Euthanasie : Peut-on demander le droit de mourir ? Laurence Sabatié-Garat Franç
Euthanasie : Peut-on demander le droit de mourir ? Laurence Sabatié-Garat François Thomas 3 mars 2005 Table des matières I La proposition de loi concernant l’euthanasie 2 1 Définitions 2 2 Retour sur l’affaire Vincent Humbert 3 3 Genèse, esprit et dispositions de la nouvelle proposition de loi 3 4 Quelques extraits de la nouvelle loi 5 5 Qu’en est-il dans les autres pays ? 6 6 Réactions et réflexions sur la proposition de loi Léonetti 7 7 Fin de vie : quand le Samu doit décider 10 II Les enjeux de la question de l’euthanasie 12 8 Définir l’euthanasie : un enjeu en soi 12 9 Les progrès de la médecine 14 10 Droit de mourir et droit à la vérité 15 11 L’exclusion de la mort 17 12 Arguments contre et pour l’euthanasie. 17 13 L’ambiguïté et l’enjeu de la notion de dignité 19 1 Première partie La proposition de loi concernant l’euthanasie Par Laurence Sabatié La question de l’euthanasie, qui vient s’insérer dans une réflexion plus large sur la fin de vie, est devenue un problème politique majeur dans notre société. Le vieillissement de la population, les progrès de la médecine, la dénaturalisation des normes semblent expliquer, bien au-delà de l’affaire Vincent Humbert qui fut à l’origine du mouvement, la nécessité qu’il y aurait désormais à légiférer. Mais à quel titre une société laïque et démocratique peut-elle (et doit-elle ?) prendre en charge des questionnements qui relevaient jusqu’à récemment du spirituel ou de l’intime ? On observe que les débats autour de cette question impliquent presque toujours un représentant des grandes familles religieuses. Dans quelle mesure est-il nécessaire de leur faire appel et de quelle façon peut-on créer une éthique dans une société laïque ? Le débat a pris corps à la suite d’un sondage effectué en France il y a quelques années. La question posée était la suivante : « Si vous étiez en phase terminale d’une maladie incurable et dans des souffrances insupportables, souhaiteriez-vous que l’on vous aide à mourir ? ». 86% des réponses ayant été positives, les sondeurs en ont conclu que l’énorme majorité des Français étaient « pour l’euthanasie ». Or cette question cache une équivoque dangereuse : l’expression aider à mourir peut désigner soit une euthanasie active qui consiste à abréger les souffrances du malade en lui administrant un produit qui le fera mourir, ou bien le fait de soulager au maximum ses souffrances physiques et psychologiques pour rendre sa fin de vie supportable. Quelle était donc la solution à laquelle les Français pensaient quand ils disaient qu’ils souhaitaient qu’on les aide à mourir ? Depuis l’émotion générale suscitée par le cas très particulier de Vincent Humbert, il n’y a pas eu de débat national démocratique sur le sujet de la fin de vie et de l’euthanasie. Le défiest donc à présent de traduire cette préoccupation commune au niveau de la loi, dans le respect de chacun. 1 Définitions « Euthanasie » : Administrer volontairement à un malade ou blessé incurable, dans le but d’abré- ger ses souffrances, un produit qui met fin à sa vie. « Suicide médicalement assisté » : Prescription de toxiques par voie orale, à dose suffisamment importante pour entraîner la mort. « Euthanasie passive » : Dans le monde de la réanimation et des urgentistes, ce terme est banni car trop chargé. On préfère aujourd’hui utiliser le terme technique de « limitation ou arrêt de traitement » (Lata), qui renvoie à une décision médicale plus neutre. « Aider à mourir » : Expression qui désigne aujourd’hui les soins palliatifs. « Soins palliatifs » : Soins actifs et continus dispensés par une équipe interdisciplinaire (méde- cins, infirmières, psychologues, assistantes sociales) impliquant des techniques et des compétences spécifiques pour le soulagement de la douleur. 2 2 Retour sur l’affaire Vincent Humbert Le 27 septembre 2003, Vincent Humbert, 23 ans, tétraplégique depuis un accident de circulation, et qui réclame depuis longtemps un impossible « droit à mourir », décède au centre héliomarin de Berck-sur-mer (Pas-de-Calais). Il a vécu trois ans muet et presque aveugle, nourri par une sonde, et ne pouvant bouger que son pouce droit. Sa mère, Marie Humbert, a tenté de mettre fin aux jours de son enfant en distillant des barbituriques à travers sa sonde gastrique, ce qui a pour seul effet de le plonger dans un coma profond, l’effet des barbituriques étant diminué à cause de la nourriture diffusée par la sonde. Le docteur Frédéric Chaussoy, chef du service de réanimation du Centre, après avoir d’abord réanimé Vincent, « prolonge