : les cadres supérieurs Depuis 2006, les cadres supérieurs ont progressé en nombre de 12.2%, cette progression étant ininterrompue depuis 2002 (+54.2%). C’est pourtant parmi cette population que les congés ordinaires de maladie ont augmenté le plus : + 66.31% entre 2006 et 2010, soit 7 fois plus que les cadres et 9 fois plus que la maîtrise et l’exécution. Au-delà de la baisse d’effectif, il faut aller chercher des explications à ce malaise diffus, lourd et lent à résorber, véritable cancer généralisé, du côté d’éléments structurants impactant le vivre et le travailler ensemble : organisation du travail, système des codes régissant l’entreprise, prévention et, enfin, management. Rédaction : Astrid HERBERT-RAVEL / 10 Mai 2012 19 II- UNE SITUATION OBTENUE PAR UNE CONJONCTION DE FACTEURS Il n’y a pas une mais des explications, qui, combinées entre elle et sous l’action du temps, créent la situation explosive. Le passage en société anonyme, intervenu en 2010, ne suffit pas à expliquer la dégradation du climat de l’entreprise. L’exclure totalement serait aussi inexact car, contrairement à France Télécom, La Poste a préparé en amont son changement de statut et toutes les mesures mises en œuvre ces dernières années en ce sens contribuent au problème actuel. 1- Une forte réduction de l’effectif sans souplesse Depuis 2002, pic des effectifs, La Poste a perdu un peu plus de 70 000 emplois, soit 21.7% de son effectif de départ, et ce, sur un rythme régulier d’environ 10 000 emplois par an. La baisse a touché tous les métiers de La Poste de façon significative mais pas forcément selon le même calendrier. Pire que la réduction d’effectif, c’est la manière dont elle a été opérée qui pose problème….  Aucune annonce de réduction d’effectifs chiffrée et planifiée dans le temps La Poste n’a jamais affiché objectif d’ensemble des réductions ou calendrier… Les réductions ont été opérées site par site, années après années, en laissant croire aux autres que cela concernait un métier en particulier, le maillon faible en quelque sorte.  Aucune anticipation du mouvement pour les métiers les plus dotés en effectifs Ainsi, courrier et colis (55% de l’effectif) n’ont vu leur effectif baisser qu’à partir de 2006, ayant recruté largement jusqu’en 2005. La révolution internet, qui aurait fait diminuer le flux de courrier et justifierait le dégraissage, était largement entamée en 2005. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour s’adapter ? L’Enseigne (ou Réseau Grand Public, 32% de l’ensemble) voit son plus haut effectif en 2004. L’écrémage en un temps record (-43.7% en 6 ans) n’est dû qu’à l’indécision de l’entreprise quant au positionnement de son réseau, et ce depuis des années. Plus généralement, on peut s’étonner de la multiplication des cadres supérieurs, chargés de mission sans poste fixe (ils seraient plusieurs milliers, dont certains totalement inoccupés) alors qu’on continu e d’augmenter le nombre de cadres supérieurs : + 6 000 (+60%) depuis 2002. Peut-être aurait-il été plus simple de se doter d’une Gestion Prévisionnelle des Effectifs digne de ce uploads/Management/ rapport-la-poste.pdf

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  • Publié le Jul 30, 2021
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