Évaluation et rééducation M. Massiot, H. Aboiron, B. Selleron, J. Vaillant, J.
Évaluation et rééducation M. Massiot, H. Aboiron, B. Selleron, J. Vaillant, J. Wils, P. Stévenin En quelques années, le monde de la santé et celui de la rééducation ont complètement changé de par la technologie et les rapports sociaux. L’évaluation est devenue un point central de la politique de santé et une préoccupation quotidienne des professionnels concernés pour développer la qualité des soins. Le concept d’évaluation a, lui aussi, évolué pour couvrir un champ bien distinct de la recherche qui nécessite d’être développé en tant que tel. Les résultats de recherche participent à l’établissement de référentiels partagés. Dans le champ de la rééducation où la relation humaine est présente tout au long du traitement, l’évaluation prend en compte, à travers des critères, la subjectivité et l’objectivité au sein des projets du patient, des thérapeutes et des institutions. La volonté politique de développement de l’évaluation en santé qui se décline du côté qualitatif avec l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) et du côté quantitatif avec le Programme de médicalisation du système d’information (PMSI) ainsi que par l’intermédiaire de la Sécurité sociale, est relayée dans les pratiques d’évaluation par les acteurs que sont les patients et les praticiens. L’amélioration de la qualité des soins passe par cette exigence d’une évaluation « multivoies » sans cesse renouvelée qui repose pour une grande part sur les compétences des praticiens dans une situation clinique singulière. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Évaluation en rééducation ; Rééducation ; Qualité de la rééducation ; PMSI Plan ¶ Évaluation 1 Du subjectif et de l’objectif, de l’appréciation et de la norme 1 Objets, objectifs et enjeux de l’évaluation 2 Acteurs de l’évaluation 3 Évaluation en actes 3 ¶ Volonté institutionnelle d’évaluer 5 L’ANAES pour guider les praticiens, évaluer et établir des références 5 Le PMSI-SSR comme suivi d’activités et de performances des établissements de santé 6 Sécurité sociale 7 Le politique comme régulateur du marché de la santé 7 Et le public ? 8 ¶ Pratiques de l’évaluation en rééducation 8 Le patient comme premier évaluateur : motif de consultation et satisfaction 8 Le praticien comme responsable du traitement 8 La recherche comme production de connaissance 9 ¶ Conclusion 9 ■Évaluation Du subjectif et de l’objectif, de l’appréciation et de la norme Évaluation et contrôle Depuis quelques années le mot « évaluation » apparaît un peu partout dans les différents champs de la vie sociale, que ce soit dans le milieu de la santé, celui de l’éducation, celui de l’entreprise et bien d’autres encore. Pour le Dictionnaire de la langue française E. Littré, le mot « évaluation », (ex valuare, extraire la valeur) signifie l’action d’estimer la valeur, le prix d’une chose et en second sens l’action de fixer approximative- ment une quantité. L’estimation de la valeur réfère tant à des éléments subjectifs qu’objectifs et permet de porter un jugement en s’appuyant sur des critères et des normes pour aider à la prise de décision. [1] En rééducation, le terme est d’apparition récente et porte un sens différent du mot bilan. Ce dernier, issu du champ économique (les Anglo-Saxons lui préfèrent le terme d’examen), a été longtemps utilisé en cohérence avec le choix d’une démarche de rééducation qui était fondée sur une conception mécaniste. La logique du bilan s’inscrit dans la recherche de certitude, d’exhaustivité, dans le contrôle. Il est alors un instantané qui permet de lire l’écart entre le pro- gramme attendu et un état à un moment donné. [2] L’évaluation s’inscrit dans un mouvement, il s’agit surtout d’identifier des ¶ 26-005-B-10 1 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation points forts et des points faibles pour améliorer les prestations. Évaluer et contrôler sont deux démarches complémentaires mais qui n’ont pas le même statut et aucun des deux versants n’exclut l’autre, simplement ils n’ont pas le même objectif. Un expert évalue, un inspecteur contrôle. Évaluer un tableau consiste à chercher tous les éléments objectifs possibles (nom de l’auteur, date, contexte historique, géographique, taille...), mais c’est aussi tenir compte du marché, des phénomènes de mode..., il se construit un référentiel. Une dimension d’appréciation, d’intuition est présente, un endroit où la mesure ne suffit plus, il y a du subjectif. C’est toute la valeur ajoutée de l’expert. Ce serait pourtant si simple de mesurer ! L’inspecteur, lui, vient constater. Il recherche la plus grande objectivité possible et s’appuie sur une norme pour prendre position et sanction éventuelle. Le rééducateur est dans une situation d’expert. Il cherche des critères