1 Déconstructivisme en architecture, par Hugues HENRI Apparition du Déconstruct

1 Déconstructivisme en architecture, par Hugues HENRI Apparition du Déconstructivisme En 1988, Philip Johnson avait regroupé un certain nombre d’architectes dans une exposition au Museum of Modern Art de New York, sous la bannière d’un mouvement « déconstructiviste », terme emprunté au philosophe Jacques Derrida. Ces architectes étaient : Frank Owen Gerhy, Peter Eisenman, Zaha Hadid, Rem Koolhaas, Daniel Liebeskind, Coop Himmelblau, Bernard Tschumi. Ce mouvement naissant va très vite s’opposer à la Postmodernité mais aussi à la Modernité même s’il prendra comme référence l’architecture constructiviste soviétique de Vladimir Tatline, Constantin Melnikov et d’El Lissitzky. Des convergences demeurent avec la Postmodernité dans le refus de la rationalité du Modernisme, dans les ruptures avec l’histoire, la société, le site, les traditions techniques et figuratives. Le Déconstructivisme revendique aussi les idées de fragmentation, de polarité négative, de processus de design non linéaire, de géométrie non euclidienne. Les oppositions entre structure et enveloppe, entre sol et mur, caractérisent cette architecture qui repose les problèmes de l’urbanisme contemporain : imprédictibilité stimulée et chaos contrôlé. Philosophie déconstructiviste de Jacques DERRIDA Déconstruction du langage L’œuvre de Jacques Derrida, qui est souvent considérée à l’étranger comme le fleuron de la philosophie française et dont l’influence a donné naissance, en France, à une 2 mouvance d’écrits marqués, jusqu’au mimétisme, par un style baroque largement germanisé (Philippe Lacoué-Labarthe, Jean-Luc Nancy, George S. Kaufman...), se présente comme une démarche de déconstruction du langage. Jacques Derrida reprend ainsi le procès de la métaphysique occidentale en le déplaçant vers la critique du logocentrisme, qui a asservi l’écriture à une parole vouée à la révélation d’une présence de l’Être. Archéologie du langage En remontant, à partir d’une interprétation de l’écriture philosophique et littéraire, à une « archi-écriture », il s’agit de dépasser les oppositions conceptuelles classiques (parole-écriture, nature-culture, masculin-féminin, etc.) pour en faire jaillir une « différance » originaire, un travail de retardement et de variation indéfinie du sens. La « grammatologie » veut dès lors privilégier les traces, les « suppléments » aux textes où se donnent à lire la dispersion du sens, les jeux et effets de sens. Plutôt que de mettre la pensée au service d’une vérité substantielle, sur le modèle d’une onto-théologie, il convient donc de restituer le pouvoir des métaphores et de faire place à l’indétermination du sens, qui culmine dans la neutralité du discours, signe d’une pensée négative et non plus affirmative. Apports théoriques extérieurs : post structuralisme et déconstructivisme. Aussi, face à cette absence de débats postmodernes qu’ils dénoncent, certains théoriciens des années 1980 cherchèrent à établir un cadre théorique au sein duquel situer leurs conceptions architecturales. En l’absence d’idées et de concepts provenant du terrain, c’est-à-dire de l’architecture même, ils se tournèrent vers d’autres domaines et disciplines. Après la 2ème guerre mondiale, la recherche dans les disciplines humanistes de l’anthropologie, de l’ethnographie et de la philosophie, des arts plastiques (art conceptuel) et de la critique littéraire aborda la question du langage. Les problématiques considérées incluaient l’analyse des structures historiques, scientifiques et philosophiques de ce à quoi l’on se référait approximativement comme constituant l’Occident : Entité cohérente discernable géographiquement et philosophiquement. 3 Puisant dans les écrits de l’anthropologue structuraliste Claude Levy Strauss1, puis dans ceux de Michel Foucault2 et enfin de Jacques Derrida3, deux mouvements émergèrent puis influencèrent l’architecture postmoderne : le post structuralisme et le déconstructivisme. Ces 2 mouvements d’idées en vinrent progressivement à influencer le discours et la pratique de l’architecture postmoderne, principalement en Europe, mais aussi aux USA et ailleurs. Il faut cependant rester conscient du très fort eurocentrisme postmoderne. Post structuralisme: L’un des domaines fondamentaux où le néo-structuralisme et le déconstruvisme eurent quelque chose à offrir à l’architecture concerne les questions relatives à la signification et à la façon dont les individus ordonnent le monde. En l’absence de vision sociale d’ensemble chez les postmodernes, sous l’impulsion parmi eux, des postmoderne historicisants voulant apporter sens et communication à l’architecture, trouvèrent comme solution viable, d’adopter les aperçus théoriques du structuralisme de Claude Lévy Strauss et du déconstructivisme de Jacques Derrida. Il eut un impact décisif en ce qui concerne la compréhension des processus de création du sens : Claude Lévy Strauss a caractérisé le sens et les mécanismes à l’origine de sa production comme indépendants de toute idée préexistante, situés hors du contrôle de l’individu. Ceci nécessitait des études cherchant à aller au-delà du sujet, vers ce qui apparaissaient comme des ensembles de mécanismes psychiques aux signifiants universels, mythes, fantasmes, archétypes, donc des processus invariables quels que soient les particularismes des individus. Ainsi en architecture, cette influence se traduisit par une insistance convergente sur le sens et ses manifestations visuelles : fait révélateur, il s’agissait moins de questionner les processus architecturaux de formation du sens que d’investir l’architecte postmoderne de la responsabilité de dessiner des bâtiments qui irradient du sens. Aux USA, dans les années 1970/ 1980, des immeubles aux motifs historicisants surdimensionnés comme le Portland City Hall de Mikael Graves, étaient considérés comme porteurs de sens par la simple vertu d’être la représentation de symboles historicisés et 1 Claude Levy Strauss : Tristes tropiques, Anthropologie structurale, La pensée sauvage. Approche du mythe, du rite comme « pensée sauvage » universels. 