EDMUND HUSSERL MEDITATIONS CARTESIENNES Introduction, Commentaires et Index des

EDMUND HUSSERL MEDITATIONS CARTESIENNES Introduction, Commentaires et Index des Noms par Bruce BEGOUT, Natalie DEPRAZ, Emmanuel HOUSSET, Jean-François LAVIGNE, Dominique PRADELLE, et Alexander SCHNELL sous la direction de Jean-François LAVIGNE Collection "ETUDES ET COMMENTAIRES" dirigée par Jean-François COURTINEr Joseph VRIN Editeur 2 INTRODUCTION Les Méditations cartésiennes sont l’un des quatre ouvrages majeurs qu’Edmund Husserl (1859-1938) ait publiés lui-même pour introduire à la Phénoménologie transcendantale, et à l’idéalisme qui en résulte. Après le tome I des Idées directrices pour une phénoménologie pure et une philosophie phénoménologique, paru en 1913 ; au lendemain de la rédaction de Logique formelle et logique transcendantale, écrit durant l’hiver 1928-29 ; et quelques années avant la magistrale synthèse de La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale (1936), les Méditations cartésiennes occupent une position remarquable dans l’évolution de la pensée de Husserl : Rédigées au printemps 1929 presque d’un seul jet en sept semaines, ces Méditations apparaissent à un moment-clé de l’itinéraire du fondateur de la phénoménologie : celui où il est pleinement au clair sur sa problématique gnoséologique et ontologique fondamentale, sur les principes de la méthode phénoménologique, et sur les résultats importants que cette méthode a permis d’obtenir, touchant la plupart des questions philosophiques décisives. C’est un philosophe en totale possession de sa pensée, sûr de la validité définitive de sa position métaphysique fondamentale1 comme du réseau serré de ses analyses de détail, qui concentre dans ces quelques pages l’essentiel de ses principes méthodologiques, et des vérités qu’il a atteintes. Ce texte, écrit autour de son soixante-dixième anniversaire, est donc la synthèse magistrale d’une philosophie complètement pensée –sinon intégralement formulée – par un Husserl enfin parvenu à la certitude fondamentale qu’il n’avait cessé de rechercher toute sa vie. Ce motif suffirait déjà à établir l’importance singulière de l’ouvrage. Mais il y a plus. Les Méditations de 1929 ne sont pas seulement une synthèse systématique parmi trois autres. Elles présentent en outre une particularité distinctive, qui les rend complémentaires de celles-ci : elles sont le développement unique – plus complet qu’aucun essai antérieur du même genre – de la « voie cartésienne » d’accès à la réduction transcendantale (cette voie qu’Ideen I avait déjà empruntée sans la thématiser explicitement, ni en déployer tous les prolongements2). Elles complètent ainsi de manière essentielle les deux autres approches : la voie de la logique et de l’ontologie, suivie dans Logique formelle et logique transcendantale ; et celle de la psychologie, qu’éclairera méthodiquement le texte de la « Krisis », en 1936. Mais surtout, les Méditations cartésiennes apportent à la compréhension de la phénoménologie transcendantale et de sa portée philosophique une contribution unique, qu’on ne trouve poussée à ce degré d’explicitation dans aucun des trois autres traités publiés par Husserl : l’exposé détaillé de la constitution de la communauté intersubjective des consciences transcendantales co-constituant le monde, et toute objectivité en lui – la communauté des « monades ». Ce n’est en effet que dans ces Méditations que Husserl a dévoilé de manière systématique, de son vivant, ce qui lui apparaissait comme le véritable fondement ultime du sens de l’être et du monde : la subjectivité transcendantale authentique, non-solipsiste, est l’intersubjectivité transcendantale. C’est dans la Vème Méditation cartésienne, et là seulement, que se trouve synthétiquement exposée la théorie de la constitution de cette intersubjectivité. 1 L’idéalisme transcendantal phénoménologique, tel qu’il l’expose en particulier dans le § 41 des Méditations cartésiennes. 2 Manquaient en particulier, dans Ideen I, l’exploration de la forme fondamentale de la genèse passive, la conscience pure du temps, ainsi que le développement de la problématique de l’auto-constitution de l’ego transcendantal ; pour ne rien dire du prolongement monadologique de l’idéalisme transcendantal (pourtant envisagé déjà avant 1913 dans certains manuscrits de recherche). 