APPORTS SCIENTIFIQUES RECENTS DE LA VICTIMOLOGIE A LA CRIMINOLOGIE Thyma 01/04/

APPORTS SCIENTIFIQUES RECENTS DE LA VICTIMOLOGIE A LA CRIMINOLOGIE Thyma 01/04/2021 Publications , Victimologie et Criminologie Conférence donnée à l’Ecole nationale de la magistrature. Session savoirs criminologiques : données scientifiques et pratiques pénales Dr Gérard Lopez o Psychiatre, o chargé du cours de victimologie à l’Institut de criminologie et de droit pénal, U. Panthéon Assas Paris 2 QU’EST-CE QUE LA VICTIMOLOGIE ? Les sciences humaines sont de fausses sciences, ce ne sont pas des sciences du tout. (Michel Foucault, 1966) La victimologie est une interdiscipline récente fondée par des pénalistes qui voulaient introduire le rôle de la victime dans les passages à l’acte criminel, c.à.d. transgressifs. Dans ce but, les pionniers de cette discipline essentiellement juridique ont bâti des typologies de victimes, désormais désuètes, pour adapter les sanctions au rôle joué par le ou la plaignante. On distingue deux orientations principales : la victimologie scientifique essentiellement anglo-saxonne initiée par Hans von Hentig [1], et la victimologie générale, européenne, promue par Benjamin Mendelsohn [2], un pénaliste roumain, qui émigra en Israël après la seconde guerre mondiale, humaniste, il proposait des cliniques pour victimes psychotraumatisées comme désormais il en existe. Pour les Anglo-saxons, la victimologie est une branche de la criminologie. Pour les Européens elle est une interdiscipline qui convoque les sciences humaines afin notamment d’étudier les représentations que se font les individus et au-delà les sociétés de la victime et de son statut défini par les lois[1], et par conséquent le législateur et les juges. Le schéma suivant illustre les différentes disciplines convoquées par la victimologie générale : ESSAI D’ANALYSE DES REPRESENTATIONS DE LA VICTIME Les études anthropologiques, théologiques, historiques, sociologiques, épistémologiques, politiques, éthiques, etc., des représentations des individus et des sociétés, sont surdéterminées par les cultures et les sous cultures auxquelles ils appartiennent [3]. Un magistrat n’envisage pas les problèmes comme un psychologue, par exemple, en fonction de sa formation, mais aussi de sa culture familiale ou sa personnalité. Norbert Rouland [4], professeur d’anthropologie juridique, cite Théodore Ivainer [5], un ancien magistrat : « Dans nos prétoires et de nos jours, plus de deux litiges sur trois sont tranchés en fait, ce qui signifie que les droits subjectifs objets de contestation se verront reconnaitre, denier ou altérer par le juge, sans qu’il y ait recours à des dispositions de droit positif, si ce n’est d’une façon purement formelle”. Rouland ajoute ce commentaire : “Autrement dit, pour juger, le magistrat se fonde dans la majorité́ des cas sur autre chose que le droit : des données techniques, psychologiques, et aussi la morale et le jugement de valeurs qu’elle implique”, ce que regrettent beaucoup de théoriciens du droit qui parlent de populisme pénale. L’anthropologie juridique explique la position qu’adoptent les différentes civilisations, vis à vis du droit notamment, selon les critères de Michel Alliot, résumés dans le tableau suivant : D’après M. Alliot (cité par Rouland 1990) Dans notre aire culturelle, la victime (ou la thyma grecque) est étymologiquement une créature offerte en sacrifice aux dieux, mais les dieux sont différents selon les cultures et les religions. La victimologie, selon René Girard, ne pouvait apparaître que dans l’aire culturelle monothéiste, la seule où les victimes fondatrices, Isaac, les prophètes bibliques, Jésus de Nazareth, le prophète Mahomet, sont considérées comme innocentes par les rédacteurs des livres sacrés. En Grèce les victimes étaient invariablement coupables ; selon les lyncheurs unanimes, elles portaient la culpabilité de leurs ascendants, comme les Labdacides par exemple du fait de la faute de Laïos coupable d’un viol pédophilique sur le jeune Chrysippe, le fils du roi Pélops. Dans l’aire monothéiste, les individus sont les enfants de dieu, ce qui leur confère leur dignité. Ce n’est pas le cas dans les autres cultures – Asie, Afrique – où le sujet n’existe pas : le groupe seul compte. Néanmoins, bien que pour René Girard l’innocence symbolique de la victime soit le concept fondateur de la société occidentale, l’apologie religieuse du sacrifice diminue singulièrement son intérêt pour la reconnaissance des victimes : “Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis (Jn 15,13)”, et génère toutes sortes d’idéologies sacrificielles de domination résumées de façon non exhaustive dans le tableau suivant : D’après G Lopez, 2019 Ces idéologies sacrificielles et les stéréotypes qui les confortent justifient toutes sortes de violences légitimées