2 Michel Foucault : Archéologie du savoir, L’ordre du discours Les mots et les choses : formation du sens et archéologie des idées. 3 Jacques Derrida : L’écriture de la différence, La voix et le phénomène, La dissémination, Mimésis des articulations, +Travail commun avec architectes Peter Eisenman et Tchumi, au Parc de la Villette à Paris 4 identifiables. Dans ce cas, l’idée de sens se réduit au domaine symbolique de l’architecte, sans portée sociale ni universelle. Le Déconstructivisme : Aux USA : Les théoriciens US tentent par la suite de faire face à ces manques par la réflexion théorique : les revues d’architecture Perspecta, Oppositions, Harvard Architectural Review diffusèrent l’analyse post structurale de Jacques Derrida, dans leurs pages mais aussi par des séries de conférences et d’expositions. Derrida était d’accord avec les structuralistes quant aux sources de la signification. Sa réflexion poursuit le questionnement critique de la tradition occidentale, coupable selon lui, de présupposés permanents, comme si les fondements structuraux du sens pouvaient être élucidés, ce dont il doute. Pour lui, il n’y a pas de base pour Dieu, la nature, l’Histoire, la Science et maintes spéculations philosophiques. Son analyse critique déconstructiviste propose une relecture incessante portant sur les grandes œuvres de la tradition occidentale et ce faisant, en démontre l’eurocentrisme. Il insiste plus sur l’incohérence du sens que sur la structure sous jacente. Pour lui, le sens n’est pas engendré par l’intention humaine mais par l’instabilité du langage même. Il y a donc remise en cause des notions élémentaires de représentation, en ce qui concerne la langue, mais aussi, l’architecture, selon ces théoriciens. La dimension critique du déconstructivisme de Derrida contribua à structurer aussi les mouvements féministes, antiracistes. Récupération : Il permit aussi à peu de frais, pour certains architectes postmodernes qui s’en réclament, d’être perçus comme se situant dans le champ de l’engagement politique. Se qualifiant eux-mêmes avec coquetterie de « Nouvelle avant-garde » ainsi affiliés au modernisme militant et engagé des XIXe et XXe siècles, Les pseudo-déconstructivistes identifient diversement leurs sources formelles : Constructivistes russes et soviétiques, peinture et sculpture contemporaines. Le composite postmoderne assimile facilement certains éléments spectaculaires et superficiels du déconstructivisme pour leurs architectures simulacres. Cependant, il n’en demeure pas moins que le déconstructivisme en architecture et en urbanisme reste un dépassement des impasses du Modernisme et du Postmodernisme, car si l’architecture a souvent été une métaphore de la philosophie, le déconstructivisme n’est en rien une métaphore architecturale. Il ne se présente plus comme un système clos, tel le modernisme, mais comme un questionnement perpétuel. Il ne conclut pas l’histoire comme la Postmodernité mais généralise les portes de réflexion sur le présent et l’avenir. Il ne parachève pas de notions ni ne les illustre. Il s’attaque aux causes menant soi disant de 5 l’origine à la fin de manière linéaire, leur préférant une lecture en suspens de la fin vers l’origine et réciproquement. Le déconstructivisme en architecture se veut relecture critique non pas négative mais inventive. Il cherche un espace ouvert aux réflexions, aux transformations. Par l’intermédiaire de procédés exprimant la décomposition, les contradictions, les dilemmes, les conflits elle reflète les facettes complexes de la société actuelle, sans les dissimuler mais en les révélant de manière expressive. Architecture néo-moderniste évoluant vers le déconstructivisme : Peter Eisenman. Peter Eisenman fit partie dans les années 1960/70 du groupe néo moderne US des Five. Sa démarche était alors influencée par l’art conceptuel et minimaliste, dans ses maisons « en carton » numérotées. Il continue dans les années 1980/90, son questionnement de l’architecture à travers un très net infléchissement théorique déconstructiviste, en révélant les conflits et les confusions dans les représentations d’échelles et les ordres de grandeur. -Peter Eisenman: Wexner Center, Colombus, Ohio, 1990. Grille minimaliste arbitraire qui décompose les masses et recompose les circulations. -Peter Eisenman: Block n°5, Friedrichstrasse, Berlin, 1981/86. Excavation conceptuelle dans la masse de l’immeuble, correspondant à la uploads/Philosophie/ de-constructivisme-en-architecture-par-h.pdf

  • 28
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager