Jean­Baptiste Willermoz (1730­1824) Par Jean­François Var Jean­Baptiste Willerm

Jean­Baptiste Willermoz (1730­1824) Par Jean­François Var Jean­Baptiste Willermoz, né à Lyon le 10 juillet 1730 et mort dans la même ville le 29 mai 1824, fut un Maçon d’une envergure exceptionnelle, comme il ne s’en rencontre pas beaucoup par siècle. C’est indéniablement une des personnalités les plus éminentes et les plus considérables de l’histoire de la Maçonnerie ­ surtout de la Maçonnerie française, mais pas uniquement d’elle, et qui exerça sur son évolution une influence déterminante. Véritable père fondateur du Régime Ecossais Rectifié, il fut l’architecte en chef d’un édifice qui subsiste encore durablement malgré d’étonnantes vicissitudes. Il a longtemps été de mode d’adopter à son sujet un ton dénigrant et persifleur, qu’on retrouve à l’envi sous la plume de Paul Vulliaud, d’Alice Joly, de René le Forestier, de Pierre Chevallier… Le tournant fut pris en 1973 lorsque, dans son Esotérisme au XVIIIe siècle, Antoine Faivre, le premier, écrivit : « On peut dire qu’il atteignit une haute spiritualité et que sa largeur de vue était peu commune. Il se montra doué autant pour la méditation et l’illumination intérieure que pour l’organisation ou l’administration. La Révolution a failli être fatale à son œuvre ; mais on le considère toujours comme l’un des plus grands personnages de l’histoire maçonnique. » (p. 176). Depuis lors, en particulier avec la remise au jour de nombreux documents d’archives, la grandeur du personnage s’est imposée de plus en plus. Issu d’une ancienne famille de bourgeois de Saint­Claude (dont le patronyme s’orthographiait originellement Vuillermoz), et qui était, d’après des documents de famille, d’origine espagnole lointaine, son père s’était installé à Lyon comme marchand mercier. Jean­Baptiste, aîné de douze frères et sœurs, fut très jeune projeté dans la vie active : mis en apprentissage auprès d’un commerçant en soieries à l’âge de 14 ans, il monta à 24 ans sa propre manufacture ; peu avant Wilhelmsbad, une notice le décrit comme « fabricant en étoffes de soie et d’argent et commissionnaire en soieries. » Il vendit son établissement en 1782 tout en conservant des intérêts dans la maison de mercerie en gros de son frère Antoine et de son beau­frère Pierre Provensal, époux de sa sœur aînée Claudine. Même s’il consacra à la Franc­Maçonnerie l’essentiel de sa longue vie, il s’engagea activement dans la vie de la cité en se conformant à l’esprit des règles qu’il avait lui­même édictées pour les Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, c’est­à­dire en mettant ses facultés d’organisateur et d’administrateur au service de la religion et de la bienfaisance au sens large du terme : il fut successivement ou simultanément administrateur de l’hôtel­dieu (notamment durant la période périlleuse de la Terreur, en 1793) puis des hospices civils de Lyon, membre du conseil de fabrique (c’est­ à­dire du conseil paroissial) de Saint­Polycarpe, conseiller général du département du Rhône, il s’occupa d’instruction primaire, devint agriculteur passionné… Willermoz fut tout sauf un Maçon en chambre. C’est néanmoins par son œuvre maçonnique qu’il est passé à la postérité. Initié en 1750 à l’âge de 20 ans dans une loge dont on ignore le nom, il franchit très rapidement tous les échelons. Elu Vénérable à peine deux ans plus tard, en 1752, il ressent la nécessité de mettre de l’ordre dans une situation marquée « par des abus qui s’accréditaient de plus en plus » et il contribue à former, en 1760, la Grande Loge des Maîtres Réguliers de Lyon, reconnue en 1761 par la Grande Loge de France. Après en avoir été le Président en 1762­63, il obtient d’en devenir le « Garde des sceaux et archives », fonction qui devait avoir ses préférences dans tous, ou presque tous, les organismes auxquels il appartint car, tirant parti de la correspondance d’affaires qu’il entretenait avec l’Europe entière, il pouvait ainsi se livrer à une de ses activités favorites : recueillir, étudier et comparer les rituels de tous les grades possibles. Et cela indubitablement par goût de collectionneur, mais aussi pour des raisons bien plus profondes, qu’il exposera dans une lettre de novembre 1772 au baron de Hund, le fondateur de la Stricte Observance : « Depuis ma première admission dans l’Ordre, j’ai toujours été persuadé qu’il renfermait la connaissance d’un but possible et capable de satisfaire l’honnête homme. D’après cette idée, j’ai travaillé sans relâche à le découvrir. Une étude suivie de plus de 20 ans, une correspondance particulière fort étendue avec des frères instruits en France et au dehors, le dépôt des archives de l’Ordre de Lyon, confié à mes soins, m’en ont procuré bien des moyens… » Et il