le geste de la mère » en arrêtant son respirateur artificiel et en lui injectant du chlorure de potassium, une substance létale, afin qu’il ne souffre pas lors de son asphyxie. Le docteur Chaussoy est mis en examen pour « empoisonnement avec préméditation ». Une tempête médiatique se déchaîne alors, faisant de la mère de Vincent et du médecin inculpé les nouveaux héros de la cause de l’euthanasie (Frédéric Chaussoy vient de publier chez Oh ! Editions un livre intitulé Je ne suis pas un assassin, avec une préface de Bernard Kouchner). Quinze mois après l’affaire Vincent Humbert, l’Assemblée nationale a adopté fin novembre à l’unanimité moins deux voix une nouvelle « proposition de loi sur les droits des malades et la fin de vie ». Cette loi, qui doit être votée en avril par le Sénat, a déjà réuni un large consensus poli- tique. Evitant le double écueil de l’euthanasie et de l’acharnement thérapeutique, le texte précise les conditions d’un « laisser mourir » qui respecte la dignité de toute vie humaine jusqu’à son dernier souffle. Les législateurs ont également eu le souci de protéger le corps médical contre les éventuelles poursuites. S’il est certain que l’histoire du jeune Vincent Humbert a contribué à faire entrer le débat sur la scène politique, il ne faut pas perdre de vue le caractère tout à fait particulier voire marginal d’un tel cas de figure. La proposition de loi entend répondre à des demandes bien plus larges sur les multiples problèmes de la fin de vie. 3 Genèse, esprit et dispositions de la nouvelle proposition de loi Juste après l’affaire Vincent Humbert, le gouvernement se refuse à légiférer « sous le coup de l’émotion ». Mais le statu quo est difficile à maintenir : certains juristes ont une interprétation « dure » du droit existant, conduisant à des poursuites à l’encontre de médecins qui ne font que limiter ou arrêter des traitements devenus inappropriés, ce que comprend mal l’opinion publique. Devant l’insistance des députés, une mission parlementaire est créée fin 2003, sous la présidence du cardiologue Jean Léonetti, député UMP des Alpes-Maritimes. « Au début, ça a beaucoup tangué à l’UMP ! » se sonvient la députée Nadine Morano. « Le premier ministre lui-même avait dit : “La vie n’appartient pas aux politiques.” » Avec les 31 députés de tous bords politiques qui la composent, Jean Léonetti effectue pendant plusieurs mois un travail serein et rigoureux d’information et de réflexion, n’écartant aucune des questions les plus douloureuses. Les députés mènent 90 auditions de médecins, de juristes, de philo- sophes, de représentant religieux et politiques. Ils visitent des hôpitaux, se rendent en Belgique et aux 3 Pays-Bas pour se faire une idée sur les pratiques étrangères (cf infra) et révisent parfois certaines de leurs idées de départ. Ils découvrent que l’opinion publique n’est pas aussi univoque que voudraient le laisser entendre certains médias, que beaucoup de médecins refusent l’euthanasie et surtout que très peu de malades en fin de vie la demandent réellement s’ils sont bien soignés et accompagnés. « L’un des moments clés, rapporte Mme Morano, a été l’audience du docteur Régis Aubry. Il nous a parlé de ces patients qui réclament la mort chaque jour, mais qui terminent tous leurs repas ! Un tel témoignage montrait à quel point le désir de mourir est ambigu. Une députée venait de nous raconter qu’elle voulait qu’on arrête de donner à son père, incapable de déglutir, de l’eau gélifiée. On lui a dit non ! On ne voyait plus les choses de la même façon. » Les députés vont de surprise en surprise. Ils sont marqués par les récits des soignants. « On a été estomaqués quand on a appris que 150 000 appareils sont débranchés chaque année sans cadre légal. On s’est dit : on ne peut pas s’intéresser seulement aux malades en fin de vie, il faut aussi faire quelque chose pour ceux qui sont en réanimation. » Faire quelque chose, oui, mais quoi ? Et dans quelles limites ? « Ceux qui étaient partisans de l’euthanasie ont pris conscience qu’il fallait tenir compte de ce que veulent les médecins, les patients, de ce que la société peut accepter. Tous les soignants que nous avons entendus étaient opposés à ce qu’on autorise les injections mortelles. Tous nous ont expliqué que là où les soins palliatifs sont développés, il n’y a presque plus de demande d’aide à mourir. » Avant l’été, la mission rend son rapport, intitulé « uploads/Sante/ euthanasie 1 .pdf
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- Publié le Jan 24, 2022
- Catégorie Health / Santé
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