MEMOIRES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU JACOBINISME, Par M. l'Abbé BARRUEL. TOME S
MEMOIRES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU JACOBINISME, Par M. l'Abbé BARRUEL. TOME SECOND. A HAMBOURG, Chez P. FAUCHE, Libraire. i 8 o 3. ( . t DISCOURS PRÉLIMINAIRE. JL/ANS cette seconde partie des Mémoires sur leObietdece Jacobinisme, i'ai à dire comment les Sophistes de l'im- "Volume. piété, devenant les Sophistes de la rébellion , ajoutèrent à leur conjuration contre tous les autels du Christianis- me , une nouvelle conjuration contre tous les trônes des Souverains. J'ai à prouver qu'après avoir juré d'écraser Jésus-Christ , ces mêmes hommes appelés Philosophes formèrent encore le voeu d'écraser tous les Rois. J'ai annoncé de plus qu'aux Sophistes de l'impiété de- venus les Sophistes de la rébellion se joiguit une secte depuis long-temps cachée dans ies arrière-Loges de la Franc-Maçonnerie , méditant contre l'Autel et contre le Trône les mêmes complots , et faisant comme les Philo- sophes modernes le même serment d'écraser le Christet tous les Rois. Ce double objet divise naturellement ce second Volu- me en deux parties : la première sera consacrée à déve- lopper l'origine et les progrès de cette conspiration des Sophistes appelés Philosophes ; j'aurai à dévoiler dans la seconde cette secteque je désigne ici sous le non) d'arrière- Maçons , pour distinguer les vrais adeptes d'une foule de trères trop honnêtes pour être admis dans les secrets des arrièreLoges , et trop religieux , trop bons citoyens , ou trop fidelles sujets , pour se prêter à leurs complots. Après avoir séparément traité chacune de ces conspi- rations tendantes au mèmeobjet, je dirai comment leurs adeptes se réunirent et s'aidèrent mutuellement pour opérer toute cette partie de la Révolution qui abattit en France et la Religion et la Monarchie, les autels du Christ , et le trône , et la tête de Louis XVI. Captivé par les faits et résolu de ne rien donner à Réflexions l'imagination , je dois ici à mes lecteurs quelques réfle- sur laçons- xions faciles à saisir , mais nécessaires pour bien suivre P 1™110™ la marche des Sophistes dans leur nouvelle conspiration, R i$. pour montrer par quels grades ils passèrent ou plutôt se trouvèrent en quelque sorte entraînés malgré eux , et parla seule force de leurs principes, de leur école d'im- piété à l'école et aux vœux, aux sermens de la rébellion. Tant que sou* les auspices de Voltaire tous ces pré- ( vi ) fendus philosophes s'étoient contentés d'appliquer aux idées religieuses leurs principes d'égalité , de liberté , et d'en conclure qu'il falloit écraser le Dieu de l'Évangile , pour laisser à chacun le droit de se faire une Religion à sa manière ou de n'en point avoir ; ils n'avoient pas eu de bien grands obstacles à craindre de la part de ces di- verses classes d'hommes qu'ils étoient plus spécialement jaloux d'acquérir à leur école. Dans cette guerre contre le Christianisme , toutes les passions combattoient avec eux et pour eux. Il ne dut pas leur en coûter beaucoup pour faire illusion à des hommes , qui trop souvent n'allèguent leur répugnance à des mystères qu'ils ne conçoivent pas , que pour se dispenser des précpptes et des vertus qu'ils n'aiment pas. Des souverains ordinairement peu versés dans l'étude des faits et des vérités relatives à la Reli- gion, des hommes qui ne cherchent trop souvent dans leur opulence ou dans leur rang que des titres à l'indé- pendance de leur conduite morale, d'autres hommes qui n'aspirent à la fortune qu'en cherchant à rendre lici- tes tous les moyens d'y parvenir ; de prétendus génies haletantaprès !a fumée des réputations et prêts à sacri- fier toutes les vérités à l'éclat d'un sarcasme ou d'un blasphème qu'on appelle bon mot ; d'autres génies encore qui souvent se trouveroient des sots , s'il étoit moins facile d'avoir de l'esprit contre Dieu ; tous ces hommes enfin qui prennent si aisément des Sophismes pour des démonstrations ; tous les adeptes de ces di- verses classes se mettoient peu en peine d'approfondir et cette égalité de droits , et cette liberté de raison. , que la secte leur présentoit comme incompatibles avec une Religion révélée , remplie de mystères. On ne voit pas même que la plupart de ces adeptes aient réfléchi combien il est absurde d'opposer à la Ré- vélation les droits de leur raison; comme si les limites et l'insuffisance de cette raison dévoient servir de règle au Dieu qui se révèle ou bien à la vérité de ses Oracles, à la mission de ses Prophètes et de ses Apôtres. On ne