1 Emile- Rousseau Commentaire Rousseau devait beaucoup à Montaigne, Locke, Turg

1 Emile- Rousseau Commentaire Rousseau devait beaucoup à Montaigne, Locke, Turgot, Helvétius. Mais il était autodidacte, et, de ce fait, son originalité restait grande. Beaucoup de conseils dérivaient de sa propre expérience. Mis trop tôt au contact des livres, trop vite éveillé aux sentiments, il en signala les dangers. Formé au hasard de l'expérience, ayant exercé plusieurs métiers, il savait tout ce qu'on peut apprendre par l'observation, tout le prix d'une formation pratique ; il savait aussi ce qui lui avait manqué : une éducation méthodique, un parfait équilibre physique. Il avait d‟ailleurs été précepteur des enfants de M. de Mably (et avait échoué dans sa tâche), mais n'en restait pas moins étranger aux formes reconnues et consacrées des systèmes éducatifs de son temps, et ne cessa d‟affronter les privilèges et les dangers de l‟absence d'éducation institutionnelle. Parfois, ce livre de pédagogie tourna à la confidence émouvante : à la fin du „’Livre IV’’, il imagina comment, s‟il était riche, il organiserait son existence en restant « toujours aussi près de la nature qu’il serait possible », ses aspirations restant conformes à ses goûts modestes et plébéiens. Même dans ses rêves de bonheur, le philosophe n‟oubliait donc pas de donner une leçon à ses contemporains. D‟ailleurs, par sa première phrase : «Tout est bien sortant des mains de l'Auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l'homme», avec une indéniable cohérence, il rattachait sa pédagogie à l'ensemble de sa philosophie et à sa diatribe contre la civilisation. Kant, son fidèle disciple sur ce point, allait montrer que trois conceptions de la pédagogie sont possibles. La première laisse une liberté absolue à l'enfant : c'est l'éducation par le jeu, qui correspond, sur le plan politique, à l'anarchie. La deuxième en est l‟exact contraire : c‟est le dressage, équivalent de l'absolutisme, qui convient sans doute à des animaux, mais point à des êtres libres. Comment concilier ce que ces deux visions extrêmes peuvent avoir de juste, au moins au départ, ou, pour mieux dire : comment respecter la liberté de l'enfant tout en lui enseignant une discipline? Réponse : par le travail, car, en travaillant, l'enfant exerce certes sa liberté, mais il se heurte néanmoins à des obstacles objectifs qui, s'ils sont bien choisis par l'éducateur, peuvent se montrer formateurs pour lui dès lors qu'il parvient à les surmonter activement. À l'anarchie du jeu et à l'absolutisme du dressage succède ainsi la citoyenneté du travail, car le citoyen est celui qui est libre lorsqu'il vote la loi, et contraint cependant par cette même loi, dès lors qu'il l'a approuvée. Les deux moments, liberté et discipline, activité et passivité, sont réconciliés en lui par le travail. Les cinq livres correspondent aux étapes d‟une évolution naturelle, la méthode demandant de respecter la nature, c'est-à-dire de traiter l'enfant en enfant, non en adulte. Jusqu'à l‟âge de douze ans, on doit s'adresser presque uniquement aux sens. Chaque âge ayant ses facultés, il ne faut pas solliciter sa sensibilité avant qu'elle ne soit éveillée ; il ne faut pas lui parler trop tôt de religion et de morale ; il ne faut pas raisonner avec lui quand il en est encore incapable. Pour la formation intellectuelle, nos idées étant liées à nos sensations, il n'y a pas de meilleur mode de connaissance que l'observation directe : loin de recourir à la mémoire et à l'éducation livresque, Rousseau instruit l'enfant au contact des choses, des métiers, des réalités sociales. Sa proposition révolutionnaire est celle des « méthodes actives », conception qui était radicalement nouvelle à l'époque où Rousseau l'inventa et qui, alliant le respect de l'enfant et les nécessités d'une certaine autorité, continua d'animer jusqu'à nos jours les systèmes éducatifs. Il faut, selon sa formule, préférer l'éducation « par les choses » à l'éducation « par les hommes ». Le savoir d'Émile est fait de notions concrètes, utiles pour la vie pratique. Plus qu'à la science, Rousseau s'attache à la formation morale, aux qualités du cœur, à l'honnêteté, à la vertu. Autant qu'une intelligence, il s'agit de former une âme naturelle, un jugement, car l'instruction concerne toute la vie. Cette formation du jugement, cette éducation morale, relèvent également de l'observation. À tout instant, Rousseau met en garde contre des méthodes qui seraient efficaces mais risqueraient d'introduire dans l'âme de l'enfant des défauts que la nature n'y a pas mis, et qui proviennent de la vie sociale : vanité, esprit de domination, cupidité, mensonge, etc.... Comme, en 1760, le Suisse Tissot, un des médecins les plus célèbres du XVIIIe siècle, avait publié “L’onanisme ou dissertation physique sur