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Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RMM&ID_NUMPUBLIE=RMM_022&ID_ARTICLE=RMM_022_0077 Victor Basch : l’esthétique entre la France et l’Allemagne par Céline TRAUTMANN-WALLER | Presses Universitaires de France | Revue de Métaphysique et de Morale 2002/2 - n° 34 ISSN 0035-1571 | ISBN 2-1305-2699-3 | pages 77 à 90 Pour citer cet article : — Trautmann-waller C., Victor Basch : l’esthétique entre la France et l’Allemagne, Revue de Métaphysique et de Morale 2002/2, n° 34, p. 77-90. Distribution électronique Cairn pour les Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Victor Basch : l’esthétique entre la France et l’Allemagne RÉSUMÉ. — Le parcours de Victor Basch, germaniste d’origine allemande d’abord professeur de littérature étrangère à la fin du XIXe siècle puis d’esthétique dans les années 1920-1930, illustre tout particulièrement l’importance des transferts franco-allemands qui ont présidé à l’institutionnalisation de l’esthétique en France. Parti de la nécessité d’établir la réflexion sur l’art sur des bases non normatives, Basch devint un introducteur privilégié de l’esthétique psychologique allemande en France. En suivant le cheminement de Basch, cet article veut montrer autant la place essen- tielle qu’a occupée à travers lui l’esthétique allemande dans le contexte français, que les limites de ses analyses des processus « sympathiques » permettant, selon lui, autant la création que la jouissance artistique ou le travail du chercheur en esthétique. Malgré l’insistance sur l’expérimentation ces analyses finissent par cantonner le beau dans une sphère idéale et déterminèrent ainsi les réticences de Basch face aux analyses sociolo- giques de l’art et sa participation à un discours dualiste sur l’Allemagne. ÜBERSICHT. — Der Weg von Victor Basch, ein französischer Germanist deutschen Ursprungs der zuerst am Ende des 19. Jahrhunderts fremde Literaturen lehrte und dann, in den 20er und 30er Jahren, Professor für Ästhetik war, veranschaulicht besonders deutlich die Rolle der deutsch-französischen Kulturtransfers, die die Institutionalisierung der Ästhetik in Frankreich begleiteten. Von der Notwendigkeit ausgegangen, die moderne Ästhetik auf einer nicht normativen Basis aufzubauen, wurde Basch ein privilegierter Einführer der deutschen psychologischen Ästhetik in Frankreich. Indem er der Entwicklung von Baschs Denken folgt, will dieser Artikel sowohl die wesentliche Stellung die er, und durch ihn die deutsche Ästhetik, im französischen Kontext hatten, zeigen, als auch die Grenzen seiner Analysen der auf Sympathie begründeten Prozesse, die künstlerisches Schaffen und Genuß und die Untersuchungen des Ästhetikers ermöglichen würden, und die bei ihm, trotz der Umwege über die Experimentierung, zu einer Begrenzung des Schönen in einer idealen Sphäre führen und somit seine Reserven gegenüber den soziologischen Analysen der Kunst und seine Beteiligung an einem dua- listischen Diskurs über Deutschland bestimmten. Lorsqu’en 1910 le germaniste Charles Andler chercha à faire connaître au public français les principales évolutions de la philosophie allemande au Revue de Métaphysique et de Morale, No 2/2001 XIXe siècle, c’est à un autre germaniste, Victor Basch, qui avait soutenu récem- ment une thèse sur la Critique du jugement de Kant, qu’il demanda de traiter des théories esthétiques. Ce travail donna lieu à un véritable panorama de l’esthétique allemande au XIXe siècle dont Basch suivait les dernières évolutions avec précision et enthousiasme. Si parmi les théories esthétiques allemandes de cette époque sa préférence allait à la psychologie plutôt qu’à la sociologie et, au sein de la première, à la psychologie subjective (Einfühlung) plutôt qu’à la psychologie objective expérimentale, cela ne l’empêcha pas de devenir dès ce moment un introducteur privilégié en France de l’ensemble des théories esthé- tiques allemandes depuis Kant et Schiller, auxquels il avait consacré ses thèses, jusqu’aux travaux les plus récents. Le parcours de Basch, d’abord professeur de littératures étrangères à Rennes puis d’esthétique à la Sorbonne, fait ainsi apparaître aussi bien les fondements méthodologiques allemands de l’esthétique moderne comme discipline univer- sitaire en France que l’institutionnalisation progressive de la discipline autour de quelques débats principaux qui en structurèrent le champ. Basch voulut, en important en France la « science de l’art » (Kunstwissenschaft), distancier l’esthétique aussi bien de l’histoire de l’art que de la philosophie spéculative. Il participa tout aussi activement aux débats entre une vision individualiste et une vision sociologique de l’art, débats tout