Economie et statistique Les mots et les chiffres : les nomenclatures socio-prof

Economie et statistique Les mots et les chiffres : les nomenclatures socio-professionnelles Monsieur Alain Desrosières, Laurent Thévenot Citer ce document / Cite this document : Desrosières Alain, Thévenot Laurent. Les mots et les chiffres : les nomenclatures socio-professionnelles. In: Economie et statistique, n°110, Avril 1979. L'intérim dans l'industrie / Qualifications ouvrières / Une réalité: le pays / La percée de la télé- couleur / Comprendre une nomenclature. pp. 49-65; doi : https://doi.org/10.3406/estat.1979.4260 https://www.persee.fr/doc/estat_0336-1454_1979_num_110_1_4260 Fichier pdf généré le 14/05/2018 Résumé Les études socio-économiques françaises font un large usage, non seulement de variables explicatives économiques classiques comme le revenu, mais aussi de découpages en catégories socioprofessionnelles lesquelles constituent une approche empirique de la notion usuelle de milieu social. La réflexion sur les nomenclatures et en particulier sur celle des catégories socioprofessionnelles est tout d'abord un rappel : tout classement est une construction, et comme telle, il a des répercussions sur les analyses que l'on peut faire dans le cadre qu'il détermine. A cette occasion il est montré que la nomenclature des catégories socioprofessionnelles n'est ni un reflet naturel de la réalité, ni une construction totalement logique. Elle est ancrée sur des archétypes de profession et de ce fait chaque rubrique cristallise un jeu d'attitudes et de situations originales. Ce faisant, ce découpage conduit plutôt à envisager une juxtaposition de zones présentant des logiques locales assez spécifiques et à étudier des systèmes de différences ou d'inégalités et non des pratiques isolées. Enfin il est nécessaire de bien connaître les méthodes de collecte, de traitement et d'analyse des informations aboutissant à ces catégories pour apprécier la portée des études qui les utilisent : fécondité, mobilité, comportements de consommation... Abstract Words and figures : social and professional classification - French social and economic studies are using not only classical explanatory variables, such as income, but also social and professional categories which constitute an empirical approach of the common idea of social background. This thincking over of classifications and, in particular, socio-professional categories is first and foremost a reminder that any classification is an artificial building up and, as such, will inevitably have repercussions upon the analyses performed within the framework which it defines. On such occasion, it is pointed out that socio-professional categories classification is neither a natural reflection of reality, nor a complete logic design. Classifications are inevitably rooted in archetypical notions about jobs and, thus, each category invariably gives structure to an integrated pattern of unique attitudes and situations, and thus reminds us of the multidimensional nature of all social phenomena. In such a manner that this distribution leads rather to contemplate a juxtaposition of areas which present rather specifical local logics and to examine differential or inequalities systems and not independent applications. Finally, it is convenient to be properly acquainted with data collection, processing and analysis resulting in these categories which allow estimating the value of the studies which make use of them : fertility, mobility, consumers' behaviour. Resumen Palabras y cifras : las nomenclaturas socio profesionales - Los estudios socio-econômicos en Francia utilizan no tan solo variables explicativas económicas de tipo clásico tal como el ingreso, sino también de distribución por categorías socioprofesionales, las que constituyen un aproche emplrico del concepto sumamente corriente de ambiente social. El considerar las nomenclaturas, en especial la de categorías socioprofesionales constituye, en primer lugar, una evocación: toda clasificación es una edificación, y como tal, repercute en los análisis que es factible elaborar dentro del marco que determina. Con este motivo queda demostrado que la nomenclatura de categorías socioprofesionales no es ni un reflejo natural de la realidad, ni tampoco una edificación plenamente logica. Esta aferrada en arquetipos de empleo y por esta razón cada rûbrica materializa un juego de actitudes y posiciones originales. Al procdder así, esta distribución encarrila más pronto a considerar una yuxtaposición de zonas que presentan lógicas locales bastante específicas y al estudiar sistemas de diferencias o de desigualdades y no de prácticas aisladas. Finalmente, es preciso conocer convenientemente los métodos de recogida, tratamiento y análisis de la información, lo cual remata en estas categorías, las que permiten apreciar el alcance de los estudios que los utilizan: fecundidad, mobilidad, comportamientos en materia de consumo,... MÉTHODES Les mots et les chiPres : les nomenclatures socioprofessionnell es Alain l‘ar une tradition qui remonte au début du aiècle, et •.irtout aux annéea 50, les