L'ANARCHISME PHILOSOPHIQUE DE RENÉ SCHÉRER Claudia Fernanda Barrera ERES | « Ch

L'ANARCHISME PHILOSOPHIQUE DE RENÉ SCHÉRER Claudia Fernanda Barrera ERES | « Chimères » 2009/1 n° 69 | pages 171 à 179 ISSN 0986-6035 ISBN 9782749234052 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.inforevue-chimeres-2009-1-page-171.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ERES. © ERES. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Schérer inaugure par sa méthode passionnelle des chemins, des passages, des ponts et des itinéraires inattendus. La route des possibles est inaugurée par Schérer par un anarchisme qui fait de l’utopie le pivot central en stimulant la créativité et en replaçant les passions dans la tradition philosophique par des lignes de fuite soutenant le mouvement incessant entre la théorie et la pratique et leur mise en œuvre. Ainsi, comme la tâche de la production des dessins a une part d’aléatoire pour l’imaginaire de celui qui les regarde, le maître enseignant est soucieux d’éveiller les esprits plus que de transmettre un savoir, un système clos ou une doctrine. 2 Aucune méthode ne nous serait imposée par Schérer. Celui qui a connu sa pédagogie comprend tout de suite que seule l’attraction passionnée pour elle-même que chacun développe au fur et à mesure, à son rythme et par sa propre autonomie permet d’apprendre la réflexion et l’histoire de la philosophie. 171 CLAUDIA FERNANDA BARRERA docteur en philosophie, a rédigé une thèse qui sera publiée sous le titre de « Puissances de la séduc- tion. La présence poétique au monde ». Elle coordonne un dossier sur René Schérer qui paraîtra en 2010 dans la revue Cahiers critiques de philosophie de Paris VIII (éditions Hermann). L’ANARCHISME PHILOSOPHIQUE DE RENÉ SCHÉRER1 C O N C E P T 1- Texte rédigé pour le colloque sur René Schérer à Bordeaux (11 au 13 octobre 2007). 2- René Schérer, Albums. Géophilosophie. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 181.192.189.145 - 24/09/2019 03:48 - © ERES Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 181.192.189.145 - 24/09/2019 03:48 - © ERES Claudia Fernanda Barrera 172 La liberté s’exprime grâce à un enchaînement propre à l’attraction de la recherche, de la curiosité et de la surprise de ce qu’implique le fait de philosopher. Si la méthode passionnée ne se laisse pas enfermer dans des processus systématiques et des traditions, c’est parce qu’elle suit son propre mouvement. Il y a un parcours des routes dans lequel Schérer incorpore l’idée d’une géophilosophie, d’un mouvement passionnel qui retrouve toujours sa propre démarche en concordance avec l’attraction par tout ce qui affirme notre existence et augmente notre capacité critique. Schérer dit en parlant de la Géophilosophie: « Il y a aussi une affinité incontestable entre la pensée et le mouvement. La pensée est nomade. Penser, c’est aller et venir, c’est marcher. Ne serait-ce que parce que la marche « anime les esprits », comme disaient les classiques, ou meuble l’esprit, en lui impo- sant un rythme – ce que Valéry a noté –. Mais aussi, c’est aller voir, mieux ouvrir l’œil, découvrir le nouveau, visiter » 3. C’est par concept-image qu’il s’exprime pour unir le corps, la matière et la chair à l’esprit ou à l’âme. Marcher pour recueillir cette végétation attirante du florilège ouvert, nouveau et vaste qu’est la pensée dans laquelle le réelœuvre à partir de la logique, mais aussi des puissances non logiques que la philo- sophie a du mal à accepter: le rêve, l’imagination et le désir. Sa pensée trace une dimension hautement politique allant de l’individualité à la politique et réciproquement car chaque indi- vidu est unique, apprécié et valorisé par sa propre puissance. Il ne s’agit ni de normaliser, ni de conduire, mais de libérer nos passions pour qu’elles agissent en développant nos goûts et nos manies comme un surcroît d’être en affirmant la vie et nos sentiments. L’anarchisme de Schérer démasque tout l’appareillage bourgeois où l’homme dit civilisé n’a pu être en harmonie ni en association passionnée grâce au travail avec d’autres ou à n’importe quelle autre activité qui le rend heureux et moins égoïste. Mais comment apprécier l’œuvre de Schérer dans une pers- pective anarchiste? Aucune pensée politique n’est développée car Schérer n’est pas un anarchiste quelconque. À partir des 3- René Schérer, Albums. Géophilosophie. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 181.192.189.145 - 24/09/2019 03:48 - © ERES Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 181.192.189.145 - 24/09/2019 03:48 - © ERES L’anarchisme philosophique de René Schérer 173 fondements politiques et sociaux (comme l’éducation, la péda- gogie, l’hospitalité et la critique de la modernité), il déconstruit et démolit les institutions et les dispositifs d’État en démas- quant leur brutalité et leurs abus sans en parler directement. De sorte qu’il ne reste pas dans le diagnostic mais fait montre, par exemple, de certaines vertus, sur lesquelles les États devraient r construire leurs institutions. Il crée des lignes de résistance à partir de Fourier et de Pasolini qui ne sont pas à proprement parler des philosophes. L’anti- philosophie de Schérer introduit l’utopie et l’art dans la pensée. Il propose une nouvelle conception dans laquelle l’histoire des idées s’étend à l’appareil économique et au lan- gage artistique et mythologique. Cela veut dire que l’histoire de la philosophie ne se suffit pas à elle-même, qu’elle doit incorporer de nouveaux langages afin d’exprimer des lignes de fuite qui fondent des possibilités dans le réel à travers les agen- cements des savoirs et de l’expression artistique. L’agencement du concept et du concept-image nous permet de comprendre que les affects recèlent des puissances qui passent par le cœur et la sensibilité et non pas simplement par la compréhension de l’abstraction conceptuelle. C’est pour cela que les mythes, la littérature et la poésie sont aussi sources d’inspiration. Il y a donc un équilibre entre la partie sensible et la partie rationnelle par lequel la raison se déplace vers une conception plus ouverte, loin des emprises du dogme et des quêtes de la vérité comme absolu. L’anarchisme de Schérer s’édifie par la conception de l’utopie. Si par anarchisme on peut comprendre la suppression de l’État et de toute contrainte sociale sur l’individu, c’est grâce à l’utopie qui « est une pensée des possibles, imaginairement concrétisée, indépendamment des contraintes de l’actualité » 4. Il met l’utopie et la philosophie sur le même plan en disant: « En rangeant l’utopie et la philo- sophie dans une même classe, en raison de la Terre qu’elles revendiquent ensemble, nous posons en principe que l’utopie tire sa force de n’être pas une idéologie, et encore 4- René Schérer, Geoffroy de Lasgasnerie, Après-tout. Editions car- touche, 2007 , p. 118. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 181.192.189.145 - 24/09/2019 03:48 - © ERES Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 181.192.189.145 - 24/09/2019 03:48 - © ERES Claudia Fernanda Barrera 174 qu’elle n’est pas un recouvrement du réel par les idées, mais le chemin qui mène à celui-ci. Un réel qui, périodiquement, se réveille et s’affirme, après avoir été maintenu dans l’ignorance ou dans la servitude » 5. L’anarchisme s’oppose surtout à toute transcendance ou à tout dieu issu des dogmes reli- gieux, c’est-à-dire à la domination de ce qui est établi sous prétexte de dévoiler la vérité dans un système clos ou d’imposer un dogmatisme des modèles et méthodes qui opposent des obstacles à la découverte et à la recherche philo- sophiques. Toute transcendance bloque les possibilités et empêche l’affirmation de ce que prône l’utopie: multiplier les possibilités pour réaliser ce qui affirme la vie à partir de la recherche perpétuelle d’une réalité ou d’un imaginaire absents. Contre cette réalité hostile et inhospitalière du monde mar- chand et civilisé que Fourier et Pasolini avaient repoussée, l’illusion créée par l’utopie fait barrage en traçant une résistance heureuse qui nous mobilise pour une tâche révolutionnaire. Par la force du mouvement passionnel vers l’utopie, la réalité doit être parsemée d’impossible, mais pour qu’elle le soit il ne s’agit pas de bâtir des systèmes autosuffisants et logiques ne tenant pas compte de uploads/Philosophie/ chime-069-0171.pdf

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