Origines de l’islam : le déni musulman 10 janv. 2019 Par Hocine kerzazi B
Origines de l’islam : le déni musulman 10 janv. 2019 Par Hocine kerzazi Blog : Le blog de Hocine kerzazi Certains détracteurs musulmans persistent à nier l’évidence des découvertes nouvelles de la recherche historique. Celles-ci invalident désormais le substrat de la tradition musulmane dont les grandes lignes prévalaient naguère dans les milieux scientifiques. Cela semble inacceptable pour ceux qui font prédominer leur foi sur la réalité que la science a mise au jour. Dans le sillage de nos récentes contributions[ii] sur l’avancée des travaux historico-critiques consacrés à la genèse de l’islam, un certain Ahmed Amine, historien autodidacte, s’est ainsi attaché à fustiger des thèses et des personnes qu’il qualifie arbitrairement « d’hypercritiques » dans une récente publication parue sur Oumma.com[iii]. Il y déplore la partialité supposée de ces chercheurs et leurs intentions présumées de « déconstruire » des consensus établis[iv]. Il reste que ce « droit de réponse » – c’est le titre de l’article et la revendication de son auteur – fait sursauter, tant cette notion recouvre en principe une situation spécifique à laquelle Ahmed Amine ne peut prétendre. Cet auteur n’est l’objet d’aucun de nos articles et sa personne n’y a jamais été attaquée. Seule l’historicité du récit traditionnel de l’islam est au cœur de nos analyses. En revendiquant un « droit de réponse », Ahmed Amine montre qu’il s’identifie lui-même à l’islam, ou aux principaux rédacteurs de son récit traditionnel vis-à-vis duquel il affirme pourtant avoir pris ses distances[v]. Aussi, le présent article se pose-t-il comme une mise au point nécessaire dans l’intérêt du lecteur d’une part – témoin direct d’un type de raisonnement faussement scientifique, ou plutôt « scientifisant », que nous allons examiner – et de la recherche historique d’autre part, pour la défense de sa légitimité scientifique. 1) Contester la valeur scientifique L’article d’Ahmed Amine s’illustre particulièrement par cette incapacité à discuter de la teneur du dossier historique. Il use de diverses ficelles pour cela, comme l’entretien d’une confusion permanente entre la narration de l’histoire selon le scénario proposé par telle ou telle thèse[vi], et la logique démonstrative de leurs cadres théoriques respectifs. Ou bien comme la déformation des arguments qu’il conteste, présentés de manière volontairement partielle et incomplète pour éviter de s’aventurer réellement dans leur examen. C’est la tactique classique de « l‘homme de paille ». Il prétend de la sorte contester la « mise à l’écart »[vii] de la tradition islamique à laquelle nous procéderions à la suite de toute « l’école critique ». Or, ceci est une fausse accusation, qui procède d’un amalgame entre l’examen scientifique du récit traditionnel et une prétendue exclusion a priori des sources musulmanes. Dans le strict cadre de la méthode scientifique, les éléments du récit traditionnel sont évidemment pris en compte au travers de leur analyse critique comme le sont n’importe quels autres témoignages et n’importe quelles autres sources. Par ailleurs, l’ensemble du récit traditionnel des origines n’est pas non plus rejeté a priori, par principe. Il est simplement considéré comme un scénario, comme une hypothèse parmi d’autres, à la manière de celles que formulent les chercheurs pour expliquer les différents éléments relatifs aux origines de l’islam – sources scripturaires, traditions, vestiges, artefacts divers, etc. C’est ainsi que l’on procède selon la méthode scientifique : on formule des hypothèses, des scénarios possibles que l’on confronte aux données disponibles. C’est la confrontation du récit traditionnel à ces données qui l’invalide globalement : « l’hypothèse musulmane » se révèle en effet incapable de rendre compte de l’ensemble du dossier historique[viii] en l’état des connaissances disponibles. Au cas par cas, tel ou tel élément du scénario musulman peut certes se révéler compatible avec le dossier historique, mais pas au global, pas dans les grandes lignes de la tradition musulmane rappelées précédemment (à savoir l’apparition de l’islam au VIIe siècle en Arabie par la prédication de Muhammad). Il n’est donc nullement question, dans les travaux que nous développons dans nos synthèses, « d’écarter » par principe la tradition musulmane, mais seulement de la soumettre à un strict examen critique. En soutenant le contraire, Ahmed Amine s’interdit de discuter de l’essentiel[ix]. En somme, son problème de fond se trouve être l’ignorance ou la non application de la méthode scientifique. Il n’est pas sans rappeler les reproches que formulait déjà Ibn Khaldoun contre les « historiens » musulmans, dès l’introduction de ses Prolégomènes[x]. Selon les termes d’Ahmed Amine, nous « passerions sous silence »[xi] les travaux de « l’école orientaliste »[xii]. Et pour cause, car ceux-ci n’intègrent pas les acquis de la recherche dite « critique ». Effectivement, puisqu’ils ne prennent pas en compte toutes les données