par les plus forts qui disposent de moyens de rétorsion très efficaces pour maintenir cet état de chose à leur profit. En totale opposition avec les dogmes révélés, la société occidentale est également l’héritière des Hellènes qui se passaient des dieux pour expliquer le monde. Les philosophes Grecs, matérialistes, ont inventé la science. Pour Aristote, ce qui est blanc ne peut être noir ; dans les textes sacrés qui méconnaissent la logique du tiers exclu : le Dieu des chrétiens est unique mais… en 3 personnes ; YHWH est un père et une mère, il est un dieu d’amour et en même temps un dieu jaloux et vengeur. Etc. Chacun peut trouver dans ces textes ce qui lui permet de justifier ses actes, de terrorisme… par exemple. Ainsi, nos concepts, nos pensées, notre vision de la science, nos valeurs éthiques, nos lois, sont en tension dialectique permanente entre la révélation et le logos hellène, la foi et la raison. Il suffit de penser aux oppositions entre les religieux et les scientifiques dans les comités d’éthique ou les conférences de consensus, notamment sur des sujets intéressant la criminologie : conférence sur les agresseurs sexuels, les maltraitances sexuelles, la récidive, etc. La réflexions éthique opposent les tenants d’une éthique des pratiques fondée sur la recherche scientifique et une autre fondée sur la conviction : la foi, l’autorité conférée par un texte ou une autorité. Le livre de Maurice Cusson intitulé Prévenir la délinquance, les méthodes efficaces [6] illustre par exemple cette démarche très anglo-saxonne. En l’absence de recherches suffisamment convaincantes, il est recommandé de se fonder sur une éthique de la discussion qui aboutit à un consensus plus ou moins mou, synthèse des opinions des uns et des autres. ETUDE SCIENTIFIQUE DU SEXISME EN JUSTICE : L’EXEMPLE DE LA JUSTICE FAMILIALE Les exemples abondent, mais le temps qui m’est imparti est si court qu’il m’oblige à faire court alors que j’aurais préféré échanger avec vous. Il faudrait consacrer une journée à ce sujet à mes yeux fondamental, ou même une session complète : il n’est pas interdit de rêver. Je vais illustrer ce propos avec un exemple où sévit le sexisme, une des principales idéologies sacrificielles. Je ne me livrerai pas, faute de temps, à une analyse du sexisme dans les lois, comme l’a fait Voltaire [7] bien avant Marie-Victoire Louis [8], directrice de recherche honoraire au CNRS. Voltaire défendait la comtesse d’Arcira cruellement punie pour adultère, alors que le comte, son mari, était le plus galant homme de la cour du Portugal : “Je me demande si la chose est juste, et s’il n’est pas évident que ce sont les cocus qui ont fait les lois” constatait-il. Je parlerai d’un problème bien plus préoccupant à mes yeux sur le plan éthique. Il est une matière où la justice est inflexible, contrairement au constat de Rouland et Ivainer : il s’agit du délit de non présentation d’enfant dans les querelles de droit de garde et les divorces conflictuels lorsque existent des allégations de violences, notamment sexuelles. On voit trop fréquemment des peines sévères à l’encontre de mères à tort ou à raison protectrices, et même des inversions de droit de résidence au profit d’un père qui accuse la mère de manipulations, généralement soutenu par un avocat indigné et une association de pères en colère… qui n’hésitent pas à monter sur une grue pour clamer leur douleur ! Ne faut-il pas un père et une mère, même si ce dernier est violent, même s’il a été condamné pour violence conjugale… pour se développer harmonieusement ? Rien n’est plus faux quand un parent ne dispose pas des capacités parentales nécessaires pour élever un enfant. Il s’agit là de l’idéologie familialiste, séquelle du patriarcat et des stéréotypes qu’il véhicule : le père règne, il fait la loi et apporte le pain quotidien ; la mère qui ne vaut que par le fruit de ses entrailles, est vierge avant le mariage et consolatrice ; elle doit se soumettre et ne pas entamer un combat pour disqualifier le père, comme l’explique notamment Patric Jean [9]. Personne ne conteste qu’un enfant puisse être manipulé par un parent, son père plus souvent mais parfois sa mère, ou qu’il puisse mentir. Les experts savent qu’il est parfois très difficile de démêler le vrai du faux. Rappelons toutefois que les fausses allégations de maltraitance physique ou sexuelle ne représentent que 0,8 à 5 % des cas selon la recherche [10] et non 80% des cas comme l’affirment les “adeptes” du SAP [11] qui ignorent probablement qu’il s’agit du seul et unique cas où le chiffre noir est infiniment supérieur aux chiffres de victimation recensés par les autorités répressives. Au civil, le juge aux affaires familiales adhère uploads/Philosophie/ conference-gerard-lopez-psychiatre.pdf

  • 35
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager