UN ET ÊTRE Author(s): Jean Trouillard Source: Les Études philosophiques, Nouvel
UN ET ÊTRE Author(s): Jean Trouillard Source: Les Études philosophiques, Nouvelle Série, 15e Année, No. 2, L'ÊTRE (AVRIL - JUIN 1960), pp. 185-196 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/20843286 . Accessed: 21/06/2014 01:48 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Les Études philosophiques. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.78.144 on Sat, 21 Jun 2014 01:48:19 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions UN ET ETRE i Metaphysique de l'fitre ou philosophic de TUn ? Le probleme n'est pas d'hier, mais on l'avait un peu oublie. Son r6veil a provoqu6 plus d'une fois surprise et scepticisme, m?me chez des philosophes chevronnes. N'est-ce pas une querelle de mots ou de presentation ? Ainsi repondait un auteur a qui je demandais si, avant de composer un traite d'Ontologie, il avait envisage cette option. Un autre m'assu rait que la question etait ou bien puerile ou bien subversive. Ces attitudes manifestent k quel point le neoplatonisme demeure ignore. Certes, on cite Plotin, on se complait m?me en quelques-uns de ses themes. On se soucie beaucoup moins de restituer l'equilibre et la valeur incisive de ses positions. Mais qui s'interesse a Jamblique, Proclus, Damascios ? Cette ficole n'est connue en France qu'a travers quelques rapides chapitres des histoires generales. Les editions sont rares et tres partielles, les commentaires presque inexistants. II n'a ete publie aucun livre frangais sur Proclus depuis 1840. C'est pourquoi on attend avec impatience la rendition de la Theologie platonicienne que prepare le P. Saffrey, la derniere publication de cet ouvrage remontant k 1618. J'accorde que Proclus est irritant quand il abuse des revues et des synopses professorales, quand il s'efforce de justifier par une exegese trop habile tous les mythes et tous les rites qui lui tiennent a coeur. II instruit alors moins le philosophe que l'historien des religions. Mais cette dialectique complaisante ne l'empSche pas d'etre un phi losophe authentique. Qu'on parcoure, par exemple, les 200 premieres pages du Commentaire d'Euclide dans l'edition Teubner. On y trou vera une epistemologie mathematique qui est en m?me temps un traite de l'&me. On verra comment l'unite unifiante qui est a la fois Tillumination divine et l'esprit m?me deploie la complexite des nom bres, Tetendue des figures, le tissu des rapports harmoniques, le circuit des mouvements pour se mediatiser dans une procession interne identique a la constitution de l'&me dianoetique par elle-m&ne. This content downloaded from 185.44.78.144 on Sat, 21 Jun 2014 01:48:19 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions i86 les Etudes philosophiques Qu'on ouvre le Commentaire du Parmenide. On y lira que l'etre est le verbe propre et necessaire de l'Un, mais seulement son verbe. La serie des caracteres de l'etre definit exactement ce qu'il faut refuser a TUn. Proclus a bati un systeme rigoureux en lequel la primaute de TUn sur l'6tre joue un role capital. Si on rejette cette these, c'est toute l'interpretation du Parmenide qu'on ecarte. Mais celle-ci est le cceur de la metaphysique de Proclus. D'apres lui, l'6tre, qui est nombre, se congoit comme un rapport entre deux anteriorites (d'ail leurs issues d'un m?me Principe) dont Tune est trop simple et l'autre trop expansive, ou encore comme un equilibre entre une progression infinie et une regression normative. Entre ces deux extremes qui, chacun a sa fagon, echappent a toute position, l'etre est un milieu ou une mediation. L'?tre est prevenu en tout sens. II ne peut etre l'Absolu. Certes on a le droit de tenir, apres meditation de ces textes, que la metaphysique de l'Etre l'emporte, et que, tout compte fait, elle sort victorieuse du debat. Aucun probleme philosophique n'est defi nitivement clos. Encore faut-il avoir conscience qu'il y a probleme, c'est-a-dire qu'en avangant dans cette voie on en delaisse une autre, laquelle et pourquoi. Que cette conscience soit malaisee ne doit cependant pas nous surprendre. Chaque epoque a ses pentes mentales. En 1900, il etait permis a un universitaire de croire que saint Thomas ne faisait que recopier maladroitement Aristote. En 1950, j'ai entendu un maitre de grande classe comme Lachieze-Rey affirmer que Plotin n'etait pas interessant, parce qu'il se bornait a repeter Platon. En 1957, un ?thomiste existentiel? pouvait s'imaginer qu'il avait defmitivement integre la philosophie de l'Un, et done qu'il l'avait prive de raison d'etre. ? N'est-il pas vrai, disait un tenant de cette opinion, que, si les neoplatoniciens