La Tunisie post Ben Ali face aux démons du passé : Transition démocratique et p

La Tunisie post Ben Ali face aux démons du passé : Transition démocratique et persistance de violations graves des droits de l’Homme TUNISIE Article premier : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. Article 2 : Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque Juillet 2011 N°567f 2 / Titre du rapport – FIDH Photo : Sit in de la Kasbah 2 à Tunis, 25 février 2011 FIDH/CNLT/LTDH – Tunisie / 3 Avant propos - ----------------------------------------------------------------------------------------------4 Contexte ----------------------------------------------------------------------------------------------------5 I/ Répression arbitraire de manifestations depuis le 14 janvier : des actes délibérés-------------8 II/ L’enjeu crucial de la lutte contre l’impunité dans un contexte de dysfonctionnements graves de la police et de la justice -------------------------------------------------------------------- 24 Conclusion ----------------------------------------------------------------------------------------------- 32 Recommandations -------------------------------------------------------------------------------------- 33 4 / Tunisie – FIDH/CNLT/LTDH Avant propos Alertée par ses organisations membres en Tunisie, le Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) et la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme (LTDH), la FIDH a décidé de mandater une mission internationale d’enquête portant sur les violations des droits de l’Homme commises à l’encontre des manifestants depuis le début de la période de transition en Tunisie. La mission s’est déroulée du 20 au 27 mai 2011 et était composée d’Amine Sidhoum, militant des droits de l’Homme et avocat algérien, de Jean-Pierre Séréni, journaliste français, et de Clémence Bectarte, avocate française en charge de la coordination du Groupe d’action judiciaire de la FIDH1. Les chargés de mission, accompagnés de représentants du CLNT et de la LTDH, ont pu rencontrer des manifestants victimes de violations des droits de l’Homme à Tunis, Siliana et Kasserine, des avocats, des magistrats et des membres d’organisations de droits de l’Homme ainsi que M. Habib Essid, ministre de l’Intérieur, M. Mohamed Cherif, Procureur général auprès du ministre de la Justice en charge des affaires judiciaires, le Lieutenant-colonel Imad Dridi, Directeur de la prison de Mornaguia, M. Nourredine Chaabani, Directeur de l’Administration pénitentiaire (remplacé depuis) et le Colonel major Marwan Bouguerra, Directeur général de la justice militaire près des Tribunaux militaires (Sfax, le Kef et Tunis). La FIDH, le CNLT et la LTDH tiennent à remercier les autorités de leur coopération et de leur volonté manifeste d’entamer un dialogue constructif avec la société civile, dans un contexte de transition vers la démocratie qui comporte de multiples défis. 1. Le présent rapport ne tient pas compte des évènements intervenus en Tunisie postérieurement au 1er juin 2011. FIDH/CNLT/LTDH – Tunisie / 5 Contexte Depuis la chute de la dictature de Zine el-Abidine Ben Ali, le 14 janvier 2011, l’évolution politique de la Tunisie est passée par deux phases bien distinctes. Du 15 janvier au 27 février, la transition s’est organisée autour de trois idées forces : le maintien de la Constitution de 1959 ; l’établissement d’un gouvernement d’union nationale associant des membres de l’ancien gouvernement de Ben Ali - dont certains appartenaient à l’ancien parti hégémonique, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) - à trois partis de l’opposition « historique » légale (le Parti démocratique progressiste (PDP), le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) et Ettajdid) et au syndicat unique, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) (500 000 membres) ; enfin, des élections présidentielles anticipées à tenir dans les six mois. Ce premier gouvernement n’a duré que quelques jours pour laisser la place à un deuxième gouvernement, présidé cette fois par l’ancien Premier ministre de Ben Ali, Mohammed Ghannouchi. Le FDTL et l’UGTT ont renoncé à faire partie de ces deux gouvernements. Les forces politiques et sociales laissées à l’écart de ce compromis, des représentants du parti Ennahda aux jeunes révoltés des provinces déshéritées de l’ouest du pays, s’y sont immédiatement opposées. L’UGTT s’est retirée presque immédiatement du gouvernement, les partis de l’opposition ont suivi. La pression s’est accrue dans la rue avec une première occupation de la place du gouvernement (Kasbah I, du 23 au 28 janvier) qui a imposé le départ des politiciens RCD des ministères régaliens (Affaires étrangères, Défense, Intérieur) qu’ils occupaient déjà sous le régime de l’ancien président Ben Ali, puis la démission du RCD des derniers ministres nommés