constitue, à l’effet d’étudier tous les « hauts grades » dont il se procurait la connaissance et d’en être en quelque sorte le « laboratoire », un chapitre réservé à une « petite société » : le chapitre des Chevaliers de l’Aigle noir, dont il confia la présidence à son frère Pierre­Jacques. Le but de ces recherches, à savoir le véritable but de la Franc­Maçonnerie, lui fut révélé lorsqu’il fut admis en mars 1767, par Martines de Pasqually en personne, dans son Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers. Dans une lettre, également de 1772, à un autre dignitaire de la Stricte Observance, le baron de Landsperg, Willermoz s’en explique avec discrétion mais avec netteté : « Quelques heureuses circonstances me procurèrent l’occasion dans mes voyages d’être admis dans une société bien composée et peu nombreuse, dont le but qui me fut développé hors des règles ordinaires me séduisit. Dès lors tous les autres systèmes que je connaissais (car je ne puis juger ceux que je ne connais pas) me parurent futiles et dégoûtants. C’est le seul où j’ai trouvé cette paix intérieure de l’âme, le plus précieux avantage de l’humanité, relativement à son être et à son principe. » De fait, convaincu d’avoir découvert la vérité de la Maçonnerie, Willermoz ne s’en départira jamais et demeurera inébranlablement fidèle, en dépit des apparences, et quoi qu’on ait prétendu, à son initiateur Martines, à sa doctrine et à son Ordre. Après l’avoir reçu, comme il vient d’être dit, au cours d’une cérémonie empreinte d’émotion (que Willermoz devait relater en 1781 à Charles de Hesse), le Grand Souverain, qui avait décelé ses capacités, le nomma peu après « Inspecteur général de l’Orient de Lyon et Grand Maître du Grand Temple de France ». En mai 1768, le Substitut Universel de l’Ordre des Elus Coëns, Bacon de la Chevalerie l’ordonna Réau­Croix ; bien que cette ordination ait été opérée sur autorisation de Martines, celui­ ci éprouva des doutes sur sa parfaite régularité, et il décida de la confirmer deux ans plus tard, en mai 1730, par la « voie sympathique », c’est­à­dire à distance ­ méthode fréquente pour les opérations des Elus Coëns, notamment les travaux d’équinoxe. Willermoz prit très au sérieux les fonctions qui lui avaient été conférées et, méticuleux comme il l’était, il fut, parmi les disciples de Martines, le plus pressant pour obtenir de lui des rituels, instructions et autres documents qui faisaient défaut aux Coëns pour travailler ; à cet égard, sa correspondance avec Saint­Martin, lorsque celui­ci fut devenu secrétaire de Martines, est des plus précieuses, de même que les notes que lui­même établit pour la pratique des rituels coëns. Par dérogation à la règle qu’il s’était imposée pour les autres systèmes, y compris le sien, à savoir le Régime Ecossais Rectifié, il tint à conserver la conduite du Temple de Lyon, et il le maintint en effet en activité bien après la désagrégation de l’Ordre des Elus Coëns, jusqu’aux premiers troubles de la Révolution. Preuve du respect révérencieux que Willermoz portait à l’œuvre de son maître, il n’apporta aucun changement, même léger, à l’Ordre des Elus Coëns, qu’il laissa complètement à l’écart de sa grande entreprise de réforme ­ de rectification ­ de la Maçonnerie. Enfin, en ce qui concerne l’homme, en dépit des tiraillements ou des agacements réciproques, inévitables de la part de personnes aux natures aussi caractérisées et aussi contrastées, il lui porta toujours la plus grande considération en tant que maître initiateur, écrivant à son sujet, dans son extrême vieillesse, en 1821 : « Cet homme extraordinaire auquel je n’ai jamais connu de second. » C’est que Willermoz avait adhéré d’emblée, et définitivement, à la doctrine de la réintégration, doctrine dont il estima dès lors qu’elle avait été, et devait être toujours, à la base de la Maçonnerie primitive et authentique ; si elle était absente de tel ou tel système maçonnique, c’était la marque que celui­ ci était « futile ou dégoûtant » ou encore « apocryphe », disait­il en empruntant le terme et l’idée à Martines. La découverte de la doctrine de Martines ne dissuada nullement Willermoz de continuer ses enquêtes sur tous les systèmes maçonniques qui venaient à sa connaissance et de solliciter de ses nombreux correspondants, souvent princiers, tel Charles de Hesse, des échanges de « lumières ». Mais on s’est complètement mépris sur le sens de ces démarches, qu’on a présentées comme une quête incessante et toujours inassouvie de la vérité. Rien n’est plus erroné. uploads/Religion/ var-jean-francois-jean-baptiste-willermoz-1730-1824.pdf

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  • Publié le Sep 30, 2021
  • Catégorie Religion
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