L’icône arabe, vision de l’art sacré Par Mère Agnès-Mariam de la Croix La repré
L’icône arabe, vision de l’art sacré Par Mère Agnès-Mariam de la Croix La représentation du divin est naît en Orient, dans le même espace culturel où s’imposeront à des époques diverses les interdictions de la figuration sacrée. Si l’Orient est le côté où se lève le soleil ses ténèbres ne sont que plus soudaines et profondes. Dans sa quête de la Lumière qui éclaire le fond de son esprit l’homme a cherché Dieu. Toutes les plaines, les déserts et les montagnes de l’Orient portent la trace de cette quête. Ce sont des stèles, des autels, des temples, des sanctuaires, des synagogues, des églises et des mosquées. L’espace cultuel a été orné des milles feux de la vision de Dieu. La Parole puis l’Ecriture avait précédées l’élucidation picturale. Les mosaïques ont orné les murs et les planchers puis l’Image divine a été rendue mobile sur des planches de bois recouvertes d’enduit blanc, facilement transportables. L’icône est naît du besoin de l’homme, même monothéiste, de contempler face à face le Visage de Dieu et d’être accompagné par lui. Voir Dieu est le cri de Moïse : « montre-moi Ta Gloire ». Mais Dieu répond « nul ne saurait voir mon visage sans mourir » et Il lui propose de le cacher dans le creux du rocher pour qu’il puisse entendre le Nom de Dieu –qui est amour et miséricorde- et pour qu’il contemple Dieu par derrière, c'est-à-dire à travers Ses œuvres. C’est ce même Moïse qui « a vu sans voir » mais qui a plutôt entendu la Voix de Dieu crier le Nom de Dieu qui transmettra au peuple les interdits ayant trait à la figuration du sacré. « Tu ne te feras point d’image taillée, de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre et qui sont dans les eaux plus bas que la terrre » (Deutéronome 5,8). L’homme ne peut avoir aucune « idée » de ce qu’est Dieu. Il ne saurait le figurer car « Il est plus grand ». Par contre si Dieu se révèle, l’homme pourra « contempler » Dieu et essayer de « transmettre » ce qu’il a vu. Saint Jean le Théologien dit bien du Christ : «Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, concernant la parole de vie, - car la Vie a été manifestée, et nous l'avons vue et nous lui rendons témoignage, et nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous a été manifestée ». (Première Epître de Saint Jean 1Jn 1:2). La tendance à répudier le figuratif a toujours subsisté en Orient, depuis les pharaons et jusque dans le christianisme. C’est comme un dépassement dans la quête impossible d’exprimer l’ineffable Invisible1. L’iconoclasme remonte au pharaon Akhenaton (1372 - 1354 avant J-C). Ce pharaon, qu'on considère comme le père du monothéisme, a déclaré le Soleil, Aton, seule et unique divinité, et a ordonné de fermer les temples des autres divinités et de détruire leurs statues. Une inscription provenant de sa capitale Akhet-Aton (Tell Al-Amarna) dit que le Dieu Aton "se façonne lui même avec ses mains, et aucun sculpteur ne le connaît". Le seul trait humain conservé d'Aton se manifeste par les mains terminant les rayons du soleil, qui donnent le signe de vie au roi pour entretenir la création. Ceci n'empêchait pas la représentation du Pharaon et de sa femme Néfertiti en compagnie du disque solaire 1 Olivier Clément dira « l'iconoclasme semble s'expliquer en profondeur par une violente poussée de transcendantalisme sémitique, par des influences juives et musulmanes qui majoraient, dans la tradition orthodoxe, le sens de l'incognoscibilité divine au détriment du sens de la "Philanthropie" et de l'Incarnation. » (in « Pour une théologie de l’icône ») 1 Dans la tradition juive et islamique l’art sacré fut aniconique par essence et devint aléatoirement figuratif sous l’influence du christianisme. Dans la tradition chrétienne l’art sacré fut figuratif par essence et ne devint aniconique que temporairement. Dès le IIè siècle, la première crise iconoclaste2 du christianisme a porté sur le mystère de la Croix. Les docètes et les aphtar-docètes, refusaient de montrer le Christ sur la Croix 3. On disait qu'une splendeur était venue le cacher et que personne ne l'avait vu sur la Croix. Aussi, jusqu'au IVè siècle on aura très peu de représentations du Christ en Croix. Plus tard l’Orient qui avait vu se cristalliser l’art primitif chrétien fut aussi le témoin de sa purification4 par une longue crise de près de cent vingt ans (726-842). Les iconoclastes (casseurs des icônes) et les iconodules (amants des icônes) se sont livrés une guerre sans merci. L’icône est sortie triomphante de cette lutte avec une explicitation théologique solide grâce à de grands docteurs tels que Saint Jean Damascène, Théodore Abuqurra –tous les deux de culture arabo- chrétienne - Théodore Studite et Maxime le Confesseur. Ces théologiens orientaux 5 de l’icône affirment clairement : Dieu que personne n’a vu et qu’il était interdit de représenter dans l’Ancien Testament pour ne pas tomber dans des schèmes idolâtriques, est devenu visible. Puisque Dieu a été vu par des yeux de chair : on peut Le représenter. Tel est le fondement de l’art iconographique. L’icône devint le moyen sûr d’exprimer la plus grande manifestation de Dieu dans l’histoire : l’Incarnation6. A la Traditio7 de la Foi s’ajoutera une Traditio de la vision8. Après l’hégire les musulmans ne se ferment pas à l’art figuratif chrétien. Les Omeyyades en Syrie, les Abbassides en Mésopotamie ou les Almoravides en Espagne offrirent des plateformes interculturelles où chrétiens, musulmans et juifs se laissaient enrichir les uns par les autres, en un formidable croisement civilisateur. Les maisons spacieuses de l’Islam La crise iconoclaste est concomitante, à quelques décennies près, avec la conquête arabo- musulmane. L’état des recherches ne permet pas de dire si l’Islam a influencé cette crise ou si elle émane de courants hétérodoxes émanant d’un judéo-christianisme tardif qui a lui-même influencé l’Islam dans le sens d’une iconophobie9. Toujours est-il que l’Islam n’a pas empêché le triomphe de l’orthodoxie. La plupart des rares icônes ou représentations picturales ayant échappé au massacre iconoclaste se trouvent au monastère Sainte Catherine du Sinaï qui furent épargnées car se trouvant 2 Expression en grec qui signifie "casseurs d'images". 3 Cependant il est attesté que les gnostiques carpocratiens avaient des représentations du Crucifié. Citons notamment une gemme de Syrie, datant du IIème siècle où se trouve gravé le Crucifié avec nimbe crucifère, entouré de Marie et de Jean. Il est impossible d'affirmer que ce crucifix si primitif soit l'oeuvre d'une secte gnostique. En tous les cas les premiers crucifix, comme tant d'autres éléments de l'iconographie, de la liturgie et de la théologie, nous viennent de l'Eglise d'Antioche. 4 L’iconoclasme fut aussi une réaction contre une culte idôlatrique de l’image contre la contamination de ce culte par la notion magique ou théurgique (au sens néo-platonicien du mot) qui voulait que l'image fût plus ou moins consubstantielle à son modèle : on arrivait ainsi à confondre l'icône et l'eucharistie, et certains prêtres mêlaient aux saints dons les parcelles d'icônes particulièrement vénérées. Ainsi s'opposaient dans l'Eglise les deux grandes conceptions non-chrétiennes du divin que seul peut concilier le dogme de Chalcédoine : d'une part le Dieu d'un Ancien Testament statique qui ne serait pas "préparation évangélique", un Dieu personnel mais enfermé dans sa Monade transcendante, un Dieu qu'on ne peut pas représenter parce qu'on ne saurait participer à sa sainteté ; de l'autre, le divin comme nature sacrée ou plutôt comme sacralité de la nature, l'omniprésence dont participe toute forme. L'Orthodoxie surmonta ces deux tentations opposées en affirmant le fondement christologique de l'image et sa valeur strictement personnelle (et non substantielle) (ibid.). 5 Les théologiens occidentaux, à commencer par Grégoire le Grand, diront que l’icône sert à « nous souvenir » des mystères du salut. 6 Olivier Clément a cette phrase lapidaire : L'Incarnation fonde l'icône et l'icône prouve l'Incarnation. 7 Transmission apostolique ininterrompue 8 Il ne sera pas difficile de noter la grande ressemblance des visages du Christ adulte depuis les origines et jusqu’à nos jours. 9 Nul part le Coran n'interdit de dessiner une image, une forme, mais comme ce terme est rattaché à l'œuvre de Dieu, celui qui se livre à une telle tâche est perçu comme faisant œuvre de Dieu et un concurrent redouté, surtout que l'image peut faire l'objet d'adoration, et donc promouvoir le polythéisme (association d'autres divinité à Dieu). L’interdiction des images prolifèrera dans les Hadith . Cf. L'ART FIGURATIF EN DROITS JUIF, CHRÉTIEN ET MUSULMAN par Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh, publié sur le net. 2 en terre d’Islam, en dehors de la juridiction du Basileus byzantin. Bien plus encore, les premières dynasties régnantes musulmanes ont été favorables à des représentations anthropomorphes en dehors des lieux de culte. Nous pouvons toujours contempler les belles fresques des palais Omeyyades du désert. N’est-il pas uploads/Religion/ introduction-icones-arabes 1 .pdf
Documents similaires










-
39
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Apv 14, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
- Taille du fichier 0.1429MB