Revue germanique internationale 18 (2002) Trieb : tendance, instinct, pulsion .

Revue germanique internationale 18 (2002) Trieb : tendance, instinct, pulsion ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Monique David-Ménard Les pulsions caractérisées par leurs destins : Freud s'éloigne-t-il du concept philosophique de Trieb ? ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Monique David-Ménard, « Les pulsions caractérisées par leurs destins : Freud s'éloigne-t-il du concept philosophique de Trieb ? », Revue germanique internationale [En ligne], 18 | 2002, mis en ligne le 29 juillet 2011, consulté le 10 octobre 2012. URL : http://rgi.revues.org/924 ; DOI : 10.4000/rgi.924 Éditeur : CNRS Éditions http://rgi.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://rgi.revues.org/924 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. T ous droits réservés Les pulsions caractérisées par leurs destins : Freud s'éloigne-t-il du concept philosophique de Trieb ? MONIQUE DAVID-MÉNARD Deux remarques préalables introduiront cet exposé avant que je ne retrace quelques moments dans la formation du concept de Trieb chez Freud. La première concerne le statut de la vie sensible, ou du pathologique au sens kantien du terme, chez Kant mais aussi chez ceux qui l'ont suivi tout en le critiquant, et par exemple Hegel. Il est un principe de la philo- sophie pratique qui figure deux fois dans la Critique de la raison pratique, et qui énonce que ce qui, en nous, est vie selon les sens n'est susceptible d'aucune détermination a priori. Rien n'est anticipable, au sens des antici- pations de la perception, c'est-à-dire des principes de l'entendement pur, dans les représentations qui concernent ce qui cause nos sentiments de plaisir et de peine. « Aucune représentation d'un objet quelconque, quelle qu'elle soit, ne permet de savoir a priori si elle sera liée au plaisir ou à la peine ou si elle sera indifférente. » 1 Ce principe étant posé au départ de l'ouvrage, il est ensuite rappelé comme une évidence lorsque Kant traite du concept d'un objet de la raison pure pratique : « Or, comme il est impossible d'apercevoir a priori quelle représentation sera accompagnée de plaisir et quelle de peine, c'est à l'expérience seule qu'il appartient de déci- der ce qui est immédiatement bon ou mauvais. » 2 Il m'a semblé entendre un écho de ce « principe » kantien dans l'exposé de Ludwig Siep concer- nant Hegel : lorsque, dans l' Encyclopédie de 1830, Hegel critique l'eudémonisme, il fait état de la « dispersion des inclinations », selon la tra- duction de Jean-François Goubet, en allemand de la Zerstreuung der Neigun- gen. Ludwig Siep a signalé l'ambiguïté de ce terme, que je caractériserai 1. I m m a n u e l K a n t , Kritik der praktischen Vernunft, Werkausgabe, t. VII, Frankfurt, S u h r k a m p , p . .128. T r a d . p a r L u c Ferry et Heinz W i s m a n n , in Œuvres philosophiques, t. II, Paris, Gallimard, 1985, p . 630. 2. Ibid., respectivement p . 175 et 6 7 8 . Revue germanique internationale, 18/2002, 201 à 219 comme ceci : cette « dispersion » implique-t-elle que la vie de nos inclina- tions, laissée à elle-même, se défait, que le pathologique est incapable par lui-même de se donner une cohérence, ou bien plutôt qu'il est impossible de déterminer dans un jugement la règle qui tient ensemble nos inclina- tions ? Lorsqu'il s'agit de Hegel, le concept étant défini comme le mouve- ment de la chose même, on pourra refuser cette dernière alternative, alors que lorsqu'il s'agit de Kant il importe de savoir de quelle manière le philo- sophe abandonne la vie sensible à sa relative irrationalité. Veut-il dire que l'existence pathologique, par elle-même mélancolique, se défait, lorsqu'elle n'est pas strictement amarrée à des principes qui ont une autre origine qu'elle-même, comme il le soutenait en 1764, dans ses Observations sur le sentiment du beau et du sublime ? Ou bien veut-il dire qu'un être humain ne peut prévoir selon des règles a priori quelle situation lui apportera du plaisir et laquelle de la peine ? L'ambiguïté de ces propositions concernant l'incapacité des inclina- tions à laisser prise à une détermination vraiment rationnelle peut être lue à partir de Freud, c'est-à-dire rétrospectivement, comme une confusion qui affecte l'anthropologie dont