LA DÉTERMINATION ARISTOTÉLICIENNE DU PRINCIPE DIVIN COMME ζωή (Mét., Λ 7, 1072

LA DÉTERMINATION ARISTOTÉLICIENNE DU PRINCIPE DIVIN COMME ζωή (Mét., Λ 7, 1072 b 26-30) Author(s): Franco Volpi Source: Les Études philosophiques , JUILLET-SEPTEMBRE 1991, No. 3, PHILOSOPHIE GRECQUE (JUILLET-SEPTEMBRE 1991), pp. 369-387 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: https://www.jstor.org/stable/20848540 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Les Études philosophiques This content downloaded from 34.192.2.131 on Sun, 08 May 2022 00:02:16 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LA DETERMINATION ARISTOTfiLICIENNE DU PRINCIPE DIVIN COMME ^ (Met., A, 7, 1072 b 26-30)* Parmi les determinations qu'Aristote emploie pour qualifier et determiner le principe divin supreme, ce sont assurement celle de ? pre mier moteur immobile ? (^pco-rov xivouv dbuvvjTov) et celle de ? pensee de la pensee ? (v6y)(ti<; voyjgsox;) qui ont attire le plus Pattention et qui ont ete considerees et etudiees plus a fond, contribuant done d'une maniere preponderante a former Pimage philosophique du principe divin supreme que nous attribuons a Aristote. Mais dans ses conside rations theologiques, Aristote ajoute a celles-ci d'autres determinations qui ne sont pas moins importantes. Parmi celles-ci il y en a une qu'Aris tote reprend de Popinion commune sur les dieux aussi bien que de la tradition theologique precedente, mais qu'il determine philosophique ment de maniere originale, la remplissant d'un contenu nouveau. II s'agit de la determination du principe divin supreme comme vie (?cdt)) ou de Dieu comme etre vivant eternel parfait (?6)ov oct&iov ocpto-Tov), qu'on retrouve dans tous les passages capitaux ou Aristote traite de la nature du principe divin, notamment dans la Metaphysique, mais aussi dans les Ethiques et dans le De caelo, et qui etait probablement employee meme dans le De philosophia. Pourtant, en depit de son importance et de sa collocation centrale, et meme du fait que, dans le cadre d'une deter * Dans le texte qui suit je me borne strictement a examiner la determination du prin cipe divin comme vie, renoncant a aborder d'autres aspects de la theologie aristotelicienne. Cette limitation vaut egalement pour les references bibliographiques, qui contiennent exclu sivement des renvois specifiques au probleme pris en consideration. Pour une intro duction generale a la question du principe supreme chez Aristote et pour une discussion critique de la Mtterature concernee, je renvoie a l'etude magistrale de Thomas De Koninck, La pensee de la pensee chet^ Aristote; de meme, sur Tidee aristotelicienne de la ? theologie ? comme science, voir Carlo Natali, Cosmo e divinita. La struttura logica della teologia aristotelica, L'Aquila, Japadre, 1974. Les Etudes philosophiques, n? 3/1991 This content downloaded from 34.192.2.131 on Sun, 08 May 2022 00:02:16 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Franco Volpi mination philosophiquement rigoureuse du premier principe, comme celle de la ? theologie noetique ?1 de Met., A, 7-9, elle peut evidemment apparaitre etrange et surprenante, neanmoins elle a ete jusqu'a present peu consideree dans les etudes sur la theologie aristotelicienne. Dans les considerations suivantes, je me propose de montrer qu'elle peut fournir des indications importantes pour mieux comprendre des aspects fondamentaux de l'etude aristotelicienne du probleme du principe divin supreme. II faut dire d'abord que la determination de Dieu comme vie (?coy)) et comme etre vivant ou ? animal ? (?o)ov) parait, d'emblee, curieuse et bizarre2. S'il faut dire, d'une part, que meme dans la tradition chretienne qui a determine notre idee de Dieu, est presente l'attribution du carac tere de la vie a la deite3, et en ce sens, done, la determination aristote licienne ne devrait pas trop surprendre, cette correspondance tran quillisante est en realite fort trompeuse, car elle est tout a fait superfi cielle et seulement apparente. Le concept aristotelicien de vie, en effet, differe absolument du concept chretien correspondant aussi bien que leur respectif emploi theologique, et derri?re Tidentite nominate se cache une profonde difference de contenu. Comme on sait, dans la pensee chretienne l'attribution a Dieu du caractere de la vie se situe dans le contexte d'une conception de Dieu comme personne et comme createur, et l'emploi du concept de vie est connote de maniere determinante par ce contexte. La source philosophique de la conception chretienne de Dieu comme vie ? presente aussi dans PAncien et le Nouveau Testa ment ? est indiquee a l'unanimite dans la tradition speculative du neo platonisme, dans lequel la vie (?