les maladies produites par la masturbation “, livre qui devint un best-seller, Rousseau avait correspondit avec lui et écrivit donc, dans ”Émile”, que c‟est « l’habitude la plus funeste à laquelle un jeune homme puisse être assujetti. Il en aura le corps et le coeur énervés.» „‟Émile‟‟ contient beaucoup d'idées excellentes, fourmille de recettes et de remarques sensées où l'on trouve toujours à glaner. Mais on ne peut suivre Rousseau jusqu'au bout si l'on n'admet l'idée initiale de la bonté originelle de l'être humain. Dans le détail, bien des points restent contestables. Qui croira à un éveil aussi tardif 2 de l‟intelligence et de la sensibilité? ne s'épanouissent-elles pas parallèlement et progressivement dès le plus jeune âge? Le désir de tout enseigner par l'observation entraîne des pertes de temps et des artifices puérils. Et toute cette mise en œuvre n‟a pour résultat que la formation d‟un ouvrier. D‟autre part, Rousseau ne contredit-il pas sa diatribe du second „‟Discours‟‟ quand il éveille Émile à la notion de propriété? Il est vrai qu‟il rétorqua qu‟Émile est destiné à vivre dans une société où la propriété existe : le moindre mal est de lui en donner une notion correcte. Enfin, après avoir prodigué des préceptes, il invita prudemment à considérer son ouvrage comme « les rêveries d'un visionnaire sur l'éducation ». En définitive, il ne faudrait pas considérer „‟Émile‟‟ comme un recueil de conseils adressés aux parents. On peut résumer ainsi le débat entre les finalités de l‟enseignement et le choix des moyens pédagogiques : • Un enseignement théorique et livresque a l'avantage de permettre la transmission des connaissances et du patrimoine culturel, des acquis de la science et de l'Histoire, des résultats des recherches dans toutes les disciplines enseignées. Il présente le mérite de fournir une somme de connaissances et donc des bases solides qui peuvent ensuite être adaptées à des usages différents. Mais il a l'inconvénient d'être rébarbatif à acquérir et nécessite un travail de mémoire et de réflexion difficile. • Un enseignement pratique et directement utile doit être ouvert sur la vie, préparer les jeunes à un métier et leur offrir une participation active. Il devrait donc les initier à la pratique et leur faire découvrir par l'expérience le contenu du savoir en leur permettant une application immédiate. Il a l'avantage d'être attrayant, de développer l'autonomie de l'élève, son esprit d'observation, de favoriser l'éveil en étant moins abstrait. Mais la connaissance par l'expérience a le défaut de nécessiter un long apprentissage, parfois hasardeux. Il faut accumuler un nombre incalculable d'observations avant d'en déduire le savoir que fournissent les livres, par exemple sur le comportement animal ou les lois de l'économie. „‟Émile‟‟ eut un grand retentissement. Des contemporains se mirent à élever leurs enfants d'après cette pédagogie très contestable car elle est, au fond, élitiste, l‟éducation étant donnée par un précepteur à un seul élève. Elle a donné lieu à « la pédémagogie » moderne qui a conduit à la déliquescence intellectuelle et morale de la jeunesse contemporaine. _________________________________________________________________________________________ “Profession de foi du vicaire savoyard” Pour son « vicaire savoyard », Rousseau se serait souvenu d‟un «homme de paix» rencontré dans sa jeunesse. Ce personnage lui permit de formuler, avec une ferveur indiscutablement sincère, un déisme reposant sur le sentiment de la beauté et de l‟harmonie de la nature (l‟ordre visible dans la nature atteste l‟existence d‟un Dieu créateur) et une morale naturelle dont «le culte essentiel est celui du coeur». La religion était l'aspiration naturelle de son âme. À Paris, il avait pu oublier un temps sa ferveur ; mais à partir de 1750, déçu par les philosophes dont «la prodigieuse diversité de sentiments» était causée, selon lui, par «l’insuffisance de l’esprit humain», et se refusant au scepticisme et au matérialisme, il avait tenté à plusieurs reprises de faire le point de sa pensée religieuse, par exemple dans la „’Lettre sur la Providence’’ et surtout dans „’La nouvelle Héloïse‟‟. La “Profession de foi du vicaire savoyard” était un exposé d'ensemble qu'il allait considérer comme définitif. Un jeune calviniste, réfugié dans un hospice catholique, est dérouté par la doctrine nouvelle qu'on lui enseigne. Son âme sombrerait dans le doute, s'il n'était recueilli et éclairé par un vicaire savoyard, vertueux et tolérant. L'entretien a lieu à Turin, devant un paysage dont la majesté s'accorde avec le sujet : « Il me mena hors de la ville, sur une haute colline au-dessous de laquelle passait le Pô, dont on voyait le cours à travers uploads/Philosophie/ commentaire-emile.pdf

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