études socio-économiques *rançaiaes font un usage de plus en plua large, en plua le i « variables explicatives » économiques classiques *mme le revenu, de découpages on eatégoriee socio- professionnelles constituant une approche empirique de îa notion usuelle de milieu social. Oct instrument eat trèa familier, mais on s’interroge r arement aur aa construction et sa logique : il n’est ni ion reflet naturel de la réalité, ni une construction tota• Desrosières et Laurent Thévenot° dans ccttc production. Alors que n’importe quelle étude économétrique consacre d’importants développements à tenter de prouver la validité de la méthode employée, l’étape préliminaire de la démarche, et fondamentale à ce titre, qui a consisté à construire les « données », c’est-à-dire à coder et à classer les informations élémentaires à l’aide d’outils appropriés, est er. général passee sous silence. lement logique mettant en œuvre quelques critères sim- ples. Chaque rubrique, ancrée sur des archétypes sociaux, eriatalliae un jeu intégré d’attitudes et de situations originales. D’autres critères de tri, plua linéaires et quan- titatifs comme le revenu, poussent à assimiler l’espace aocial à une échelle ordonnée et continue, et à supposer des relntions cauaalcs de meme type tout le long de cet axe. Le découpage aocioprofesaionnel, en revanche, conduit plutôt à envisager une juxtaposition de zones présentant des logiques locales aasez spécifiques, et à étudier des aystèmee de différences ou d’inégalités plutôt que des pratiques isolées. Il eat nécessaire de bien connai- tre les méthodes de collecte, de traitement et d’analyse des informations conduisant à ces catégories, pour appré- cier la portée des nombreuses étudea qui les utilisent. Voir les nomenclatures Parce qu’on les tient volontiers Pour surgies du réel, parce qu’on est porté à leur conférer une évidence indubi- table ou — ce qui revient au même — des défauts incorri- gibles, bref parce qu’on les confond avec l’objet à etudier, on n’accorde pas aux classifications les faveure dont jouissent d’autres instruments statistiques plus complaisamment mis en avant dans les développements méthodologiques. Comme il l’a été dit à propos des nomenclatures industrielles, l’économiste ne s’intéresse pas « aux lunettes à travers les- quelles il voit l’économie : il s’intéresse par contre fortement à ce qu’il voit. Pour voir les lunettes que l’on porte, il faut d’abord les ôter et cela brouille la vue » [1]. Premier maillon de”1a chaine statistique, la nomenclature est sans doute le moins apparent, celui qui est te plus souvent escamoté dans la présentation du produit finat. Certes, les listes des intitulés des lignes et des colonnes encadrant les tableaux de chiffres viennent rappeler l’existence des nomen- clatures, par l’énumération de leurs rubriques, mais rares sont les travaux qui leur reconnaissent un rôle spécifique * z¥lain Desrosières ct Laurent Thûvenot font J›artie de la ‹divi- sion « Emploi » de département « Population et ménages » tl‹ l’INSEE. Les chiffres entre crochets [ ], renvoient à la bibliographie, p. 64. 49 On no peut attendre des gens qui portent des lunettes qu’ils les otent sans réticence, et il n’y a guère que les moments pénibles où l’on est contraint de les remplacer pour faire sentir brutalement leur présence par la nécessité d’une acco- modation nouvelle. Aussi faut-it tirer profit des opérations en cours de refonte des nomenclatures d’emploi et de forma- tion Pour s interroger sur leur ‹construction, et en tirer des leçons sur leur bon usage. Pour rentlre c•' l '* dD ‹liffèrents modes d’élaboration des nomenclatures, il est commode de les organiser autour d’une distinction provisoire et schématique, opposant classifica- tions « naturelles » et classifications « logiques ». Classifications naturelles... Les classifications « naturelles » sont certainement les moins visibles sinon les moins répandues. Elles séduisant par l’apparence d’une appréhension immédiate du domaine et sont souvent fondées sur des qualités sensibles de l’objet à classer. Ce sont, soit des classements « indigènes » récoltés auprès ‹l’informateurs influents capables de les imposer au statisticien, soit des classements « bricolés », c’est-à-dire ayant fait leur J rei i x e rt ans nn domaine et utilisés par ana- * 6ie sur un nouvel espace à défricher, soit les deux à la fois, car les classements indigènes sont souvent bricolés. Ainsi C. Levi-Strauss, évoquant les classements mythiques, les rapproche des travaux du bricoleur décrits en ces termes « L’ensemble des moyens du bricoleur n’est donc pas défi- nissable par un projet [...], il se définit seulement par son instrumentalité. [Mais ses possibilités] demeurent toujours limitées par l’histoire particulière de chaque pièce, et par ce qui subsiste en elle de prédéterminé, du à l’usage originel pour lequel elle a été conçue ou par les adaptations qu’elle a subies en vue d’autres emplois. [...). C’est de la méme façon que les éléments de uploads/Philosophie/ thevenot-desrosieres-les-mots-et-les-chiffres-pdftoword.pdf

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