Ricœur vs. Freud Ouverture philosophique Collection dirigée par Aline Caillet,

Ricœur vs. Freud Ouverture philosophique Collection dirigée par Aline Caillet, Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot Une collection d’ouvrages qui se propose d’accueillir des travaux originaux sans exclusive d’écoles ou de thématiques. Il s’agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu’elles soient le fait de philosophes "professionnels" ou non. On n’y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu’habite la passion de penser, qu’ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques. Dernières parutions Jan-Ivar LINDEN, L’animalité. Six interprétations, 2011. Christophe Rouard, La vérité chez Alasdair MacIntyre, 2011. Salvatore Grandone, Lectures phénoménologiques de Mallarmé, 2011. Franck ROBERT, Merleau-Ponty, Whitehead. Le procès sensible, 2011. Nicolas ROBERTI, Raymond Abellio (1944-1986). La structure et le miroir, 2011. Nicolas ROBERTI, Raymond Abellio (1907-0944). Un gauchiste mystique, 2011. Dominique CHATEAU et Pere SALABERT, Figures de la passion et de l’amour, 2011. François HEIDSIECK, Henri Bergson et la notion d’espace, 2011. Rudd WELTEN, Phénoménologie du Dieu invisible (traduction de l’anglais de Sylvain Camilleri), 2011. Marc DURAND, Ajax, fils de Telamon. Le roc et la fêlure, 2011. Claire LAHUERTA, Humeurs, 2011. Jean-Paul CHARRIER, Le temps des incertitudes. La Philosophie Captive 3, 2011. Jean-Paul CHARRIER, Du salut au savoir. La Philosophie Captive 2, 2011. Vinicio Busacchi Ricœur vs. Freud Métamorphose d’une nouvelle compréhension de l’homme L’Harmattan Ed. originale : Ricœur versus Freud. Due concezioni dell’uomo a confronto © 2008 Rubbettino Editore Traduction française de l’auteur. Révision du texte : Dominique Garnier © L’HARMATTAN, 2011 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-55355-2 EAN : 9782296553552 Fabrication numérique : Actissia Services, 2012 à Domenico Jervolino « Si vis vitam, para mortem. Wenn du das Leben aushalten willst, richte dich auf den Tod ein ». Sigmund Freud « […] Du fond de la vie, une puissance surgit, qui dit que l’être est être contre la mort ». Paul Ricœur Introduction La philosophie de Paul Ricœur (1913-2005) se définit déjà dans les années 1950 comme une construction a-systématique, développée sur plusieurs niveaux de discours, thématiques et disciplinaires. Il s’agit d’une philosophie dialoguant avant tout avec la tradition philosophique – en confrontation avec les thématiques soulevées par l’existentialisme et la phénoménologie –, mais aussi avec les disciplines scientifico-humanistiques ; attentive en outre aux grands thèmes de l’histoire, de la politique, de l’actualité. Une philosophie portée “aux frontières de la philosophie” – comme en témoigne un cycle d’articles ricœuriens de l’époque – proche du non-philosophique, de ce qui attend d’être porté au discours, de ce qui doit être porté au discours. Ici, la tâche de la philosophie et ici, les raisons qui rendent cette tâche un véritable engagement. On y retrouve une double circularité allant d’abord du transcendant au philosophique et vice-versa, et ensuite du pratique au théorique. Le philosophe y est à la recherche du sens de l’être et de l’existence et puise à ce fond préphilosophique de l’inexprimable de l’être et de l’existence, fond qui ressemble en profondeur et intensité au mystère de Gabriel Marcel, et qui déjà requiert l’intervention d’instruments herméneutiques. Il s’agit également, sur un plan horizontal, d’une tâche qui part du caractère concret du monde vécu – de la matière pré-philosophique offerte par le vécu et par l’histoire in fieri, l’histoire que l’on vit et que l’on fait – pour réfléchir à son propos en orientant critiquement et éthiquement l’agir humain. Nous sommes ainsi face à une philosophie ouverte : constamment en quête d’accomplissement et constamment inachevée mais bâtie sur de solides fondements, tout autre que rhapsodique et éclectique, comment l’a longtemps soutenu une certaine critique, qui a cru retrouver dans l’idée ricœurienne de “philosopher en commun” (idée inspirée de son maître Karl Jaspers) la raison d’une insurmontable faiblesse de discours. Cette faiblesse émerge au contraire, selon Ricœur, de la philosophie elle-même si/quand elle se retrouve seule face au mystère de l’existence humaine – ou même seulement à sa dimension cachée – ou bien face au non-philosophique d’un événement historique ou culturel… particulièrement à notre époque où « l’unité du parler humain fait […] problème ».{1} « Nous sommes […] ces hommes – écrit-il dans De l’interprétation – qui disposent d’une logique symbolique, d’une science exégétique, d’une anthropologie et d’une psychanalyse et qui, pour la première fois, peut-être, sont capables d’embrasser comme une unique question celle du remembrement du discours humain ».