L’UNESCO • SES BUTS ET SA PHILOSOPHIE par JULIAN HUXLEY COMMISSION PREPARATOIRE
L’UNESCO • SES BUTS ET SA PHILOSOPHIE par JULIAN HUXLEY COMMISSION PREPARATOIRE DE L ’ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’EDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE 1946 "? ‘ D 4 i - ^ • S 4 / PRINTED IN GREAT BRITAIN BY THE FREDERICK PRINTING CO., LTD., 23, LEONARD STREET, LONDON, B.C.2. CHAPITRE I L’UNESCO—SES BUTS ET SA PHILOSOPHIE L’UNESCO - SES BUTS ET SA PHILOSOPHIE 1. BUTS ASSIGNES A L’UNESCO L’Unesco—Organisation des Nations Unies pour TEducation, la Science et la Culture—a, comme on peut le voir d ’apres son titre m£me, deux grands buts a poursuivre. Tout d ’abord, c ’est une organisation inernationale qui doit servir les fins et les buts des Nations Unies, ce qui, en definitive, revient a servir les intdrets du monde et de l’humanite tout entiere. Ensuite, l’Unesco doit encourager et faire progresser 1’education, la science et la culture sous tous leurs aspects et dans 1 ’acception la plus large de ces termes. Ces buts se trouvent definis de maniere plus complete dans la Convention de l’Unesco, dont le preambule commence par ces nobles paroles de Mr. Attlee : “les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c ’est dans l’esprit des hommes que doivent etre elevees les defenses de la paix” ; on insiste ensuite dans ce preambule sur les dangers de 1’ignorance—“1’incomprehension mutuelle des peuples a toujours ete, au cours de l ’histoire, a l’origine de la suspicion et de la mefiance entre nations, par oil leurs disac cords ont trop souvent degenere en guerre,” puis on y fait remarquer que la derniere guerre a ete rendue possible par le reniement de certains principes fondamentaux, de “1’ideal democratique de dignite, d ’egalite et de respect de la personne humaine,” et par la substitution a ces principes du “dogme de l’inegalite des races et des hommes.” En partant de ces premisses, on emet ensuite l’idee que “la dignite de l’homme exigeant la diffusion de la culture et l’education de tous en vue de la justice, de la liberte et de la paix, il y a la, pour toutes les nations, des devoirs sacres a remplir dans un esprit de mutuelle assistance,” et on en arrive a la conclusion remarquable, jamais formulee auparavant dans aucun document officiel, qu’une paix “fondee sur les seuls accords economiques et politiques des gouvernements” ne saurait donner satisfaction, puisqu’elle ne pourrait “entrainer 1’adhesion unanime, durable et sincere des peuples” et que “par consequent, cette paix doit etre etablie sur le fondement de la solidarity intellectuelle et morale de l’humanite.” Pour finir, les Etats signataires de cette Convention affirment leur confiance en une politique consistant a assurer “a tous le plein et egal acces a l ’education, la fibre poursuite de la verite objective et le fibre echange des idees et des connaissances.” Ils se declarent d ’accord pour “developper” et pour “multiplier les relations entre leurs peuples, en vue de se mieux comprendre et d ’acquerir une connaissance plus precise et plus vraie de leurs coutumes respectives,” et ils declarent creer “par les presentes l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture” dont 5 le but est alors fiettement defini comme devant consister a “attein- dre graduellement, par la cooperation des nations du monde dans les domaines de l’education, de la science et de la culture, les buts de paix internationale et de prosperity commune de l’humanite en vue desquels l ’Organisation des Nations Unies a ete constitute, et que sa Charte proclame.” Dans l’article I de la Convention, les methodes a employer pour atteindre ces buts se trouvent definies dans leurs grandes lignes et font l’objet de trois paragraphes. En tout premier lieu, il est question de la tache qui incombe a l’Unesco de favoriser “la connaissance et la comprehension mutuelle des nations en pretant son concours aux organes d ’informa tion des masses” et d’obtenir les accords internationaux “qu’elle juge utiles pour faciliter la libre circulation des idees, par le mot et par l ’image.” II est ensuite fait mention d ’une “impulsion vigoureuse” a imprimer “a l’education populaire et a la diffusion de la culture. Dans ce paragraphe se trouve affirme “l’ideal d’une chance egale d ’education pour tous, sans distinction de race, de sexe ni d ’aucune condition economique ou sociale” ; il y est fait specialement mention parmi les taches a accomplir de celle qui consiste a sug- gerer “des methodes d ’education convenables pour preparer les enfants du monde entier aux responsabilites de l’homme libre.” Le troisieme paragraphe enfin embrasse un tres vaste domaine, celui de l’aide “au maintien, a l ’avancement et a la diffusion du savoir.” Les methodes preconisees sont d ’abord “la conservation et