objectifs, il s’appuie sur des signes connus, sur des normes physiques, biologiques et autres pour porter son diagnostic mais dans le même temps il est face au patient dans sa singularité. Il est amené à prendre en compte dans sa démarche d’évaluation, la personnalité, le projet de vie de la personne qu’il a en face de lui. [3] Là aussi la subjectivité est présente de la part des deux acteurs de la relation de soin. Là aussi, si la mesure est nécessaire, elle ne peut être suffisante dans la détermination des objectifs du traitement et dans la prise en charge du patient. Le passage à l’évaluation en santé s’est traduit en France par la création d’une structure officielle, l’Agence nationale pour le développement de l’évaluation médicale (ANDEM), en 1992, puis en 1996 par la création de l’Agence nationale d’accrédita- tion et d’évaluation en santé (ANAES). Avec l’introduction de la conception de la qualité dans le domaine de la santé, les modèles du contrôle puis de l’assurance qualité ont cédé le pas à l’amélioration continue qui passe par la relation singulière à la personne malade. L’évaluation est au cœur même de cette conception. La qualité n’est pas à maîtriser mais à promou- voir, [4] l’évaluation va donc s’attacher à recueillir des informa- tions afin de donner du sens à l’action. Les modèles de l’évaluation médicale vont dans le même temps évoluer d’une évaluation-contrôle à une évaluation-communication. [1] Référentiel Donner de la valeur à quelque chose, évaluer d’accord mais par rapport à quoi ? L’évaluateur a besoin, pour mener à bien sa mission, de faire appel à un ensemble d’éléments formant un système de référence reconnu par la communauté constituant un référentiel. Ainsi, l’ANAES, au travers des recommandations pour la pratique clinique et des conférences de consensus, participe fortement à l’élaboration d’un référentiel de savoirs par pathologie par exemple. Elle participe en ce sens à l’évalua- tion des pratiques qui devra être enrichie par un référentiel des situations professionnelles, [5] nous rapprochant par là même d’une évaluation des compétences professionnelles. [6] Norme La norme, d’où vient-elle, qui la pose, à partir de quels critères, dans quel champ, dans quel but ? En rééducation ces questions sont fondamentales face à une personne et pour une personne qui est atteinte d’une incapacité. La définition du normal et du pathologique se pose. Elle est à la clé du passage de l’incapacité au handicap, c’est-à-dire de la compétence avec laquelle une personne gère son incapacité dans la vie quoti- dienne. La norme est-elle absolue, et qui la fixe ? Le danseur anglais David Toole en est une vivante démonstration (né sans jambe, il danse sur ses mains sur les plus prestigieuses scènes du monde) et propose une réponse magistrale : « très tôt, je me suis déplacé sur les mains. Quand le problème des jambes artificiel- les s’est posé, je n’en voulais pas. C’était bien pour les autres : j’avais l’air normal, ils étaient soulagés ». [7] Par ce refus, il fixe ses propres règles, c’est la définition même de l’autonomie. La norme ne peut être uniquement extérieure au sujet. [8] Elle est une négociation entre le sujet et son environnement, orientée par un projet de vie. Le rôle du soignant est primordial pour accompagner cette construction d’une nouvelle norme, au centre du travail du rééducateur. Le préfixe « re » de rééducation étant compris dans le sens d’une « nouvelle » éducation (au sens où l’utilise E. Morin) [9] et pas au sens de la répétition. Dimension de projet Que serait une évaluation sans l’intention et le projet qui la porte et qui lui donne son sens. Peut-on dire d’un archer qu’il a tiré une bonne flèche si on ne connaît pas la cible qu’il vise ? Ainsi on ne peut parler d’évaluation en santé sans identifier les projets qui la portent. Projet de société, [10] projet politique donc et projet du patient au sein desquels s’entrechoquent la logique légitime de droit à la protection de la santé pour chaque individu, qui n’a pas de prix, et la logique économique puisque la santé a un coût (presque 30 % de la richesse nationale ou produit intérieur brut d’après Bonnici). [11] Qualitatif et quantitatif Ces deux notions sont souvent opposées entre elles au point que le quantitatif aurait tendance à devenir, pour certains, une fin en soi. Il n’y aurait de vrai que le quantitatif. Mais le passage au quantitatif passe nécessairement par le qualitatif, en particu- lier au sein d’une relation clinique avec un patient. De nom- breuses logiques s’entrechoquent, du biologique au psychologique en uploads/Sante/ evaluation-et-reeducation.pdf
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- Publié le Apv 29, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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