{2} Néanmoins, nous sommes encore à la recherche de cette grande philosophie du langage unificatrice et du « Leibniz moderne […] : mathématicien accompli, exégète universel, critique versé dans plusieurs arts, bon psychanalyste ».{3} Dans l’attente, la seule voie est celle du co-philosopher, conduire la philosophie à ses propres frontières et à la confrontation interdisciplinaire ; un chemin d’accès sans doute fragile, courant le risque de perdre l’autonomie et la spécificité du discours philosophique. Ricœur en est pleinement conscient, toujours attentif à distinguer les plans et les niveaux de discours, préoccupé de la consistance de son propre tissage et ré-tissage philosophique. En témoigne le passage du livre-interview La critique et la conviction du 1995 que nous citons ici : « […] au fond, une chose me préoccupait vraiment : la consistance de mon discours ; pour moi, il s’agissait avant tout de résoudre mes propres contradictions, les tensions entre les influences diverses : mon problème était toujours de savoir si je construisais de fausses fenêtres, si ce que je faisais n’était pas qu’un compromis, ou si c’était réellement la promotion d’une position tierce, capable de tenir la route. Mes inquiétudes étaient là ».{4} Une inquiétude autour de son œuvre qui ne concerne pas seulement le niveau de la méthode – bien évidemment – mais aussi le discours dans sa substance, ou mieux, in primis, précisément cet aspect de la substantialité du discours. C’est ici qu’entre en scène la question du degré de systématisation et d’unité de la construction ricœurienne, qui renvoie au problème de sa consistance et qui, dans une certaine mesure, a vu notre penseur s’opposer à ses propres interprètes et lecteurs. En effet, en plusieurs occasions, Ricœur s’est dit « frappé, beaucoup plus peut-être que […] [ses] lecteurs, par la diversité des thèmes abordés. Chaque livre, en effet, était né d’une question déterminée : la volonté, l’inconscient, la métaphore, le récit ».{5} À ce propos, Domenico Jervolino, l’un de ses plus importants interprètes, observe : « Ricœur a été généralement assez réservé sur ce point, reconnaissant les droits des lecteurs, mais en se disant plus sensible aux ruptures qu’à la continuité de son œuvre, même s’il affirme que chacun de ses livres naît d’une sorte de résidu irrésolu laissé par celui précédent ».{6} Pourtant, à partir de la seconde moitié des années 1980, l’attitude de notre philosophe commence à changer, d’une part peut-être sous l’influence des reconstructions suggestives de quelques-uns de ses interprètes, mais surtout grâce à l’invitation de l’Université d’Edimbourg en 1986 de donner les Gifford Lectures présentant une synthèse de ses travaux. « La question – raconte-il – s’est alors posée à moi d’une certaine unité – sinon systématique du moins thématique – de mon œuvre, quarante ans après mes premières publications ».{7} Et il explique : « D’une certaine façon je crois à un certain éparpillement du champ de la réflexion philosophique en fonction d’une pluralité de questions déterminées, appelant chaque fois un traitement distinct en vue de conclusions limitées mais précises. En ce sens, je ne regrette pas d’avoir consacré la plus grande partie de mon œuvre à cerner la question ou les questions qui délimitent un espace fini d’interrogation […]. C’était donc à contre-courant de mes préférences avérées que je devais proposer une clef de lecture à mon auditoire. C’est de cette mise à l’épreuve qu’est né Soi-même comme un autre (1990). Il m’a paru que les questions multiples qui m’avaient occupé dans le passé pouvaient être regroupées autour d’une question centrale qui affleure dans notre discours dans les usages que nous faisons du verbe modal “je peux” ».{8} Le fil subtil qui traverse et maintient toute la recherche du philosophe est fait de la thématique de l’homme capable, de l’homme capable de… Nous pouvons dire que la philosophie de Paul Ricœur est dans sa substance une philosophie de l’homme, une recherche perpétuelle sur l’homme qui avance au double rythme de la progression exploratoire, innovatrice, et du retour incessant sur des thématiques précédentes, selon un mouvement non circulaire mais « en spirale » – comme l’explique encore Jervolino – « parce qu’entre le début et la fin il n’y a pas coïncidence mais enrichissement, après un long voyage à travers l’univers du langage et de la textualité ».{9} Un voyage qui est inachèvement (dernier mot de La mémoire, l’histoire, l’oubli). Alors, dans la mesure où l’on accepte cette clef de lecture, on adopte, en quelque sorte, l’idée que l’anthropologie philosophique représente le champs privilégié pour évaluer la consistance de cette philosophie. Et c’est exactement cela que nous essaierons de faire dans ce bref essai, à travers une confrontation avec uploads/Philosophie/ ouverture-philosophique-ricoeur-paul-freud-sigmund-busacchi-vinicio-ricoeur-vs-freud-metamorphose-d-x27-une-nouvelle-comprehension-de-l-x27-homme-2011-2012-editions-harmattan-l-x27-harmattan-li.pdf

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