à fait déterminants dans le contexte français de l’époque. S’il disait que l’une des tensions qui déterminèrent sa pensée était celle entre les besoins sociaux et l’aspiration au Beau, entre la collectivité et le génie individuel, cette tension se reflète bien en tout cas dans sa vie, partagée entre l’engagement politique et la réflexion sur l’art. Lui qui voyait dans l’art une force de réconciliation, ne parvint pourtant jamais vérita- blement à surmonter cette opposition, contribuant ainsi sans doute à une vision dualiste de l’Allemagne à l’époque des deux guerres mondiales. Si sa défense de l’art ainsi que de la science allemande fut d’abord destinée, au moment de la Première Guerre mondiale, à contrer les discours globalisants sur la barbarie allemande comme ceux de son maître Émile Boutroux, ses réflexions tournèrent en une sorte d’opposition tragique entre une bonne Allemagne, incarnée notam- ment par l’art allemand, et une mauvaise Allemagne, selon une dichotomie qui pouvait parfois faire obstacle aux analyses. Cette dichotomie rejoignait sa vision de l’art comme consolation et apaisement, qui l’empêcha parfois de percevoir l’intérêt de certaines analyses du fait artistique : les analyses sociologiques qui l’auraient obligé à dépasser l’opposition entre art et société, les analyses eth- nologiques qui l’aurait obligé à tenir compte des fonctions sociales de l’art autres que l’apaisement. C’est cette vision classique de l’art qui explique aussi sans doute son absence de goût pour l’art moderne, souvent plus agressif, moins sentimental, émotionnel ou lyrique. 78 Céline Trautmann-Waller L’histoire du Deuxième Congrès d’esthétique et de science de l’art qui se déroula à Paris en 1937 permet de percevoir à la fois la place essentielle que Basch occupa dans le contexte français et le léger décalage qui existait désormais entre lui et une nouvelle génération de l’esthétique aussi bien française qu’alle- mande ou anglo-saxonne. S’il met en évidence la dimension européenne des débats esthétiques, ce congrès, qui fut organisé en annexe du Neuvième Congrès de philosophie et qui comportait une part très importante de contributions fran- çaises, offre en même temps un tableau de la discipline en France et de sa situation à l’intérieur du champ académique où elle apparaît comme très dépen- dante de la philosophie. Si le terme de « science de l’art », importé d’Allemagne par Basch, incarnait une certaine volonté de distanciation par rapport à la phi- losophie, on pourrait sans doute dire qu’il était aussi comme la marque d’un certain bouillonnement théorique autour de la question de l’art, tandis que sa disparition après la guerre est peut-être le signe d’une certaine clôture du débat par rapport aux années 1920-1930. DES LITTÉRATURES ÉTRANGÈRES À L’ESTHÉTIQUE : LE PARCOURS FRANCO-ALLEMAND DE BASCH Né en 1863 à Pest, Victor Basch arriva en France avec ses parents vers 1866 1. Son père, Raphaël Basch, était né à Prague dans une famille juive de médecins et de rabbins. Il avait fait ses études à Vienne et aurait participé aux journées révolutionnaires de 1848 avant de devenir correspondant à Paris de la Neue Freie Presse, prestigieux quotidien libéral autrichien. La scolarité de Victor Basch fut donc française et le mena d’une école primaire juive au lycée Condor- cet puis à la Sorbonne où il prépara une licence de philosophie, tout en fré- quentant les milieux artistiques du cabaret Le Chat noir. Il fut reçu quatrième à l’agrégation de langues vivantes en 1884 et se vit nommé dès 1885 maître de conférences de langue et de littérature allemandes à Nancy. La même année, il se maria à Budapest et obtint sa naturalisation française. En 1887, il s’installa avec sa famille à Rennes où il avait obtenu un poste en langue et littérature allemandes, transformé en 1897 en poste de littératures étrangères. Les années passées à Rennes, où se déroula en 1899 le procès en révision de Dreyfus, marquèrent le début de l’engagement politique de Basch qui participa à la création d’une section locale de la Ligue des droits de l’homme et s’investit dans le mouvement des Universités populaires. 1. Pour toutes les données biographiques concernant Basch, voir le livre de sa petite-fille F. BASCH, Victor Basch ou la passion de la justice, Paris, 1994. 79 Victor Basch : l’esthétique entre la France et l’Allemagne Œuvrant de manière générale comme médiateur intellectuel entre la France et l’Allemagne, essayant de faire connaître en France les dernières évolutions de la vie intellectuelle allemande qu’il suivait de près 2, Basch uploads/Philosophie/ victor-basch-l-x27-esthetique-entre-la-france-et-l-x27-allemagne 2 .pdf

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