Partie V. Facteurs psychosociaux et organisationnels English Chapitre 34 - Les

Partie V. Facteurs psychosociaux et organisationnels English Chapitre 34 - Les facteurs psychosociaux et organisationnelles Steven L. Sauter, Joseph J. Hurrell Jr., Lawrence R. Murphy et Lennart Levi En 1966, bien avant que les termes stress professionnel et facteurs psychosociaux ne soient devenus courants, un rapport intitulé «Protéger la santé de quatre-vingts millions de travailleurs — un objectif national de la santé au travail» avait été publié aux Etats-Unis par le directeur du Département de la santé et des services sociaux (Department of Health and Human Services (DHHS), 1966). Préparé sous les auspices de la Commission consultative de l’hygiène du milieu (National Advisory Environmental Health Committee), ce rapport avait pour but de fixer les grandes lignes des programmes fédéraux de santé au travail. Entre autres observations, le texte soulignait que le stress psychique était de plus en plus manifeste dans le monde du travail et qu’il impliquait «des menaces nouvelles et insidieuses pour la santé mentale», ainsi que des risques de troubles somatiques tels que des maladies cardio- vasculaires. Le changement technologique et les contraintes psychologiques croissantes du milieu de travail y étaient mentionnés comme des facteurs de stress. Dans sa conclusion, ce rapport énumérait plus d’une vingtaine de «problèmes urgents» à traiter en priorité, dont la santé mentale au travail et les facteurs professionnels de stress. Trente ans plus tard, on s’aperçoit que ce document était prophétique. Le stress professionnel est devenu l’une des premières causes d’incapacité de travail en Amérique du Nord et en Europe. En 1990, 13% de tous les cas d’incapacité de travail traités par la société Northwestern National Life (l’un des plus grands assureurs américains pour les risques professionnels) étaient dus à des troubles dont on pouvait considérer qu’ils étaient imputables au stress professionnel (Northwestern National Life, 1991). Une étude réalisée en 1985 avait montré que 11% des cas de maladies professionnelles entraient dans une seule catégorie, à savoir une incapacité mentale due à un stress psychique développé progressivement sur le lieu de travail (National Council on Compensation Insurance, 1985)1. 1 Aux Etats-Unis, on distingue les cas de maladies professionneles des cas d'accidents du travail, qui sont beaucoup plus nombreux Cette évolution s’explique facilement lorsque l’on considère les exigences professionnelles actuelles. Une enquête conduite en 1991 par les membres de l’Union européenne a révélé que les personnes qui se plaignent de contraintes organisationnelles génératrices de stress sont proportionnellement plus nombreuses que les travailleurs souffrant de contraintes physiques (Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, 1992). De même, une étude plus récente portant sur la population active des Pays-Bas indique que la moitié des personnes interrogées faisait état de cadences de travail élevées, que les trois quarts d’entre elles se plaignaient du peu de possibilités de promotion qui leur étaient offertes et qu’un tiers évoquait un manque d’adéquation entre leur formation et le poste qu’elles occupaient (Houtman et Kompier, 1995). Pour les Etats-Unis, il existe moins d’informations sur la prévalence des facteurs de risque de stress dans le monde du travail. Une enquête de 1993 portant sur plusieurs milliers de salariés américains montre cependant que plus de 40% de la population active déplorent une charge de travail excessive et se déclarent «psychiquement épuisés» en fin de journée (Galinsky, Bond et Friedman, 1993). Bien qu’il soit difficile d’avancer une estimation fiable, il ne fait aucun doute que ce problème a des répercussions considérables sur la productivité, la santé et la qualité de vie. Les analyses récentes effectuées par la société Saint Paul Fire and Marine Insurance Company sur plus de 28 000 personnes sont très intéressantes: elles soulignent que la contrainte du temps et les autres difficultés psychologiques et personnelles rencontrées dans le milieu professionnel sont plus étroitement liées aux problèmes de santé signalés que tout autre facteur de stress individuel, y compris les problèmes financiers et familiaux ou la mort d’un être cher (Saint Paul Fire and Marine Insurance Company, 1992). Si l’on se tourne vers l’avenir, il apparaît que les transformations rapides du tissu professionnel et de la population active créent des risques de stress nouveaux et parfois les augmentent. Ainsi, dans de nombreux pays, la population active vieillit rapidement alors que la sécurité de l’emploi diminue. Aux Etats-Unis, les compressions de personnel se sont poursuivies pratiquement sans discontinuer de 1990 à 1995 à un rythme de plus de 30 000 suppressions d’emplois par mois (Roy, 1995). Selon l’étude de Galinsky, Bond et Friedman (1993) citée plus haut, près d’un cinquième des travailleurs n’excluaient pas de perdre leur emploi au cours de l’année à venir. Parallèlement, le nombre d’emplois précaires n’offrant généralement aucune assurance maladie ou autres prestations sociales ne cesse d’augmenter; actuellement, quelque 5% de la population active occupent de