3 Telles sont les raisons principales qui font d’une lecture attentive, et d’une étude précise des Méditations cartésiennes la condition indispensable – que Husserl lui-même considérait comme décisive – de la compréhension juste du projet husserlien, de sa radicalité méthodologique, et de sa portée pour l’ensemble de la pensée contemporaine. Ce sont ces mêmes raisons qui justifient le présent travail de commentaire, qui n’a d’autre but que d’éclairer et enrichir la lecture du texte lui-même. * Le lecteur français a aujourd’hui à sa disposition deux traductions des Méditations cartésiennes : – La première, établie par Emmanuel Levinas et Gabrielle Peiffer en 1929-30, a paru initialement en 1931 chez Armand Colin. Elle est rééditée depuis 1947 par les éditions J. Vrin, dans la « Bibliothèque des textes philosophiques », avec le sous-titre « Introduction à la phénoménologie ». Ce volume contient uniquement le texte français des cinq Méditations, précédé toutefois d’un Avertissement qui reproduit l’allocution par laquelle Xavier Léon, alors Président de la Société française de Philosophie, avait accueilli Edmund Husserl lors de sa première conférence dans l’amphithéâtre Descartes de la Sorbonne, le 23 février 1929. –La seconde a été réalisée plus récemment, au début des années quatre-vingt-dix, par un groupe de phénoménologues français éminents, dans le cadre des Archives Husserl de Paris sous la direction de Jean-François Courtine. Elle a été publiée en 1994, aux Presses Universitaires de France dans la collection « Epiméthée », par les soins de Marc de Launay. Contrairement à la précédente, cette nouvelle version s’appuie sur le texte allemand original du premier volume de l’édition de référence, Edmund Husserls Gesammelte Werke (« Husserliana »), éditée depuis 1949 sous l’égide des Archives Husserl de Louvain : Cartesianische Meditationen und Pariser Vorträge. En conséquence, cette seconde édition française est plus riche du point de vue documentaire : elle comporte aussi la (première) traduction française du texte originel composé puis revu par Husserl pour ses conférences de Sorbonne, les « Conférences de Paris » ; ainsi que le « Sommaire des leçons du Professeur Husserl », et, en annexe, la traduction des Remarques critiques que Roman Ingarden, à la demande de Husserl, avait formulées concernant les quatre premières méditations. Les divers auteurs du présent commentaire apprécient l’une et l’autre traductions ; car elles se recommandent toutes deux, quoique par des mérites différents, qu’il est presque impossible de conjoindre parfaitement : La traduction Levinas/Peiffer a pour elle, d’abord, le privilège de l’importance historique : c’est dans ce texte français-là que la plupart des phénoménologues français, penseurs pionniers ou simples étudiants, ont appris à connaître la phénoménologie husserlienne ; quitte à souffrir parfois de ses obscurités ou de ses à-peu-près3 ; et c’est à lui qu’ils se réfèrent, en le citant dans leurs cours ou leurs publications. Stylistiquement plus proche de l’usage français, elle est moins étroitement fidèle à la lettre du texte original ; ce qui n’implique pas qu’elle s’éloigne du sens, bien au contraire. En revanche, elle ne bénéficie pas de l’appui d’une tradition établie, pour la restitution en français de la terminologie technique de Husserl. La traduction de l’édition procurée par Marc de Launay bénéficie, elle, de l’avantage d’une tradition française constituée des études husserliennes, et s’appuie sur une connaissance incomparablement plus étendue, et plus sûre, de l’œuvre et de la pensée de Husserl. Ses choix de traduction, souvent plus proches de la lettre de l’édition de référence, n’atteignent pas 3 Dont Husserl se plaignait déjà, dans l’une de ses lettres à Roman Ingarden. 4 toujours, en revanche, au même degré de clarté immédiate que les « belles infidèles » de la traduction Peiffer/Levinas. Pour ces divers motifs, les commentateurs ne se sont sentis liés par aucune des traductions existantes : ils se réfèrent le plus souvent et à l’une et à l’autre dans leurs notes, et se sont réservé le droit de les modifier au besoin ; ou de proposer une traduction personnelle, lorsqu’elle leur a semblé propre à mieux faire saisir les intentions de Husserl. Il ne saurait donc être question de rattacher le présent commentaire à l’une de ces deux versions préférentiellement : la seule condition impérative que doive remplir le lecteur, s’il veut tirer profit du présent travail, c’est d’avoir lu, et de consulter, au moins l’une d’elles. Et surtout, d’avoir cherché, personnellement, à penser avec Husserl. * * * Avis Le lecteur des Méditations cartésiennes d’Edmund Husserl peut déjà trouver un exposé bien documenté des circonstances et de l’histoire de la composition de ce texte fondamental, dans la seconde édition française, publiée par les soins de Marc de Launay aux Presses Universitaires de France. Cet exposé historique se trouve dans la « Présentation » qui précède la traduction, aux pages V à IX de l’ouvrage. Plutôt que de redoubler l’exposé précis et circonstancié de M. de Launay, que le lecteur du présent ouvrage aura certainement à sa disposition puisqu’il accompagne le texte que l’on commente ici, il a semblé plus utile, pour le lecteur et le chercheur, de rappeler ci- dessous sous la forme d’une chronologie les étapes, et les événements principaux, qui ont jalonné la genèse du texte de l’édition définitive des Méditations cartésiennes. Historique de la composition du texte des Méditations cartésiennes 1. L’invitation et le séjour à Paris. 1928 : 22-29 avril Husserl séjourne en Hollande, pour donner deux conférences à Amsterdam, à l’invitation uploads/Philosophie/ b-comment-a-ire-des-x27-meditations-cartesiennes-de-husserl-ed-j-f-lavigne-vrin-2008.pdf

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