est solidaire, chez Kant et chez Hegel, l'opposition de la nature et de l'esprit. Hegel et Kant confondent le fait qu'un sujet humain ne maîtrise pas son rapport au plaisir, au déplaisir et à l'angoisse, avec l'idée, fort différente, qu'il n'y en aurait pas de détermina- tion rationnelle. La situation de Freud par rapport aux philosophies de langue allemande de Kant à Schopenhauer pourrait se résumer ainsi : la psychanalyse affirme que ce qui définit un être humain dans sa spécificité humaine - et non pas comme animal ou comme être naturel -, et ce qui le singularise dans son humanité, c'est la manière déterminée dont il affronte, dans sa vie et dans sa pensée, l'excès constitutif du plaisir et du déplaisir, et leur rapport paradoxal. La pensée de cet excès, immaîtrisable mais non irrationnel, est ce qui caractérise le mieux l'élaboration du concept de pulsion chez Freud, d'une part par rapport à l'appui que ce dernier prenait spontanément sur l'usage courant de ce terme en alle- mand, d'autre part dans la confrontation avec les sciences de la vie, et avec la philosophie de langue allemande de Kant à Nietzsche. La seconde remarque introductive porte sur le rapport de l'inventeur de la psychanalyse à la philosophie : il se distingue toujours, avec quelque insistance polémique, des propos éthiques qui évaluent le degré de spiri- tualité 1 dont sont capables les pulsions. Mais cette critique d'une éthique de l'esprit et de la sociabilité rationnelle des pulsions est une conséquence de l'abord théorique ou épistémologique de ces dernières. Il y a deux manières, au moins, de concevoir le sens du terme « pul- 1. S i g m u n d Freud, Correspondance avec le Pasteur Pfister, Paris, Gallimard, 1966, p . 103. C e texte a été évalué dans son importance p a r Patrick G u y o m a r d , dans Le Désir d'éthique, Paris, Aubier, 1998, p . 150-154. F r e u d est revenu sur ce point p a r ex. dans la Neue Folge der Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse, p . 113. sion » chez Freud par rapport à la philosophie. La première consiste à se reporter aux textes où Freud se situe explicitement par rapport aux philoso- phes sur ce point : en particulier, lorsqu'il traite du rapport entre les pul- sions sexuelles et les pulsions de mort, il cite tantôt le Platon du Banquet, tan- tôt Schopenhauer 1. La seconde consiste à suivre l'élaboration du concept de pulsion tout en précisant en quoi ce qu'avance Freud est nouveau. Nous commencerons par ce second point, celui qui caractérise les pulsions par les substitutions et variations de leurs éléments constitutifs, variations qui for- gent ce qu'il appelle leur destin. Les pulsions ont un destin, Schicksal. Un destin, ce n'est ni une évolution ni une histoire, bien qu'il arrive à Freud de prononcer les termes de Geschichte et d'Entwicklung à leur sujet. Une fois mise au point la méthodologie constituée pour concevoir les pulsions comme sexuelles, c'est-à-dire comme capables d'un destin défini par la variabilité de ses composantes, Freud s'est attaché à situer la spécifi- cité du sexuel par rapport à ce qui le déborde : pulsions sexuelles et pul- sions d'autoconservation dans un premier temps ; pulsions sexuelles et nar- cissisme dans un second, pulsions sexuelles et pulsions de destruction, de mort, d'agression dans le troisième temps. C'est dans l'élaboration des paradoxes de cette destructivité mêlée aux ressources de l'érotisme que Freud croise les théories biologiques de Haeckel et de Weismann en parti- culier, et confronte sa pensée, explicitement mais rapidement, à celle de quelques philosophes, et spécialement des philosophes de l'idéalisme alle- mand. C'est pourquoi nous y reviendrons in fine. Mais cette confrontation n'est jamais la visée principale de la pensée freudienne, qui se présente toujours comme liée d'abord à des questions rencontrées dans la clinique et que le concept de pulsion essaie de penser : formation des névroses confrontée à celle des perversions pour l'élaboration des pulsions comme sexuelles. Troubles narcissiques de la psychose pour la distinction entre pulsions sexuelles et amour uploads/Philosophie/ david-menard-les-pulsions-caracterisees-par-leurs-destins-freud-s-eloigne-t-il-du-concept-philosophie-de-trieb.pdf

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