Les marxistes reconnaissent que les personnes et groupes peuvent subir plusieur
Les marxistes reconnaissent que les personnes et groupes peuvent subir plusieurs formes d’oppression superposées de façon simultanée, et que chaque configuration d’oppressions donne lieu à un ensemble particulier de barrières sociales. D’un point de vue marxiste, aucune forme d’oppression ne peut être comprise ou vaincue de manière isolée, et la lutte contre l’oppression et l’exploitation doit réunir et inclure toutes les couches d’opprimés. Crenshaw cite plusieurs procès au cours desquels le tribunal avait examiné soit les allégations de discrimination basée sur le sexe, soit les allégations de discrimination raciale sur le lieu de travail, refusant d’admettre que les femmes noires subissent une discrimination fondée sur des motifs multiples, non pas seulement en tant que femmes ou en tant que Noires, mais en tant que femmes noires. Par exemple, dans le cas de DeGraffenreid vs General Motors, le tribunal a rejeté la plainte pour discrimination sexuelle et raciale de la plaignante parce que General Motors avait engagé des femmes blanches et des hommes noirs au cours de la période précédente. «Danièle Kergoat avait bien montré que la situation des ouvriers n’était pas la même que les ouvrières: ce n’est ni mieux ni moins bien, ce n’est simplement pas le même rapport de domination», rappelle la sociologue Armelle Testenoire. l’intersectionnalité est mal comprise par les jeunes féministes françaises. «Plaquer les théories du black feminism sur le contexte français est tiré par les cheveux et ce n’est pas en regroupant un agrégat de gens qui ne se sentent pas représentés qu’on fait de l’intersectionnalité!, estime Suzy Rojtman, porte- parole du CNDF. Nous avons parlé de féminisme de classe dès les années 70, nous travaillons avec les femmes de ménages des hôtels de luxe: ça aussi c’est de l’intersectionnalité!» De ce point de vue, quiconque ne vit pas une oppression particulière contribue à la perpétuer et en tire profit. Puisqu’il y a un nombre infini de configurations d’oppressions qui s’entrecroisent, la théorie intersectionnelle postule que nous évoluons tous dans une toile d’oppression sans fin dans laquelle chacun opprime et est opprimé. La classe ouvrière devient l’ennemi, plutôt que la classe dominante capitaliste. L’oppression d’un groupe contribue à maintenir le système capitaliste qui nous exploite et nous opprime tous et toutes de différentes façons. Il n’est dans l’intérêt d’aucun travailleur de maintenir la domination ou l’oppression d’un autre groupe. À première vue, il semble que certains travailleurs reçoivent des avantages au détriment des autres et donc profitent de l’oppression des autres. Par exemple, c’est un fait reconnu que les hommes sont mieux rémunérés que les femmes pour un travail égal, et ce partout dans le monde. Cependant, les hommes ne sont pas mieux pas payés parce que les femmes le sont moins, ou vice versa. Il y a plus qu’assez de richesses pour que tout le monde profite d’une hausse de salaire, mais la majorité de la richesse produite par la classe ouvrière est appropriée par la classe dirigeante minoritaire. Le travail et l’esclavage ont occupé une place centrale dans les écrits des théoriciennes du Black feminism, qui ont, dès les années 1970, articulé genre, race et classe [Bessière, 2003 ; Dorlin, 2008 ; Holvino, 2010]. Elles ont souligné que l’assignation des femmes à la sphère privée, dénoncée par les féministes blanches, s’appliquait mal au cas des femmes esclaves pour lesquelles la famille et le travail domestique n’étaient pas nécessairement le problème principal. Leurs développements théoriques et politiques ont inspiré nombre d’approches articulant genre, race et classe pour analyser le travail. En France, en sociologie, c’est d’abord l’articulation entre rapports sociaux de sexe et de classe au travail qui a été étudiée, concernant les ouvrières [Kergoat, 1982 et 2009]. Parallèlement, Colette Guillaumin [1972 et 1992] a conceptualisé le sexe et la race comme différences hiérarchisantes socialement construites et naturalisées, les personnes considérées comme « différentes » par rapport à un « universel » étant qualifiées de « minoritaires ». En pratique, de nombreuses questions se posent aujourd’hui aux sociologues du travail qui tentent d’articuler genre, race et classe. Ce texte porte sur les approches méthodologiques et épistémologiques adoptées par des travaux empiriques contemporains s’inscrivant dans cette perspective ; il ne reprend donc pas les débats théoriques autour de l’« intersectionnalité » [Crenshaw, 2005], synthétisés ailleurs [Dorlin, 2009 ; Palomarès et Testenoire, 2010 ; Beren… Articuler les rapports de classe, de sexe, de “race”, etc. Pour donner toute son intelligibilité à chaque rapport social et pour rendre compte de la complexité du social, il est indispensable de prendre en compte l’ensemble de ces rapports entremêlés. Autrement dit, la polarisation sur les seuls rapports de classe ou le primat accordé aux rapports de classe apparaît comme