ANDRE LEBEL UNE INTRODUCTION A LA PENSEE d'ALBERT LAUTMAN Mémoire présenté à la

ANDRE LEBEL UNE INTRODUCTION A LA PENSEE d'ALBERT LAUTMAN Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en philosophie pour l'obtention du grade de Maître es arts (M.A.) FACULTE DE PHILOSOPHIE UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2009 André Lebel, 2009 RESUME Comme son titre l'indique, ce mémoire a pour ambition de présenter la philosophie mathématique d'Albert Lautman (1908-1944). L'approche adoptée se distingue en ce qu'elle donne une place centrale aux exemples mathématiques. Cette manière de procéder s'impose, car elle permet de pallier le caractère parfois assez vague des références purement philosophiques de cet auteur. J'accorde ainsi une importance particulière à la méthode de division en mathématiques, que Lautman rattache explicitement au platonisme, et propose de plus une lecture néoplatonicienne de la dualité essence-existence, centrale dans la pensée du philosophe. Cette dernière interprétation me semble fidèle à l'inspiration constante de Lautman. Je décris brièvement en conclusion les quelques pistes de recherche que j'entends suivre au cours des prochaines années. L'œuvre fascinante d'Albert Lautman se trouve ainsi exposée à partir de ses dimensions mathématiques et « platoniciennes ». REMERCIEMENTS Je désire remercier Renée Bilodeau et Jean-Pierre Marquis pour la qualité de leur direction, leur patience, leurs conseils, et par-dessus tout, pour l'atmosphère agréable et stimulante qu'ils surent établir lors de nos rencontres et entretiens. Merci à Caroline, qui sait bien tout ce que je lui dois. Merci à ma famille et en particulier à ma mère, pour son soutien constant et sa compréhension, malgré quelques mois très difficiles. Ce travail est dédié à la mémoire de mon père Alain (1930-2006). TABLE DES MATIERES / K I _ _ O U I V 1 E _ >MMMMM»»»H«WM_MI_MWM»«»»«MMWNM«W M l>M«IMI»IIHIMIM««l»«l»l»MMMM«HlimHHI«Mi>W_MM«mMIWt. •» ■ ■ ■ »____»■■—»*—••———— I REMERCIEMENTS ii TABLE DES MATIÈRES iii INTRODUCTION _ 1 CHAPITRE 1 : UNE PHILOSOPHIE « POSTFONDATIONNELLE » 7 CHAPITRE 2 : DIVISION ET AXIOMATISATION 28 CHAPITRE 3 : L'UNITÉ DES MATHÉMATIQUES 62 CHAPITRE 4 : SCHÉMAS DE STRUCTURE. LA PARTIE ET LE TOUT 79 CHAPITRE 5 : SCHÉMAS DE GENÈSE. L'ESSENCE ET L'EXISTENCE 103 CONCLUSION : ESQUISSE D'UN PROGRAMME 132 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 144 m INTRODUCTION // est très surprenant, par exemple, de constater qu'avant la Seconde Guerre mondiale un remarquable mathématicien, qui s'appelait Albert Ixaitman, a pu se réclamer du platonisme et affirmer que le triangle, le nombre 2 [...] existaient. François Châtelet, Une histoire de la raison, p. 64. L'extrait cité n'est guère plus que la somme de ses inexactitudes. Car on y en trouvera au moins deux ou trois, ce qui semble beaucoup pour si peu de mots. Primo, qu'y a-t-il de surprenant dans le fait qu'un mathématicien1, et un mathématicien «remarquable» par dessus le marché, adopte ainsi une position « platonicienne », puisque pour celui qui s'engage véritablement dans les mathématiques, le soutien que procure une telle attitude ■y ■ semble absolument indispensable ? Et ensuite, le platonisme se résume-t-il, ou même consiste-t-il, en l'affirmation que le triangle en soi, le nombre en soi, existent ? Et enfin un philosophe qui, au dire d'un mathématicien de renom, possédait sur les mathématiques supérieures de son temps « des vues bien plus étendues et précises que n'en avaient la plupart des mathématiciens de sa génération3 », peut-il vraiment prétendre au beau titre de « mathématicien » ? Cette dernière question, sociologique, m'intéresse assez peu ; je tenterai cependant dans ce mémoire de « répondre » aux deux premières, et à quelques autres aussi. Dans l'introduction de sa thèse principale de 1937, Lautman nous rappelle que «dans le développement des mathématiques, s'affirme une réalité que la philosophie mathématique a pour fonction de reconnaître et de décrire5 ». Quelques pages plus loin, il conclut cette même introduction en déclarant que « les théories mathématiques constituent pour nous un 1 Le masculin n'est privilégié dans le présent mémoire que dans le but d'alléger le texte. 2 Sous peine de schizophrénie intellectuelle. Bien sûr, le dimanche, on est parfois formaliste, plus rarement constructiviste, dans une « [...] oscillation pénible évoquée parCarnap [...] entre un réalisme naïf, horizon du travail quotidien, et un formalisme simpliste, mis en avant dès que sont posées des questions philosophiques sur les mathématiques : « la conscience malheureuse [...d'] un homme qui, dans la vie de tous les jours, accomplit avec remords des actes que réprouvent les principes élevés qu'il professe le dimanche » » (Mosconi 2002, p. 344). 3 Dixit Jean Dieudonné, dans Lautman 2006, p. 35. Maurice Fréchet pensait essentiellement la même chose. 