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Tous droits réservés © Laval théologique et philosophique, Université Laval, 1995 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 7 fév. 2022 18:08 Laval théologique et philosophique HEIDEGGER, Martin, Gesamtausgabe, Bd. 68: Hegel François Gauvin Hegel aujourd’hui Volume 51, numéro 2, juin 1995 URI : https://id.erudit.org/iderudit/400925ar DOI : https://doi.org/10.7202/400925ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Faculté de philosophie, Université Laval ISSN 0023-9054 (imprimé) 1703-8804 (numérique) Découvrir la revue Citer ce compte rendu Gauvin, F. (1995). Compte rendu de [HEIDEGGER, Martin, Gesamtausgabe, Bd. 68: Hegel]. Laval théologique et philosophique, 51(2), 463–465. https://doi.org/10.7202/400925ar □ comptes rendus Martin HEIDEGGER, Gesamtausgabe, Bd. 68 : Hegel. Frankfurt am Main, Vittorio Kloster- mann, 1993, 153 pages. Depuis la parution d'Être et temps en 1927, les efforts pour concilier le projet de Heidegger et la philosophie hégélienne ne manquent guère et certains d'entre eux — ceux de Kojève, Sartre ou Gadamer par exemple — ont profondément marqué la philosophie du siècle. Bien que Hei- degger ait toujours catégoriquement refusé qu'on assimile sa philosophie à une forme d'hégélia- nisme — fût-il « inversé » —, il n'en rejoint pas moins Hegel quand il met en évidence l'appar- tenance de la philosophie à l'histoire. Mais l'impact réel de Hegel sur l'élaboration de la philosophie de Heidegger demeure encore pas- sablement obscur, particulièrement lors des années trente, une décennie mouvementée pour Heidegger, au seuil de laquelle il abandonne le projet d'une ontologie fondamentale (que pré- sente Être et temps, sans la parachever) et s'emploie à déterminer, progressivement, les principaux axes de l'« histoire de l'être ». De 1929 à 1939, Heidegger « s'explique » de façon intensive avec Hegel : pas moins d'une dizaine de ses cours, séminaires, essais ou conférences portent sur la philosophie hégélienne. De tout cela, l'éditeur officiel de l'œuvre complète pense pouvoir produire cinq textes : un essai, une con- férence et trois leçons. Une première leçon, le cours sur la Phénoménologie de l'esprit de 1930- 1931 publié en 1980, présente Hegel comme le philosophe qui achève l'histoire de la métaphy- sique et accomplit le stade final de la fondation possible d'une ontologie. Mais si Hegel occupe une position charnière dans l'histoire de l'être, c'est d'abord Nietzsche, puis Hôlderlin, qui four- nissent à Heidegger les moyens de donner forme à cette histoire. La publication récente d'un ouvrage de 1938/39 de Heidegger sur Hegel pour- rait cependant permettre de mieux comprendre le rôle de ce dernier dans la pensée heideggé- rienne. On peut donc se réjouir que Klostermann, avec la parution du volume 68 de l'édition com- plète, vienne ajouter une deuxième pièce au puzzle. À une première lecture, l'ouvrage, sobrement intitulé Hegel, risque fort de décevoir. Les deux séries de fragments qu'il présente (les uns rédi- gés pour l'essentiel en 1938-1939 et rassemblés sous le titre Die Negativitàt, les autres, composés en 1942, et s'intéressant à la Phénoménologie de l'esprit) sont présentées, conformément aux directives de l'auteur, à l'état brut d'un premier jet qui devait vraisemblablement servir de sup- port écrit à des présentations orales pour les ren- contres d'un petit cercle de collègues à l'université de Fribourg. Les phrases sont sou- vent incomplètes, les idées se répètent, les for- mulations restent énigmatiques. Dans le recueil Chemins qui ne mènent nulle part, Heidegger se référait aux fragments de 1942 comme à l'ébau- che « plus didactique » de l'article « Le concept hégélien de l'expérience » publié dans ce même recueil. Il s'agit en fait d'une analyse de l'« Introduction » à la Phénoménologie de l'esprit qui poursuit la réflexion déjà amorcée dans le cours de 1930. Le texte sur la négativité, en revanche, ne peut être relié à aucun texte déjà publié, bien qu'il reprenne un thème privilégié de Heidegger pour marquer sa distance de Hegel (dès le début des années vingt, Heidegger oppo- sait déjà la négativité de l'herméneutique à la négativité dialectique). « Die Negativitàt » s'ouvre sur une remarque en apparence anodine mais qui résume la démar- che de Heidegger : la philosophie hégélienne ne se laisse pas saisir par une approche extérieure typique, selon le mot de Hegel, de « l'impatience de la réflexion improvisée ». Il faut donc aborder la systématique hégélienne par une lecture