Cœur pulmonaire aigu C Lorut JP Laaban Résumé. – La cause principale de cœur pu

Cœur pulmonaire aigu C Lorut JP Laaban Résumé. – La cause principale de cœur pulmonaire aigu est de loin l’embolie pulmonaire cruorique. Malgré les progrès effectués dans le diagnostic et le traitement de l’embolie pulmonaire, cette affection reste souvent méconnue et responsable d’une mortalité et d’une morbidité non négligeables. L’approche diagnostique classique reposant sur l’angiographie pulmonaire tend à être remplacée par une attitude plus pragmatique s’appuyant sur des examens non invasifs. La scintigraphie pulmonaire de perfusion et de ventilation a une excellente sensibilité, mais son intérêt est limité par le grand nombre d’examens non concluants. L’angioscanner thoracique à rotation continue, le dosage des D-dimères par méthode enzyme-linked immunosorbent assay, l’échodoppler veineux des membres inférieurs et l’échocardiographie permettent actuellement d’envisager des stratégies diagnostiques non invasives reposant sur l’association de plusieurs examens. Les héparines de bas poids moléculaire, dont l’efficacité est supérieure à celle de l’héparine non fractionnée dans le traitement de la thrombose veineuse profonde, montrent des résultats intéressants dans l’embolie pulmonaire. Le relais de l’héparine par les antivitamines K est réalisé précocement afin de limiter le risque de thrombopénie induite par l’héparine. La durée du traitement antivitamine K dépend en particulier du caractère récidivant de la pathologie thromboembolique et de l’existence d’une thrombophilie sous- jacente. Les indications de l’interruption de la veine cave inférieure ont considérablement diminué au cours des dernières années, grâce à une meilleure connaissance de l’efficacité et des complications à long terme des filtres caves. Les thrombolytiques sont utilisés essentiellement dans les embolies pulmonaires massives et hémodynamiquement instables ; dans ces formes menaçantes, l’activateur tissulaire du plasminogène permet d’obtenir une diminution rapide des résistances vasculaires pulmonaires. L’embolectomie chirurgicale, dont le taux de mortalité a fortement diminué au cours des dernières années, ne garde que des indications exceptionnelles. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : embolie pulmonaire, thrombophilie, héparine, thrombolytiques, scintigraphie pulmonaire, angiographie pulmonaire, scanner thoracique, D-dimères. Introduction La définition classique du cœur pulmonaire aigu (CPA) est une insuffisance ventriculaire droite (IVD) aiguë secondaire à une augmentation brutale de la postcharge du ventricule droit. La cause principale de CPA étant de loin l’embolie pulmonaire (EP) cruorique, le CPA lié à l’EP représente l’essentiel de cet article. L’EP reste une pathologie fréquente dans la population générale dont le diagnostic est difficile. Depuis ces dix dernières années, l’avènement d’examens non invasifs tels que la scintigraphie de ventilation et de perfusion, l’angioscanner (fig 1), l’échographie des membres inférieurs et de nouveaux tests biologiques (D-dimères) a permis de développer de nouvelles stratégies diagnostiques non invasives. Les autres causes de CPA sont brièvement citées. Cœur pulmonaire aigu de l’embolie pulmonaire ANATOMIE PATHOLOGIQUE ET PHYSIOPATHOLOGIE ¶ Anatomie pathologique Les localisations de l’EP sont le plus souvent multiples et bilatérales prédominant dans les branches droites de l’artère pulmonaire et dans les branches artérielles pulmonaires inférieures, le débit sanguin pulmonaire étant plus important au sein des artères vascularisant les lobes inférieurs. Dans la grande majorité des cas, les embolies sont localisées dans les artères de gros calibre : essentiellement artères segmentaires, lobaires, mais aussi artères intermédiaires, principales et tronc de l’artère pulmonaire. Chez les patients décédés d’EP massive, l’autopsie retrouve souvent un volumineux thrombus ou plusieurs thrombi, soit au niveau de la bifurcation du tronc de l’artère pulmonaire, soit obstruant l’une ou les deux artères pulmonaires principales. D’autres thrombi sont souvent présents dans le ventricule droit. La structure morphologique de ces thrombi est celle d’un thrombus récent, cylindrique, de couleur rouge et peu adhérent à la paroi vasculaire. Ces thrombi peuvent s’étendre distalement dans les artères musculaires plus petites, soit par contiguïté, soit par fragmentation. Christine Lorut : Assistant des hôpitaux de Paris. Jean-Pierre Laaban : Professeur agrégé. Service de pneumologie et réanimation, Hôtel Dieu de Paris, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 75181 Paris cedex 04, France. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-037-B-10 11-037-B-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Lorut C et Laaban JP. Cœur pulmonaire aigu. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-037-B-10, 2003, 15 p. L’artère pulmonaire obstruée par le thrombus est généralement dilatée et sa paroi plus fine. Le ventricule droit et l’oreillette droite sont dilatés mais on ne retrouve pas d’hypertrophie du ventricule droit en l’absence de pathologie cardiaque ou pulmonaire antérieure. ¶ Physiopathologie Les facteurs responsables de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) au cours de l’EP sont : l’obstruction vasculaire et l’existence d’une pathologie cardiaque ou respiratoire antérieure. Deux mécanismes de l’obstruction vasculaire sont décrits, l’obstruction par les thrombi et la vasoconstriction pulmonaire. La vasoconstriction pulmonaire serait sous la dépendance de substances vasoactives libérées par les plaquettes (sérotonine, histamine, thromboxane A2, etc). Son rôle dans la genèse de l’HTAP n’est que secondaire. L’obstruction vasculaire pulmonaire par les thrombi est le mécanisme essentiel de l’HTAP dans l’EP. Chez les patients sans antécédents cardiopulmonaires, il faut atteindre une obstruction vasculaire de 30 % pour voir s’élever les pressions artérielles pulmonaires (PAP) et de plus de 50 % pour voir apparaître une HTAP significative (PAP moyenne supérieure à 25 mmHg) [85]. Il existe une corrélation nette entre l’augmentation de la PAP et le degré d’obstruction au moins pour les embolies d’importance faible à moyenne. En revanche, une obstruction plus importante, voire massive, peut être tolérée sans augmentation supplémentaire de pression en raison de la grande réserve de capacité du réseau vasculaire pulmonaire [61]. En l’absence de pathologie antérieure, l’élévation de la PAP, même dans les EP massives avec état de choc, est modérée et la PAP moyenne est le plus souvent comprise entre 30 et 40 mmHg et n’est jamais supérieure à 40 mmHg. Un ventricule droit non hypertrophié est incapable de générer une PAP moyenne supérieure à 40 mmHg. Les résistances vasculaires pulmonaires (RVP) sont élevées et il existe une corrélation très significative, mais non linéaire, entre le pourcentage d’obstruction et les RVP : jusqu’à 60 % d’obstruction vasculaire pulmonaire, l’augmentation des RVP est faible ; à partir de 60 %, l’augmentation des RVP est rapide et importante pour de petites variations du pourcentage d’obstruction vasculaire pulmonaire [61]. Il existe ainsi une discordance entre la PAP qui augmente dès 30 % d’obstruction et les RVP qui ne s’élèvent de façon significative qu’à partir de 60 % d’obstruction. En cas d’obstruction modérée, l’HTAP serait donc en partie due à l’augmentation du débit cardiaque. Toutefois pour les obstructions supérieures à 60 %, la postcharge du ventricule droit augmente de façon abrupte, le ventricule droit (structure compliante à paroi mince) réagit par une diminution du volume d’éjection systolique et une dilatation avec altération de la contractilité. La précharge ventriculaire gauche est diminuée par réduction du retour veineux au cœur gauche et par altération de la compliance diastolique du ventricule gauche, qui est comprimé par un ventricule droit dilaté au sein d’un péricarde peu extensible. Le débit cardiaque chute, la PAP peut être paradoxalement normalisée et ne peut plus être considérée comme le reflet de l’obstruction pulmonaire. La chute de la pression artérielle qui en découle compromet la perfusion coronaire droite et altère davantage la fonction systolique du ventricule droit [11]. Chez les patients ayant une pathologie cardiaque ou respiratoire antérieure, il n’existe pas de corrélation entre la PAP et le degré d’obstruction vasculaire pulmonaire. Il est souvent difficile de déterminer la part de l’HTAP qui revient de l’EP et à la pathologie antérieure [85]. De même, la tolérance hémodynamique est très variable et peut être médiocre pour des EP modérées. 1 Angioscanner thoracique : aspects typiques d’embolie pulmonaire. A. Thrombi de la partie distale de l’artère pulmonaire gauche et artère lobaire supérieure droite. B. Thrombi de l’artère pulmonaire droite et de l’artère lobaire inférieure gauche. C. Thrombi de l’artère lobaire inférieure droite (image en « cocarde ») et artère lobaire inférieure gauche. * A * B * C 11-037-B-10 Cœur pulmonaire aigu Cardiologie 2 ÉPIDÉMIOLOGIE ET HISTOIRE NATURELLE DE L’EMBOLIE PULMONAIRE ¶ Incidence et mortalité de l’embolie pulmonaire L’incidence exacte de la maladie thromboembolique veineuse n’est pas connue, elle peut être estimée à 1,5/1 000, avec une incidence de 0,5/1 000 pour l’EP. Les séries autopsiques réalisées chez des patients décédés à l’hôpital retrouvent une EP dans 13 à 30 % des cas [19, 56] et ce pourcentage d’EP reste stable au fil du temps [19]. L’incidence de l’EP aux États-Unis retrouvée en extrapolant les résultats d’études de cohortes est de 55 à 69 000 cas par an [1, 86]. En France, on estime que l’incidence annuelle de la maladie thromboembolique veineuse est comprise entre 100 000 et 110 000 nouveaux cas avec 10 000 décès liés uniquement à l’EP, soit 3 % de la mortalité générale [26, 70]. L’incidence de l’EP augmente de façon très importante avec l’âge, la plupart des patients ayant plus de 60 ans [86, 91]. ¶ Facteurs favorisant la survenue d’embolie pulmonaire Il est connu depuis longtemps que l’hypercoagulabilité, la stase veineuse et un traumatisme de la paroi veineuse peuvent favoriser la survenue d’une maladie thromboembolique veineuse. Il existe de nombreux facteurs de risque de la maladie thromboembolique veineuse, acquis ou congénitaux, réversibles ou permanents [81, 84]. uploads/Sante/ coeur-pulmonaire-aigu.pdf

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  • Publié le Jul 01, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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