4 Cette fois, Châtelet est dans le vrai. J'accorde, sans hésitation aucune, le titre de mathématicien à Albert Lautman, et ce même s'il ne satisfait pas au « critère de Dieudonné », censé caractériser les mathématiciens : « Certains lui contesteront peut-être le titre de mathématicien puisqu'il n'a pas démontré un grand théorème, ni élaboré une théorie utile » (Maurice Loi, dans Lautman 1977, p. 7). 5 Lautman 2006, p. 127 (je souligne). 1 donné au sein duquel nous nous efforcerons de dégager la réalité idéale à laquelle cette matière participe6 ». Double mouvement donc, tantôt descriptif, tantôt spéculatif, caractéristique de la méthode philosophique de Lautman, méthode parfois déroutante pour les familiers de la philosophie analytique des mathématiques. Non deductive, l'approche lautmanienne ne saurait guère être qualifiée d'« historique », au sens où celle d'un Brunschvicg, ou même d'un Cavaillès dans ses thèses, pouvaient l'être. Lautman procède plutôt selon une savante alternance de moments descriptifs et de moments spéculatifs, ponctuée de raccordements à des thèmes philosophiques classiques qu'il trouve dans Platon, mais aussi chez Descartes, Leibniz, Kant et Heidegger. On pourrait résumer assez grossièrement sa manière en disant que Lautman est « phénoménologue » quant à la teneur descriptive de sa méthode, et « métaphysicien platonicien » dans son telos, car il est vrai que « décrire serait presque futile s'il ne permettait d'expliquer7 ». Chez Lautman, le moment spéculatif de la pensée se prépare et se fonde à partir d'une enquête descriptive toujours bien informée sur l'état d'une science. En ce sens, on peut dire qu'il respecte pleinement le principe de Bacon-Husserl qui enjoint d'« aller aux choses mêmes ». Mais, il ne s'installe jamais dans ce lieu complaisamment, et après en avoir réalisé une topographie sommaire, mais toujours maîtrisée, il s'en sert comme d'un tremplin permettant de rejoindre un plan ultime d'Idées dont les mathématiques, dans un mouvement de retour, sont le « prolongement nécessaire », ainsi qu'il l'écrit dans une importante lettre au mathématicien Maurice Fréchet8. C'est peut-être par cette dualité de moments descriptifs et spéculatifs qu'il se rattache et se distingue à la fois de certains courants « phénoménologiques » ou « dialectiques » dont on notera une certaine renaissance en philosophie contemporaine des mathématiques9. Car la dialectique lautmanienne est chargée d'un poids ontologique qui fait toute sa singularité et son prix, mais qui est aussi une des sources de son splendide isolement en philosophie du vingtième siècle. S'il fallait décrire en quelques phrases les idées directrices de cette pensée, je dirais que, comme toute philosophie spéculative, elle cherche à saisir la réalité effective à sa source 6lbid,p. 132. 7Sinaceurl994, p. 25. 8 Lautman 2006, p. 262. 9 Voir Larvor 2001 et Corfield 2003. même. Lautman distingue plus ou moins explicitement deux points de vue sur l'« effectif» : il y a ce que j'appelle le sensible, qui peut être physique ou mathématique. C'est le domaine de l'étant « atomisé », isolé, et également du « fait brut», des aspects faciles et possiblement superficiels de la réalité, autant sensible qu'intelligible. C'est une couche de réalité en mal d'intelligibilité, et cette intelligibilité lui sera communiquée, en dernière analyse, par les théories mathématiques, deuxième point de vue sur le réel effectif Seulement, l'intelligibilité des théories se trouve également grevée d'incomplétude, car elle est foncièrement pluralité et mouvement. Toutefois, pour qui sait se donner une vue d'ensemble de la diversité et du mouvement des théories mathématiques, pour qui donc possède ce « coup d'oeil synoptique » dont parle Platon, se dégage un certain nombre d'Idées non mathématiques, qui se présentent au premier abord comme des paires de notions en oppositions. Ce sont les fameux couples lautmaniens, grâce auxquels on peut se former une image de ce qui représente le troisième et ultime point de vue, dit dialectique, sur la réalité. Ces Idées dialectiques sont dominatrices par rapport aux mathématiques et organisatrices des théories effectives. Comprendre le rapport entre le dialectique et le mathématique est le problème fondamental de la philosophie d'Albert Lautman1 . Plusieurs paires de Lautman figurent dans ce mémoire : la partie et le tout, le local et le global, l'intrinsèque et l'extrinsèque, l'imparfait et le parfait, l'essence et l'existence. J'invite le lecteur à garder à l'esprit le fait suivant. En excluant l'essence et l'existence, sur lesquelles je reviendrai plus bas, on constatera à l'examen de ces quatre schémas de structure que la tendance de fond qui s'en dégage est Vunification. Lautman cherche à montrer que le mouvement des théories tend à réduire les divisions dont ses couples rendent compte, et uploads/Philosophie/ andre-lebel-une-introduction-a-la-pensee-d-x27-albert-lautman.pdf

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