tels emplois (Bureau of Labour Statistics (BLS), 1995). L’objectif de ce chapitre est de donner un aperçu des connaissances actuelles sur les facteurs de stress au travail et sur les problèmes de sécurité et de santé qui en découlent. Parmi ces facteurs, couramment qualifiés de psychosociaux , on trouve certaines caractéristiques du poste de travail et de l’environnement professionnel telles que le climat ou la culture de l’entreprise, la répartition des fonctions, les relations interpersonnelles au travail, ainsi que la conception et le contenu des tâches (variété, sens, portée, répétitivité, etc.). Le concept de facteurs psychosociaux s’étend également à l’environnement extraprofessionnel (contraintes familiales, par exemple) et aux caractéristiques de l’individu (personnalité et attitudes) qui peuvent influer sur le développement du stress au travail. On utilise fréquemment les expressions organisation du travail ou facteurs organisationnels en lieu et place de facteurs psychosociaux pour parler des conditions de travail pouvant induire le stress. La première section de ce chapitre décrit plusieurs modèles du stress professionnel qui présentent actuellement un intérêt scientifique et, notamment, le modèle «exigences professionnelles/ autonomie dans le travail», le modèle d’adéquation «personne- environnement», ainsi que d’autres approches théoriques du stress au travail. Comme toutes les conceptions contemporaines du stress professionnel, ces modèles ont en commun le fait que la représentation théorique du stress se fonde sur la relation entre l’emploi et la personne qui l’occupe. De ce point de vue, on considère qu’il y a stress professionnel et risque de pathologie lorsque les exigences professionnelles s’écartent des besoins, attentes ou capacités de l’individu. Cette caractéristique fondamentale ressort bien de la figure 34.1 qui représente les éléments de base du modèle du stress présenté par les chercheurs de l’Institut national de la sécurité et de la santé au travail (National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH)). D’après ce modèle, les facteurs psychosociaux liés au travail provoquent des réactions psychologiques, comportementales et physiques qui finissent par se répercuter sur la santé. Cependant, comme le montre cette figure, des facteurs individuels et contextuels (dits modérateurs de stress) interviennent pour en moduler les effets sur la santé et le bien-être (voir la description plus détaillée de ce modèle de stress dans Hurrell et Murphy, 1991). Figure 34.1 Modèle du stress professionnel de l'Institut national de sècurité et de santé au travail (NIOSH, Etats-Unis) Si l’on fait abstraction de cette similitude conceptuelle, ces modèles se distinguent cependant par certaines différences théoriques non négligeables. Ainsi, contrairement au modèle du NIOSH et au modèle d’adéquation «personne-environnement» qui admettent une multitude de facteurs de risques psychosociaux sur le lieu de travail, le modèle «exigences professionnelles/autonomie dans le travail» se concentre davantage sur un petit nombre de dimensions psychosociales liées à la charge psychologique et à la maîtrise possible par le travailleur de certains aspects de son travail (latitude décisionnelle). Par ailleurs, aussi bien le modèle «exigences professionnelles/autonomie dans le travail» que le modèle du NIOSH diffèrent du modèle d’adéquation «personne-environnement» par l’importance accordée à l’individu. Dans ce dernier modèle, l’accent est mis sur la manière dont l’individu perçoit l’équilibre entre les caractéristiques de l’emploi et ses propres possibilités. Cette importance accordée à la perception de l’individu permet de relier la théorie de l’adéquation «personne- environnement» à une autre variante de la théorie du stress; dans cette analyse attribuée à Lazarus (1966), ce sont les différences individuelles observées tant au niveau de l’appréciation des facteurs de stress psychosociaux que des stratégies d’adaptation qui exercent une influence déterminante sur les effets du stress. En revanche, sans nier l’importance des différences individuelles, le modèle du NIOSH accorde la primauté aux facteurs contextuels dans la production du stress, ainsi que le suggère la présentation du modèle illustré à la figure 34.1. Fondamentalement, ce modèle implique que la plupart des facteurs de stress sont considérés le plus souvent comme une menace par la quasi-totalité des gens. On relève cette même primauté dans d’autres modèles du stress, qu’il soit professionnel ou non (Cooper et Marshall, 1976; Kagan et Levi, 1971; Matteson et Ivancevich, 1987). Ces différences ont d’importantes incidences sur l’orientation des recherches consacrées au stress professionnel et des stratégies d’intervention sur les lieux de travail. Le modèle du NIOSH plaide ainsi en faveur d’une prévention du stress professionnel, axée principalement sur les facteurs de stress psychosociaux liés au lieu de travail et, à cet égard, il correspond à un modèle de uploads/Sante/ chapitre-34-les-facteurs-psychosociaux-et-organisationnelles.pdf

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  • Publié le Aoû 20, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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