avaient compris, comme nous le faisons aujourd'hui, que l'etre n'est pas seulement essence, mais acte de realisation, actua lite ou presence, ils auraient place l'un a l'interieur de l'etre ? ? ? ? N'est-il pas evident, repliquait un admirateur de Platon, que, si saint Thomas avait connu le platonisme et le neoplatonisme autre ment que par des extraits et des resumes deformants, il n'aurait pu croire que la metaphysique de l'etre representait la raison elle-m?me ? ? Pour moi, je repondrais negativement a l'une et a l'autre interro gation. Mieux informe, Plotin serait sans doute reste Plotin et done fidele a son ? henophanie ?, comme saint Thomas serait demeure saint Thomas architecte de l'etre. Les options fondamentales des grandes doctrines dependent moins qu'on ne croit d'accidents histo This content downloaded from 185.44.78.144 on Sat, 21 Jun 2014 01:48:19 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions J. TROUII^ARD ? UN ET itTRE 187 riques. Ce sont de beaux risques qui pourront eternellement ?tre courus. Saint Thomas avait d'ailleurs d'autres motifs que des raisons philosophiques de preferer Fetre. Et les neoplatoniciens plagaient au second rang, non settlement Tintelligibilite, mais Tautoposition qui la realise. L'illusion vient peut-etre ici de ce qu'on voit le neoplatonisme a travers saint Augustin, qui semble professer une philosophie de rfitre. Comment s'est opere le glissement de TUn a VEtre par Tinter mediaire de Victorinus, Pierre Hadot nous en instruira bientot. Seduits sans doute par Taffinite de FUn avec le Bien, plusieurs penseurs ont cru qu'il s'agissait d'une simple discussion de preseance entre les transcendentaux. Et ils se declaraient prets a faire sur ce point de larges concessions, pourvu qu'il fut reconnu en fin de compte que la meditation de l'unite est foncierement identique a celle de Tttre, comme celle de la verite et de la bonte. Malheureusement le disaccord va beaucoup plus loin. L'un ploti nien n'est pas le transcendantal de Taristotelisme, et TAlexandrin refuserait certainement Tadage Ens et unum convertuntur, lui qui ccrivait : to elvai lyyoc, hoc, (1). Nous savons qu'il refusait tout autant d'identifier son Principe avec la Pensee de la pensee (2). Question de langage, insistera-t-on. Car, dans la mesure ou Plotin designe sous le nom d'Un TAbsolu authentique, il vise ce que d'autres appellent Esse pur. Les deux Ecoles coincident dans une intention nalite fondamentale. Ainsi formulee, cette difficulty souleve la question des problema tiques philosophiques, et celle-ci exigerait tout un traite. Qu'il suffise ici d'esquisser quelques distinctions. La visee de TAbsolu, pour autant qu'elle est vecue, n'appartient pas encore a la philosophie, mais a la conscience directe et a la reflexion spontanee. Elle est en dega des systemes elabores dont nous parlons ici et qui supposent ? du metier ?. Mais, quand la reflexion critique intervient pour la res saisir et Texprimer, elle ne se borne pas a lui imposer des formules verbales. Elle cree vraiment des formes mentales et des attitudes qui vont mediatiser le sentiment immediat que toute action a d'elle-m&ne. S'il est vrai que tout systeme, comme toute science, est une langue bien faite, il ne faut pas oublier qu'a tout langage une certaine vision du monde est attachee. Une nouvelle langue est une nouvelle conscience. A la base de toute morphologie et de toute syntaxe, 0 y a des conven (1) Enneades, V, 5, 5. (2) Enn., V, 6 ; VI, 7, 37-42. This content downloaded from 185.44.78.144 on Sat, 21 Jun 2014 01:48:19 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions les Etudes philosophiques tions tacites, une methode de decoupage et d'articulation. Un syst^me est pareillement un art de dissocier et d'etablir des connexions pour resoudre la presence intense en conscience distincte. II est done pos sible que plusieurs systemes traduisent la meme demarche vecue et qu'ils different autrement que par des mots. Ils seront des manieres irreductibles de formaliser une implication exercee, qui reste k toutes incommensurable. C'est pourquoi l'homme religieux n'est pas oblige pour vivre sa religion, ni l'artiste pour creer, d'attendre la fin improbable des controverses. Celles-ci ne sont cependant pas pour eux indifferentes, pour autant qu'elles leur permettent de se critiquer eux-m&mes. L'erreur inverse consisterait a projeter dans l'Absolu la theorie qu'on adopte en escomptant que ? du uploads/Philosophie/ trouillard-j-un-et-etre.pdf
Documents similaires










-
34
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 26, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 1.0520MB