voit pas qu'ils aient réfléchi que tous les droits de la raison se réduisent ici à savoir si Dieu a parlé ; à croire et adorer , de quelque ordre que soient les véri- tés qu'il lui annonce. Des hommes si peu faits pour con- noître et défendre les droits delà Divinité, n'étoient pas des adversaires bien redoutables pour des Sophistes, qui opposoient sans cesse à l'Evangile toute cette pré- tendue liberté de la raison. Il ne pouvoit plus en être de même , quand la secte ( vij ) appliquant à la société politique, à l'empire fies loix civiles , ces mêmes principes d'égalité aie liberté , s'avisa d'en conclure qu'en écrasant l'Autel il falloit aussi écra- ser tous les Trônes pour rendre à tous les hommes leur égalée et leur liberté naturelles. Une conspiration ourdie sur ces principes , sur ces conséquences , avoit évidemment contre elle tous les intérêts et toutes les passions des Sophistes couronnés , des Princes protec- teurs , et de tous ces adeptes pris dans les hautes clas- ses de la société , et d'abord si dociles aux leçons d'une liberté qui ne parloit encore que d'écraser la Religion. Voltaire et d'Alembert naturellement ne pouvoient pas s'attendre à trouver Frédéric, ou Joseph II, ou Catherine III , et Gustave de Suède , bien disposés à se porter eux mômes à la destruction de fleurs Trônes. 11 étoit vraisemblable que bien d'autres adeptes , mi- nistres ou courtisans , et riches ou nobles distingués par leur rang , sentiroient le danger qu'il y avoit à dé- pendre d'une multitude, qui ne connaissantplus de supé- rieurs , s'érigeroit bientôt elle-même en souveraine ; qui pour premier usage de sa souveraineté , pouvoit être tentée d'abattre toutes les fortunes et toutes les têtes élevées au-dessus de son niveau. Du coté des Sophistes eux-mêmes, sî la reconnais- sance n'étoit pour eux qu'un foible motif , l'intérêt de leur existence sembloit devoir rallentir leur ardeur contre le Trône. D'Alembert -vivoit des pensions des Rois de France et de Prusse ; il devoit jusqu'à son logement du Louvre aux bontés de Louis XVI. L'ImpératricedeRussie soutenoit seule la fortune délabrée de Diderot. L'héri- tier présomptif du même Trône pensionnoit l'adepte la Harpe. Damilaville n'avoit plus de quoi vivre, si le Roi le renvoyoit de son bureau. Le Sarrhédrin philoso- phique de cette Académie française composée de tant d'adeptes , ne devoit son existence , ses jetons et ses ressources qu'au monarque. Il étoit dans Paris bien peu d'autres Sophistes écrivains , qui n'aspirassent a quel- que brevet de pension ou n'en fussent pourvus par l'intrigue des Ministres protecteurs. Voltaire s'étoit fait une fortune indépendante : il n'en avoit pas témoigné moins de joie , quand le Duc de Choiseul lui avoit fait rendre unpp°nsion que ses impiétés avoient fait supprimer. ( Voye\.lett. de Volt, à Damilav. 9 Janvier 1762. ) Bien plus que tout cela , Voltaire sa- von mieux que personne tous les succès que la conspi- ration contre le Christ devoit a la protection des adeptes couronnés , il etoit trop flatté de compter à son école , ( viij ) . ' des Rois , des Empereurs , pour se porter de lui même à une conspiration qui devoit ne laisser sur la terre ni Empereurs, ni Rois. Ces considérations donnèrent aux complots des So- phistes contre leTrÔne, une marchetouteautTe que celle deleur conspiration contre l'Autel. Bans leur guerre con* tre l'Evangile , l'égalité, la liberté pouvoient n'avoir été qu'un vain prétexte ; c'est la haine du Christ qui domi- noit chez eux , il est bien difficile qu'ils aient pu se le cacher à eux-mêmes : cette guerre fut celle des pas- sions contre les vertus religieuses , bien plus encore que celle de la raison contre les mystères du Christianisme. Dans la guerre des Sophistes contre le Trône, le pré- texte devint conviction ; l'égalité, la liberté parurent démontrées ; les Sophistes ne soupçonnèrent plus la faussetédeleurs principes; ils crurent faire aux Rois une guerre appuyée sur la justice et la sagesse. Là, ce furent toutes les passions inventant ces principes contre le Christ ; ici , ce fut la raison égarée par ces principes , se faisant une gloire, un devoir de triompher des Rois. La marche des passions avoit été rapide ; dès sa nais- sance même , la haine de Voltaire pour leChrist étoità son comble ; à peine il -le connut qu'il le haït ; à peine uploads/Philosophie/abbe-barruel-memoires-pour-servir-a-l-x27-histoire-du-jacobinisme-tome-ii.pdf
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- Publié le Oct 29, 2022
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