<dy)) est une derivation du vou<; et, au dela de celui-ci, de l'lv, qui est determine comme ? cause de vie ? (?co9j<; aiTiov) ou comme ? source de vie ? (nrfff] ?coy}<;)4. Or, comme on l'a 1. L'expression est employee par Jean Pepin, La theologie cTAristote, dans Uattualitd della problematica aristotelica. Atti del Convegno franco-iialiano su Aristotele, Padoue, Antenore, 1970, p. 81-126 (integre dans Jean Pepin, Ide'es grecques sur Vhomme et sur Dieu, Paris, Les Belles-Lettres, 1971), pour distinguer la doctrine de Dieu de la Metaphysique de la ? theologie siderale ? du De caelo. Cf. la discussion critique de Richard Bodeiis, En marge de la ? theo logie ? aristotelicienne, dans Revuephilosophique de Louvain, 73, 1975, p. 5-33, qui est fonda mentale pour une definition du statut du discours aristotelicien sur Dieu et le divin. 2. Surtout si on adopte la traduction de ?coov par ? animal?, qui est d'ailleurs justifiee expressis verbis par Thomas d'Aquin dans son commentaire de Met., A, 7, 1072 b 26-30 : ? ... in fama hominum dicitur quod Deus est animal sempiternum et optimum. Vita enim apud nos in solis animalibus apparet manifesta ? (s. Thomae Aquinatis, In duodecim UbrosMeta physicorum Aristotelis sententia, lect. VIII, n. 2544). Mais cf. les remarques critiques de Pedro Fonseca dans ses Commentaria in libros Metaphysicorum Aristotelis (15 77-15 89), qui, conside rant preferable de traduire ?cpov par ? etre vivant ?, observe : ? Alii pro vivente vertunt Animal, sed cum animalis nomen, quod Graece est ?<5ov, dicatur octco ?0)%, hoc est vita, nec animalibus soleat accomodari: nisi quia in eis expressior est vita quam in plantis, propter sensus et motum; non dubium esse debet, quin ab Aristotele in generale viventis signifi catione hoc loco acceptum sit. Quod si in generali, quod opus est pro eo Latinum animalis nomen usurpare ? ? (Cologne, Zentzer, 1615-1629, t. Ill, p. 108). 3. Cf. Tarticle de Rudolf Bultmann dans Gerhard Kittel/Gerhard Friedrich (eds), Theologisches Worterbuch %um Neuen Testament, sub voce, ?aco, ?coy). 4. Plot., Enn., I, 6, 7, 93, 9; 6, 9, 9, 520, 16 sq. This content downloaded from 34.192.2.131 on Sun, 08 May 2022 00:02:16 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Du principe divin comme Xj$t\ che^ Aristote 371 montre depuis longtemps, l'idee neo-platonicienae de vie est deja tres eloignee de celle de la pensee grecque classique5. Le cas d'Aristote est done different. Chez Aristote la determination du principe divin comme vie peut paraitre bizarre, car elle est integree dans une theologie qui considere celui-ci comme substance separee et immobile, premier moteur et pensee de la pensee. Elle peut nous paraitre d'autant plus bizarre, car dans l'idee du principe divin comme vie Aristote associe des qualites que nous, modernes, ressentons d'emblee comme opposees, a savoir la determination de la pensee et de Pimmo bilite, d'un cote, et la determination de Pactivite et de la vie, de Pautre. Comment la pensee pure et Pimmobilite absolue peuvent-elles ?tre jointes a Pactivite et la vie ? L'idee d'une evspyeta dbuvYjorias, qu'Aristote nous suggere, n'est-elle pas une contradictio in adiecto ? Aristote, pensant le principe divin a partir de la <puai<; et de ses mouvements, projette peut-etre sur ce principe une determination naturaliste comme celle de vie ? Mais ne serait-il pas surprenant si pr?cisement Aristote ? celui qui par l'exploitation technique parfaite de Pargument du mouvement et par la subtile idee de la voyjcik; votjo-so)^ s'efforce de concevoir Dieu d'une maniere philosophiquement aussi rigoureuse ? tombait dans une sorte de ? fallacie naturalistique ?juste au sommet de sa construction metaphysique ? Certains ont cru avoir par la, je veux dire par la deter mination de Dieu comme ?coy), une preuve supplementaire que la theologie aristotelicienne ne serait qu'un appendice a sa physique. Mais, au lieu d'arriver aussi expeditivement a cette conclusion, ne faut-il pas se demander plutot : nous, modernes, avons-nous un concept de vie incommensurable a celui dont se sert Aristote et dont il qualifie, sans ressentir cela comme un probleme, le principe divin supreme lui-meme ? On pourrait ajouter d'autres perplexites et d'autres questions, si on considerait par exemple la comprehension qu'Aristote nous propose ailleurs de la vie au sens de ?g>y) ? distinguee du fi'ioq comme type, forme ou choix de vie, dans la signification employee surtout dans la philosophic pratique ? e'est-a-dire au sens de principe vital propre uploads/Philosophie/ principe-divin-comme-zoe.pdf

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