immanente. Mais cette exigence ne se limite pas à imposer une règle d'interprétation. Elle cir- conscrit, selon Heidegger, la position même de la philosophie hégélienne dans l'histoire de l'être 463 COMPTES RENDUS — position que ne peut comprendre ni l'hégé- lianisme, ni l'historicisme (p. 7 et suiv.). La sys- tématique de Hegel se tient dans l'histoire de l'être précisément comme l'exigence « unique et non encore comprise » (p. 3) de s'expliquer avec elle pour toute pensée qui vient après elle. L'exi- gence est ici à comprendre au sens fort : ce n'est pas seulement dire qu'une discussion avec Hegel est nécessaire, comme c'est aussi le cas avec Platon, Kant ou Nietzsche par exemple, pour comprendre les moments forts de l'histoire de l'être ; c'est dire aussi et surtout que la philoso- phie hégélienne se tient (s te ht) elle-même en tant g//exigence. Pourquoi ? Parce que, selon Hei- degger, la philosophie hégélienne contient déjà tous les points de vue de ses prédécesseurs et qu'une surenchère dans l'ordre des points de vue est devenue impossible (p. 4) : ni la dernière philosophie de Schelling, ni le positivisme, ni l'historicisme, ni le néokantisme, ni Nietzsche ne peuvent surpasser le point de vue de Hegel. Heidegger n'est pas en train de faire l'apologie de la philosophie hégélienne, mais il veut rendre compte de l'exigence que « l'idéalisme absolu » s'impose : récupérer et renfermer les présuppo- sés qui sous-tendent la philosophie dans une auto-conscience absolue de l'esprit. En d'autres termes, Hegel exige de la philosophie un point de vue qui puisse désamorcer la puissance des présupposés qui la travaillent et cette exigence n'est pas un slogan, mais elle guide effective- ment le développement de sa systématique dans chacun des domaines qu'elle couvre (art, droit, religion, etc.). Aborder Hegel de l'extérieur, c'est donc manquer ce qu'il y a de fondamental dans sa philosophie, son exigence. Selon Heidegger, c'est le concept de négati- vité, dont Hegel disait qu'elle constitue « l'énergie de la pensée », qui permettra à l'approche interne de « prendre pied » (p. 13) et de rencontrer non pas ce qu'aurait dû penser Hegel, mais ce qu'il ne pouvait ou ne devait pas penser pour élaborer ce qu'il a pensé (p. 34). Heidegger précise la fonction de la « négativité » dans la relation substance-sujet et dans la rela- tion que Hegel inscrit dans sa Logique entre l'être et le néant. Il insiste sur le fait que la négativité elle-même reste chez Hegel sans ori- gine (p. 23, 29, 54), qu'elle se pose sans fonde- ment (p. 14) : la négativité n'est jamais l'objet d'une interrogation expresse (p. 14, 37 et suiv.). Ce n'est pas un oubli propre à Hegel, mais à l'histoire de la métaphysique dans son ensemble (p. 39). C'est ce qui permet à Heidegger de réaf- firmer la nécessité de poser la question du néant, à la puissance de laquelle échappe nécessaire- ment la métaphysique et dont Être et temps avait déjà mis en valeur la portée ontologique. Mais la discussion avec Hegel est aussi l'occasion d'une remise en question de trois thèmes cardi- naux de la Seinsfrage avant et après la parution d'Être et temps. Le thème de l'« Ab-bau », de la dé-construction qui, dans les cours des années 1920, était le synonyme de la « Destruktion » phénoménologique, définit ici la façon hégé- lienne de comprendre l'être comme négation de toute détermination (p. 24). Le thème de la « finitude » qui mit Heidegger sur la voie d'une conception historiale de l'être et devait lui per- mettre, en 1930, de croiser le fer avec Hegel, n'échappe plus à la critique : le terme porte nécessairement à confusion (p. 47) et ne dit pas ce qu'il veut dire quand il est compris à partir d'une opposition dialectique entre le fini et l'infini. Enfin, la « différence ontologique » entre l'être et Tétant, qui après Être et temps, devait déterminer l'enjeu de la question de l'être, devient douteuse (p. 42) : « cette caractérisation est-elle encore tenable et possible en guise de directive pour le questionner » (p. 48) ? Dans la proximité de Hegel et de la question de la néga- tivité, la parole de l'être semble trouver matière à se défaire de ses vocables fondamentaux. Doit-on conclure à un nouveau tournant ? Non. L'Ab-bau, la finitude et la différence onto- logique continueront, bien après les années de rédaction du volume Hegel, uploads/Philosophie/ heidegger-martin-gesamtausgabe-bd-68-hegel-francois-gauvin.pdf
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- Publié le Dec 11, 2021
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