avant le 14 janvier. La deuxième étape commence fin février avec une nouvelle occupation de la place du gouvernement (Kasbah II) suivie le vendredi 25 février d’une manifestation de masse dans le centre de Tunis. Cette mobilisation a conduit à la démission de Mohamed Ghannouchi, Premier ministre depuis 1999 et la nomination de Béji Caïd Essebsi, plusieurs fois ministre sous le régime de Bourguiba et président de la Chambre des députés sous Ben Ali, au poste de Premier ministre, avec une feuille de route toutefois très différente. Le gouvernement de transition est provisoire, composé uniquement de techniciens qui ne pourront se présenter à l’élection d’une assemblée constituante fixée initialement au 24 juillet. Ce gouvernement est en charge des seules affaires courantes et abandonne l’organisation de la transition à une nouvelle institution, l’Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique. Cette instance, aussi communément appelée Haute instance, est composée de 155 membres représentant douze partis politiques, dix-neuf associations ou syndicats, onze gouvernorats sur vingt-quatre2, auxquels s’ajoutent soixante-douze « personnalités nationales » dont de nombreux avocats et hommes de loi3. Cette assemblée pluraliste, sans précédent en Tunisie, où se retrouvent islamistes, socialistes, centristes, baasistes, trotskystes, maoïstes et unionistes arabes, met au point la nouvelle loi électorale en vue de la désignation d’une assemblée nationale constituante chargée de remplacer la constitution de 1959 qui est « suspendue ». Elle opère dans un premier temps dans un relatif consensus : quatre scrutins suffiront malgré l’importance historique des choix opérés : parité 2. En effet, seuls 11 gouvernorats sont parvenus à trouver un consensus sur la désignation d’un représentant au sein de la Haute instance. 3. Cette instance est présidée par Yadh Ben Achour, professeur de droit. 6 / Tunisie – FIDH/CNLT/LTDH hommes-femmes sur les listes électorales4, prohibition de la violence sous toutes ses formes, adoption du scrutin proportionnel, création d’une commission électorale indépendante qui prend en charge l’organisation et la supervision des élections, jusque-là sous la coupe du ministère de l’Intérieur. A plusieurs reprises, l’Instance et le gouvernement ont rencontré des difficultés pour trouver un accord.5 Ce fut notamment le cas à propos de l’inéligibilité des dirigeants de l’ancien régime6 ainsi que sur la date des élections qui se tiendront finalement le 23 octobre, suite à un accord entre l’Instance supérieure, la Commission électorale, les partis politiques et le Premier ministre. Le gouvernement, en charge pour l’essentiel du maintien de l’ordre et des affaires économiques et sociales, polarise les revendications et les récriminations qui se matérialisent régulièrement par des mouvements de protestations (manifestations, sit-in, etc.). Les reproches faits au gouvernement de transition sont d’ordres différents. Outre les difficultés endémiques, la guerre civile en Libye avec son flot de réfugiés (plus de 540000 personnes avaient fui la Libye vers la Tunisie au 17 juin 2011, selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés7), les menaces terroristes et la forte tension aux frontières ont accentué l’insécurité économique, constituant un défi majeur pour la stabilité du pays. Par ailleurs, les travaux de l’Instance supérieure mais également des deux Commissions nationales – sur l’établissement des faits sur les dépassements commis pendant les derniers évènements et sur la corruption - restent largement méconnus. Un déficit de communication participe de la propagation d’un certain mécontentement voire de la méfiance au sein de groupes de population se considérant comme mis à l’écart de ces processus dont certains, comme la Haute instance, sont décisionnels. Par ailleurs, les rumeurs agitent autant les esprits que les informations vérifiées et établies. Il en résulte un climat d’extrême méfiance qui a des conséquences politiques aussi bien qu’économiques et sociales. En conséquence, sit-in, grèves et manifestations ont marqué les mois de janvier et février ; au moment de la réalisation de la mission d’enquête à la fin du mois de mai, le phénomène avait quelque peu reculé sauf dans l’administration, dans certaines entreprises publiques (Tunisie Telecom), dans quelques secteurs industriels (chimie, phosphate) et dans plusieurs régions de l’intérieur. La préparation du prochain scrutin et le mandat limité du gouvernement ont fait passer au second plan le traitement de la question sociale qui revêt deux formes forcément liées : le poids du chômage et le retard des régions de l’intérieur8. Les provinces les plus uploads/Politique/ rapport-des-droits-de-l-x27-homme-dans-la-tunisie-apres-ben-ali.pdf

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