aussi insatisfaisant que des études de genre qui ignoreraient classes, “races” et générations. L’originalité du concept de rapports sociaux de sexe par rapport à d’autres conceptualisations (en termes de genre, notamment, ou de mode de production domestique) réside précisément, nous l’avons rappelé, dans le fait que le concept est construit explicitement en liant consubstantiellement rapports de classe et rapports de sexe. C’est aussi de notre point de vue un apport tout à fait fondamental en ce qu’il permet de renouveler en profondeur l’analyse des classes sociales, car elles sont sexuées. Plus largement encore, dans de nombreuses sinon dans la plupart des configurations, les rapports de “race” ou de racisation sont également consubstantiellement liés aux rapports de classe et de sexe, opposant pour l’essentiel les Blancs aux non-Blancs. Dans un tout autre contexte, aux États-Unis, l’émergence du black feminism à partir du début des années 1980 a également conduit à la production d’analyses transversales, mais croisant principalement cette fois sexe et “race”, en termes d’« intersectionnalité »30. Les animatrices de ce courant insistaient sur le fait que les discours féministes et antiracistes contemporains n’ont pas su repérer les « points d’intersection » du racisme et du patriarcat. La juriste Kimberlé Crenshaw distingue l’intersectionnalité structurelle et l’intersectionnalité politique31. La première prend en compte le positionnement des femmes de couleur, à l’intersection de la “race” et du genre, qui rend leur expérience concrète de la violence conjugale, du viol et des mesures pour y remédier qualitativement différente de celle des femmes blanches. La seconde dénonce la marginalisation de la question de la violence contre les femmes de couleur induite par les politiques féministes et antiracistes. Cependant, ces analyses en termes d’intersectionnalité — ou d’entrecroisement — ignoraient, et continuent le plus souvent à ignorer, jusqu’à aujourd’hui, les rapports de classe. Suivant les objets de recherche ou les contextes, la génération, l’ethnicité ou la “race”, ou encore la localité (selon des échelles variables) sont des variables structurantes tout aussi centrales. Elles doivent alors être articulées de manière pertinente avec les rapports de classe ou de sexe 32. Les travaux français ont confirmé au cours des dernières années la réalité de différentes formes de discrimination visant, outre les femmes, certaines autres catégories de populations stigmatisées en fonction de leur “origine” — réelle ou supposée — ou de leur apparence physique. Cette discrimination s’observe tout particulièrement dans l’accès au logement et à l’emploi. La discrimination reposant sur des fondements racistes vise principalement les jeunes gens d’origine maghrébine ou africaine et plus les garçons que les filles. Même à diplôme équivalent et la profession du père étant comparable, ils connaissent un risque bien plus élevé de rester à l’écart de l’emploi que les jeunes d’origine européenne33. La prise en compte dans la construction des “données” statistiques de la variable ethnique, liée à l’origine des individus, a dès lors souvent été évoquée dans le débat public3 Sexe, classe, race et caste : intersectionnalité des rapports sociaux Module de Recherche FNS 2008-2012, dans le cadre du Prodoc : Pratiques et perspectives de genre: les paradoxes de l'égalité. Equipe Prof. Patricia Roux (Université de Lausanne) Dr. Sabine Masson (Unil) Dr. Christine Verschuur (IHEID) Kaveri Haritas (docotrante IHEID) Rose-Myrlie Joseph (doctorante Unil) Résumé du projet Le module de recherche « Sexe, classe, race et caste : intersectionnalité des rapports sociaux » propose d’analyser la manière dont le système de genre se conjugue aux autres systèmes de domination, notamment ceux de classe et de race. Le module de recherche se veut une contribution scientifique critique aux théories et aux études sur le genre. Une grande partie de ces dernières ont en effet analysé le principe hiérarchique qui divise l’humanité en deux groupes de sexe – les femmes et les hommes – sans tenir compte de ses variations liées à d’autres antagonismes sociaux. Pourtant, les théories du genre fournissent des outils conceptuels importants pour analyser la subordination d’autres groupes sociaux que les femmes, permettant d’aller au-delà d’une compréhension des mécanismes de la domination masculine. Ainsi, notre module de recherche s’appuie sur ces outils conceptuels, mais aussi sur ceux qu’ont développés les théories féministes postcoloniales qui, justement, mettent l’accent sur la diversité du genre selon d’autres principes organisateurs (tels que la race et la colonialité) des rapports sociaux. Le module vise dès lors à expliquer deux processus : d’une part, comment les rapports de genre sont-ils structurés par des rapports de uploads/Philosophie/ texte-devoir-alcena.pdf
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- Publié le Jul 25, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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