Cette lettre fait suite à la parution d'un article de John Staddon dans Quillet
Cette lettre fait suite à la parution d'un article de John Staddon dans Quillettte: https://quillette.com/2019/04/11/is-secular-humanism-a-religion/ L'argument de Staddon est que les humanistes séculiers se comportent comme des croyants même s'ils prétendent n'appartenir à aucune religion. Bonjour chers «paroissiens», Bon, je vois que Staddon vous a inspirés. Pourtant, aucun d'entre-vous n'a mis le doigt sur l'erreur centrale de Staddon. Staddon, en bon «défenseur des croyants» s'attend à ce que les humanistes lui mettent sous le nez «leurs textes sacrés», une (im)possibilité qui lui permettrait de nous tailler en pièces. Seulement voilà, les humanistes s'en tiennent à deux principes de base qui sont, il est vrai, «indémontrables». Ils ont choisi «raison et empathie», aussi énoncé «raison et compassion». Le reste dépend de la science du moment et du raisonnement éthique. Les deux sont révisables à la lumières de nouvelles connaissances d'où cette impression de Staddon que nous ne sommes pas consistants dans nos affirmations de ce qui est le «bien». Reste que ce qui nous distingue des religions, c'est justement ce refus de la pensée dogmatique. Staddon cherche à nous ramener dans le giron de la pensée religieuse, la seule qu'il connaisse bien, mais son texte est, en fait, un aveu de son incompréhension de ce qui est central à l'humanisme. Certains commentaires se ramènent à répéter que les religions produisent des effets positifs sur les groupes qui les pratiquent. Vrai, sauf que, depuis deux siècles, ces effets bénéfiques se sont progressivement étiolés tandis que les désavantages sont restés d'une constance remarquable. Le «crois ou meurt» est toujours à l'ordre du jour dans un certain nombre de nations tandis que «croyez ou payez le prix de l'incroyance» reste formellement dans les lois de 85 pays sur 180, dont le Canada. Les désavantages de l'incroyance existent, sans aucun doute, c'est une liberté qui dépasse les capacités d'autogestion d'un nombre significatif de citoyen.ne.s, reste que les pays avec de grandes proportions d'athées sont parmi les pays les plus attirants pour les immigrants qui viennent de pays étouffants sous les lois religieuses. On peut toujours argumenter que «raison et compassion» sont des choix arbitraires et qu'on pourrait en choisir d'autres. «je, me, moi» est particulièrement populaire, «ma gang d'abord» aussi, mais il y a dans «raison et compassion» quelque chose qui interpelle notre sens profond de ce qui est «juste» (fair). Sans la raison il est impossible de déterminer ce qui est juste, et sans la compassion, nous succomberons à notre désir de satisfaire nos besoins d'abord, sans considération de ceux des autres. Or ce sentiment de ce qui est juste/injuste existe chez tous les primates (et probablement d'autres espèces), ce qui n'est pas une justification mais une explication. La justification de préférer ce qui est juste est que c'est un bon choix pour assurer à la fois la survie harmonieuse de l'espèce (moi y compris) et pas seulement de mon groupe ethnique et aussi d'assurer une probabilité de «bonheur» individuel (l'injustice flagrante est une source d'anxiété et de dépression et donc un obstacle au bonheur individuel). Le «juste» est universel, tout comme la raison et la compassion et il ne me parait pas nécessaire d'aller plus loin dans la justification du «juste», d'autant plus qu'il fait l'objet d'un large consensus. Hors les asociaux, il n'y a guère de monde pour trouver «l'injuste» comme désirable, même s'il y a des désaccords sur ce qui constitue le «juste» dans des situations particulières. En raccourci, si les humanistes existent, c'est parce qu'ils proposent une méthode pour obtenir du «juste» qui est intrinsèquement supérieure(*) et à celle proposée par les religions. Pourquoi ? D'abord parce que cette méthode est universelle et non «paroissiale» (pour paraphraser David Deutsch), elle peut être reconnue «efficace» par des individus provenant de n'importe qu'elle culture. Ensuite parce qu'on peut mesurer son efficacité à produire du «juste» et la comparer aux autres méthodes. Évidemment, ceux pour qui la foi prime sur la raison auront toujours beau jeu d'ignorer ces mesures mais je n'irai pas plus loin aujourd'hui dans cette direction (celle des dénis pathologiques) qui est un autre combat. C'était mon homélie du lundi de Pâques. Allez en paix... :-) Michel Virard Avril 2019 - Révisé janvier 2022 (*) Vous noterez que je n'ai aucun complexe à déclarer l'humanisme comme supérieur aux religions dans ce domaine précis: celui de la production de «juste» à grande échelle. Sur d'autres sujets, les religions peuvent continuer à avoir un avantage (ex. produire de la consolation, du réconfort, etc.). uploads/Philosophie/ bonjour-chers-paroissiens-v2 1 .pdf
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- Publié le Dec 12, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
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