la protection du patrimoine universel de livres, d ’oeuvres d ’art et d’autres monuments d ’interet historique ou scientifique” ; ensuite “la cooperation entre nations dans toutes les branches de l ’activite intellectuelle,” cette cooperation impliquant “Exchange international de representants de l’education, de la science et de la culture,” ainsi que celui “de publications, d ’oeuvres d ’art, de materiel de laboratoire et de toute documentation utile,” enfin la mise au point de “methodes de cooperation internationale” destinies a faciliter “l’acces de tous les peuples a ce que chacun d ’eux publie.” Ces declarations d ’ordre general ont besoin d ’etre precisees et parfois expliqu6es. Rien ne dit par exemple si la cooperation entre les nations dans le domaine des activites intellectuelles devra aller jusqu’a l’etablissement, sous l’egide de l ’Unesco, d ’institutions de recherche ou autres, prdsentant un caractere vraiment inter national ; et la Convention n ’insiste peut-etre pas suffisamment, en regard des activites intellectuelles, sur les activites artistiques ; elle parle trop peu, a cote de la conservation du patrimoine litteraire et artistique, de la production d ’oeuvres nouvelles. Mais il est evident que les questions de ce genre se resoudront d ’elles-memes petit a petit et que les details se preciseront lorsque l ’Unesco se trouvera aux prises avec des taches concretes. 6 2. NECESSITE D UNE PHILOSOPHIE POUR L UNESCO Mais, pour mener a bien sa tache, il ne suffit pas a une organisation telle que l’Unesco d ’avoir des buts et des objectifs bien definis. Son action presuppose une philosophic, une hypo- these de travail qui tende a expliquer les buts et les fins de l’existence humaine et qui puisse dieter, ou tout au moins suggerer une prise de position devant les differents problemes. Si elle ne possede pas une conception philosophique de ce genre, qui lui permette d ’en- visager les choses sous un angle unique, l ’Unesco risquera de prendre des mesures fragmentaires, ou m§me contradictoires ; il lui manquera en tout cas le principe directeur et 1 ’element d ’inspira tion que fournit la croyance en une doctrine generate coherente. Il y a evidemment certains principes et certaines philosophies que l’Unesco ne saurait en aucun cas accepter. Elle ne peut par exemple fonder sa conception de la vie sur aucune des religions qui rivalisent dans le monde, qu’il s’agisse de l’lslam, du Catholi- cisme, du Protestantisme, du Bouddhisme, de l’Unitarisme, du Judaisme ou du Brahmanisme. Elle ne peut non plus epouser, a l’exclusion des autres, telle ou telle des doctrines politico-econo- miques qui rivalisent dans le monde d’aujourd’hui en cherchant a s ’exclure reciproquement—qu ’il s ’agisse du liberalisme capitaliste dans sa forme moderne, du communisme marxiste ou du planisme semi-socialiste, etc. Elle ne peut le faire, en partie parce que tout sectarisme est contraire a sa charte et a son essence meme, en partie aussi pour la raison toute pratique que toute tentative de ce genre dechainerait immediatement 1 ’hostilite active de groupes importants et influents, entrainerait un refus de cooperation de la part d ’un certain nombre des Etats Membres et pourrait meme amener ces Etats a se retirer de 1’Organisation. Pour des raisons assez analogues a celles que nous venons d ’exposer, l’Unesco ne saurait s’appuyer non plus exclusivement sur une philosophic essentiellement sectaire ou sur une conception philosophique trop restreinte—qu’il s’agisse de l’existentialisme, de la doctrine de Velan vital, du rationalisme ou du spiritualisme, d’un determinisme economique ou d ’une theorie cyclique de l’histoire humaine. Elle ne peut non plus, soutenant comme elle le fait le principe democratique et celui de la dignite humaine, de l’6galit6 et du respect mutual, accepter l’idee que l’Etat, considere comme une fin, est plus important que l’individu et doit etre place au-dessus de lui ; elle ne peut non plus adherer a aucune theorie de la societe fondle sur l’opposition rigoureuse des classes. Dans le preambule de sa Convention, l ’Unesco rejette expressement la theorie raciste et l’idee qu’il peut y avoir des “races, nations ou groupes ethniques inferieurs ou sup6rieurs.” Enfin, puisqu’elle met 1’accent sur les taches concretes a entre- prendre dans les domaines de l ’education, de la science et de la culture, et puisqu’elle insiste sur la necessity d ’une comprehension mutuelle entre les peuples et sur la poursuite, sur cette planete, de la paix et du bien-etre, il semble que uploads/Science et Technologie/ unesco-1946-l-x27-unesco-ses-buts-et-sa-philosophie-par-julian-huxley 1 .pdf
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- Publié le Mar 29, 2022
- Catégorie Science & technolo...
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