d’époque, puisqu’ils ne peuvent pas prendre en compte celles issues des découvertes les plus récentes, ils ne peuvent que proposer des hypothèses partielles ou fantaisistes. Elles pouvaient être légitimes en leur temps, mais sont dépassées désormais que s’accumulent de nouvelles découvertes. Tous ignorent en effet les chroniques et témoignages attestant de l’existence d’une espérance messianiste chez les « Tayayê » qui ont marché sur Jérusalem en 637-638[xiii]. Ils font l’impasse sur le projet de ces conquérants, déterminés à restaurer le Temple de Jérusalem sous la houlette de leaders décrits comme « juifs ». Ils ignorent en outre les graffitis retrouvés en Syrie qui établissent l’existence d’une communauté première de Muhāǧirīn[xiv], tout comme ils ignorent les descriptions historiques d’une tribu commerçante de « Quraych » installée en Syrie où les ruines d’un caravansérail[xv], lieu d’accueil de marchands nomades et de commerçants caravaniers[xvi] étaient encore visibles en 1920[xvii]. Toute hypothèse plausible relative aux origines de l’islam se doit désormais de prendre en compte et d’expliquer ces éléments. Et c’est valable également pour le récit traditionnel musulman, qui, les ignorant tous, s’en trouve de fait invalidé. Quant à l’existence de La Mecque selon le récit traditionnel, faire état des travaux procédant toujours du postulat musulman qui l’établit comme lieu des origines de l’islam n’a plus de sens maintenant que les historiens ont, par exemple, établi sur le plan philologique, logique[xviii], climatologique[xix], commercial[xx] et surtout sur le plan archéologique que La Mecque n’existait pas au temps de Muḥammad[xxi]. Aucune source ancienne ne la mentionne. Ahmed Amine fustige là ce qu’il appelle « l’argument du silence » des sources en faisant valoir que « l’absence de preuves n’est pas forcément une preuve d’absence »[xxii]. Certes, La Mecque n’a pas été explorée par des équipes obéissant à la même rigueur que Christian Julien Robin, archéologue du CNRS rompu aux meilleures méthodes en la matière. Cela n’empêche qu’absolument rien n’a été exhumé des fouilles titanesques entreprises par les autorités saoudiennes sous la supervision de Commissaires aux Antiquités dans l’encadrement de tous ces travaux[xxiii]. Le « paradigme mecquois » a été ainsi complètement transformé ces dernières années. Il faut désormais l’admettre et faire avec. Ceci ne disqualifie pas cependant l’ensemble de ce qui s’est fait auparavant. Les travaux de Jacqueline Chabbi, par exemple, principalement fondés sur sa connaissance de la langue arabe islamique[xxiv] et son étude des caractères tribaux des Arabes d’Arabie, ne prennent jamais en compte les éléments du dossier qui montrent l’inexistence de La Mecque au VIIème siècle[xxv]. L’hypothèse qu’elle propose d’une origine mecquoise n’est donc pas valide, même si certaines de ses analyses sur la société bédouine recouvrent un intérêt évident[xxvi]. Autre élément, non moins significatif : l’emploi du vocable « musulman » qu’Ahmed Amine associe systématiquement à « Hagarène », « Tayayê » ou « Mahgraye »[xxvii] relève de l’interprétation forcée[xxviii]. La traduction qu’il propose des témoignages contemporains de l’avènement de l’islam oriente la lecture de son texte vers un sens conforme à l’idée qu’il se fait des premiers conquérants arabes[xxix]. En orientant ainsi la lecture, on présente les « proto- musulmans » comme un tout homogène pourvu d’une parfaite cohérence ethnique. Pourtant, ceux qu’Ahmed Amine appelle « musulmans » ne se désignaient pas eux-mêmes ainsi[xxx]. D’ailleurs, outre les mentions précitées, on ne trouve quasiment pas d’évocation des « Arabes » dans les tous premiers temps de l’islam pour décrire les conquérants (on parle de nomades, d’ismaélites, etc.)[xxxi]. Qui sont donc ces « musulmans » ? Qu’étaient-ils avant l’établissement de l’empire califal et de la civilisation islamique, qui les a constitués en nation et dotés d’une langue arabe restructurée et normalisée ? 2) Moraliser le débat : « vrai/faux » vs. « bon/mauvais » L’application de la méthode scientifique exige le recul critique et l’exclusion de tout jugement de valeur. Or, Ahmed Amine s’adonne dans son article à une moralisation du débat incompatible de fait avec la méthode scientifique. On attendrait d’un historien rigoureux que telle découverte ou telle publication soit jugée selon des critères scientifiques, comme « vraie », « fausse », « partiellement vraie », voire « contestable » à la lumière d’éléments factuels ou d’éventuelles failles méthodologiques (oubli, lacune, impasse, etc.). L’appréciation d’Ahmed Amine, cependant, se fonde sur une dichotomie « bon / mauvais » selon que ladite découverte lui convient ou non. Ainsi, ce ne sont plus les faits, les études et travaux des chercheurs qu’il juge, mais ces chercheurs eux-mêmes. Ce uploads/Science et Technologie/ origines-de-lslam.pdf
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- Publié le Jul 11, 2021
- Catégorie Science & technolo...
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