Remerciez-le!

Remerciez @Admin pour avoir partagé cet document gratuitement, de la manière la plus simple, en partageant sur les réseaux sociaux.

"ANALOGIA ENTIS" ET "ANALOGIA FIDEI" : UNE CONTROVERSE THÉOLOGIQUE ET SES ENJEU

"ANALOGIA ENTIS" ET "ANALOGIA FIDEI" : UNE CONTROVERSE THÉOLOGIQUE ET SES ENJEUX PHILOSOPHIQUES (KARL BARTH ET ERICH PRZYWARA) Author(s): Jean Greisch Source: Les Études philosophiques, No. 3/4, L'ANALOGIE (JUILLET-DÉCEMBRE 1989), pp. 475- 496 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41581850 . Accessed: 21/06/2014 20:07 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Les Études philosophiques. http://www.jstor.org This content downloaded from 62.122.76.45 on Sat, 21 Jun 2014 20:07:03 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions ANALOGIA ENTIS ET ANALOGIA FIDEI : UNE CONTROVERSE THÉOLOGIQUE ET SES ENJEUX PHILOSOPHIQUES (KARL BARTH ET ERICH PRZYWARA) Ce titre couvre une des péripéties les plus étranges de l'histoire longue et mouvementée du problème de l'analogie. Il s'agit d'une contro- verse qui a laissé des traces jusque dans la littérature théologique la plus récente, même si, de nos jours, il faut déjà faire un certain effort d'archéologie de la pensée si l'on veut retrouver les véritables causes qui ont permis à ce débat de naître et surtout si l'on veut comprendre son contexte qui lui donne une coloration très particulière. C'est d'abord cette reconstruction généalogique de la problématique philosophico- théologique de Y analoga entis qui s'est nouée dans les années vingt de notre siècle qui fera l'objet de la présente étude. Le temps pour un examen systématique et complet de la Wirkungsgeschichte de ce débat qui a fortement marqué l'histoire de la théologie contemporaine n'est peut-être pas encore venu et de toute façon un tel examen déborderait largement le cadre de cette étude. Je voudrais ici plus modestement retracer la genèse de cette étrange opposition analogia entis / analogia fìdei , qui est, notons-le, en réalité un chiasme, puisque la notion d'ana- logie y figure deux fois, mais à chaque fois sous un éclairage différent. Le problème n'est donc pas celui de choisir ou de rejeter la notion d'analogie, mais celui de comprendre la nature particulière de ce chiasme qui unit et qui sépare en même temps deux conceptions différentes de l'analogie qui ne peuvent pourtant pas ne pas se rencontrer. Je resserrerai encore davantage mon propos en indiquant que seule la première phase, inchoative, du débat, sera analysée ici. En effet, au cours de l'histoire de sa réception, elle aussi assez tourmentée, la problématique change progressivement d'allure, attirant dans son espace de gravitation entre autres le problème de la métaphore et, plus Les Etudes philosophiques , n° 3-4/1989 This content downloaded from 62.122.76.45 on Sat, 21 Jun 2014 20:07:03 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 476 Jean Greisch récemment encore, celui du récit1. Même si mes propres intérêts her- méneutiques m'amèneraient à m'intéresser plus particulièrement à ces derniers aspects du problème de l'analogie, il n'en sera pas question ici. Définie ainsi, la phase du débat qu'il s'agira d'analyser peut dans un premier temps être encadrée par deux dates symboliques. L'année 1922 tout d'abord. C'est l'année où paraît à Munich la seconde édition du Römerbrief de Karl Barth, qui apparaît aussitôt comme le manifeste d'une nouvelle école de théologie, baptisée théologie dialectique, ou « théologie de la crise ». Elle sonne le glas du paradigme qui régnait jus- qu'alors sur la théologie protestante depuis Schleiermacher. L'année 195 1 ensuite : en cette année un théologien catholique, Hans Urs von Bal- thasar, publie un ouvrage consacré à Karl Barth2 qui résume et dépasse tous les travaux antérieurement consacrés au même auteur et qui avaient déjà largement fait écho à la controverse autour de la notion d 'analogia entis. Or, dans cet ouvrage Balthasar montre de manière très convain- cante que l'alternative : analogia entis ou analoga fidei doit être dépassée. Karl Barth lui-même ne s'est pas trompé sur l'importance de l'inter- prétation de sa pensée par Hans Urs von Balthasar. En 1953, il lui rend un hommage ambigu en lui reconnaissant le mérite d'être celui de ses commentateurs catholiques qui l'a le mieux compris, ce qui ne l'empêche pas de voir en lui une espèce de Bultmann catholique. Les trente années qui s'écoulent entre ces deux dates déterminent la phase initiale du débat, au cours de laquelle la controverse a reçu son expression canonique. Mais il ne faut pas oublier que Balthasar lui-même appartient déjà à une deuxième génération de penseurs, ceux qui étaient obligés de se situer par rapport à une problématique dont ils n'étaient pas les véritables initiateurs. C'est en tant qúe lecteur attentif et admi- ratif de l'œuvre théologique de Karl Barth que Balthasar élabore sa propre solution du problème. Pour comprendre la genèse de la contro- verse, nous devons donc encore resserrer davantage la périodisation indiquée, en distinguant la période où le débat prend forme et une période ultérieure, déjà marquée par différentes tentatives de dépasser l'alternative : analogia entis ou analogia fidei . Seule la première période nous intéressera ici. Elle est dominée par deux grands noms : d'une part le jésuite Erich Przywara qui fut incontestablement le véritable spiritus rector de toute cette controverse. En 1932, il publiait une Méta- I. Pour une élaboration post-barthienne représentative de l'état actuel du débat, cf. en particulier Ebehard Jüngel, Gott als Geheimnis der Welt. Zur Begründung der Theologie des Gekreuzigten im Streit zwischen Theismus und Atheismus, Tübingen, Mohr, 2 1977, § 17 : « Das Problem analoger Rede von Gott », p. 357-382; § 18 : « Das Evangelium als analoge Rede von Gott », p. 283-408; trad, franç. par H. Hombourg, Dieu mystère du Monde. Fondement de la théologie du Crucifié dans le débat entre théisme et athéisme, 2 vol., Paris, Ed. du Cerf, 1983, p. 2, p. 62-91. 2. Hans Urs von Balthasar, Karl Barth. Darstellung und Deutung seiner Theologie, Köln, Jokob Hegner, 2 1962. This content downloaded from 62.122.76.45 on Sat, 21 Jun 2014 20:07:03 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions « Analogìa entis » et « analogia fidei » 477 physique qui avait précisément pour titre : Analogia Entis*. D'autre part le théologien Karl Barth, auteur d'une monumentale Kitchliche Dogmatik , un ouvrage qui est assurément un des chefs-d'œuvre théo- logiques de notre siècle, et probablement un chef-d'œuvre de la théologie chrétienne tout court4. C'est entre ces deux génies antithétiques que s'est développée la controverse initiale sur les usages et des mésusages possibles de la notion d 'analogia entis . C'est donc à leur confrontation que se limitera mon analyse. i / L'analogia entis et le problème de la Weltanschauung catholique Avant d'aborder les aspects théologiques et philosophiques de ce débat, il n'est pas inutile de dire un mot sur son arrière-plan culturel et religieux. Un terme particulier, qu'on ne rencontre plus que très rarement sur la scène intellectuelle contemporaine, et qui a l'époque constituait un véritable mot de passe, doit d'emblée retenir notre atten- tion. Il s'agit du terme Weltanschauung^ « vision du monde ». On connaît la carrière de cette notion, forgée par Kant dans la Critique du jugement , reprise par Schelling dans le contexte d'une esthétique du génie, enfin mise au service d'une critique de la raison historique par Dilthey et orchestrée largement par Karl Jaspers dans sa Psychologie der Weltan- schauungen (Berlin, 1925). Jaspers en propose la définition suivante : « Lorsque nous parlons de Weltanschauung nous avons en vue des idées, ce qui pour l'homme constitue l'instance ultime, la détermination glo- bale, aussi bien subjectivement en tant que vécu, force et conviction, qu'objectivement en tant que monde ayant reçu une configuration réelle et objective. » Telle est bien une première originalité de l'usage de la notion d? analogie entis que prône le P. Przywara : elle vient maintenant s'inscrire dans un contexte dominé très largement par le souci de déve- lopper une « vision du monde ». Cela ni Aristote, ni saint Thomas, ni Kant ne l'avaient prévu, eux qui confiaient au terme d'analogie de tout autres tâches. Pour la première fois dans l'histoire du problème, 3. Erich Przywara, Analogia Entis. Metaphysik. Ur-Struktur und All-Rythmus, Schriften III, Einsiedeln, Johannes-Verlag, 1962. Pouf une interprétation systématique de la problématique de l'analogie chez cet auteur cf. l'excellente monographie de B. Gertz, Glaubenswelt und Analogie. Die theologische Analogie-lehre Erich Przywaras und ihr Ort in der Auseinandersetzung um die analogia fidei, Düsseldorf, Patmos, 1969. 4. Ci. Karl Barth, Die Kirchliche Dogmatik , I, i : Die Lehre vom wort Gottes. Prolegomena zur kirchlichen Dogmatik, Munich, 1932; trad, franç. Dogmatique. Premier volume : La Doctrine de la Parole de Dieu. Prolégomènes à la Dogmatique, Genève, Labor & Fides, 1953. Concernant la problématique de l'analogie, est particulièrement important le § 6 : « De la possibilité de connaître Dieu » (p. 220-238). Id., uploads/Philosophie/jean-greisch-analogia-entis-et-analogia-fidei.pdf