Méthodologie Études d’observation : cas-témoins et cohorte Emmanuel Nowak, Emma
Méthodologie Études d’observation : cas-témoins et cohorte Emmanuel Nowak, Emmanuel Oger, Dominique Mottier Inserm CIC 0502 – EA 3878, Hôpital de la Cavale Blanche, 29609 Brest cedex <dominique.mottier@chu-brest.fr> Les deux principaux types d’études d’observation sont l’étude cas-témoins et l’étude de cohorte. Certaines expositions sont impossibles à affecter expérimentalement par tirage au sort et la connaissance dans ces domaines passe par des observations bien conduites. Les résultats d’une étude cas-témoins seront d’autant plus crédibles qu’ils ne paraissent pas être dus à une différence dans la sélection des cas et des témoins (biais de sélection), à une distorsion de l’effet par un facteur inconnu ou non mesuré mais lié à l’exposition (biais de confusion), ni à une différence dans le recueil de l’information entre les cas et les témoins (biais d’information). Les études de cohorte sont également exposées à des biais de sélection, de classement et de confusion. Les résultats d’une étude de cohorte ne sont pas nécessairement plus valides que ceux issus d’une étude cas-témoins bien conduite. La qualité du suivi des sujets et l’analyse des données sont deux points qui méritent un examen attentif. Mots clés : étude d’observation, étude cas-témoins, étude de cohorte Qu’est-ce qu’une étude observationnelle ? Lorsque l’on se fixe comme objec- tif d’évaluer la relation entre une exposition (délétère ou protectrice) et la survenue d’un événement (mala- die), plusieurs méthodes sont possi- bles. Il existe d’une part les études d’observation et d’autre part les études d’études d’intervention, comme l’essai thérapeutique randomisé. Cet article décrit les deux principales étu- des d’observation dites étiologiques : l’étude cas-témoins et l’étude de cohorte. Nous allons utiliser comme exem- ple pour illustrer notre propos l’étude de la maladie veineuse thromboem- bolique (MVTE). Notre premier objec- tif est d’identifier les facteurs de risque de survenue d’un premier épisode de MVTE et leurs interactions. Une étude cas-témoins est mise en place : un cas étant un patient hospitalisé dans notre hôpital pour une MVTE, son témoin est recruté parmi les patients hospita- lisés dans les mêmes services pour une autre cause. Notre deuxième objectif est de rechercher des facteurs de risque de récidive après un premier épisode survenu sans circonstance favorisante (cas idiopathique) : la cohorte des cas idiopathiques est sui- vie pour atteindre ce deuxième objec- tif. L’objectif est d’estimer l’associa- tion entre une exposition et la surve- nue d’un événement. L’exposition (E) peut être génétique ou environnemen- tale. Le contrôle de l’exposition est parfois possible (médicament, action de santé), ailleurs difficile, voire impossible (polluant, toxique, tabac, alcool, etc.). Dans le premier cas (médicament, action de santé), l’investigateur peut décider qui est exposé et qui ne l’est pas, par tirage au sort par exemple (contrôle). Dans le dernier cas (polluant, toxique...), l’investigateur ne peut imposer le niveau d’exposition. L’événement d’intérêt (M) est un état pré-morbide, une maladie symptomatique ou le mt Tirés à part : E. Nowak doi: 10.1684/met.2008.0148 mt, vol. 14, n° 1, janvier-février 2008 37 décès. Nous nous limiterons volontairement aux exposi- tions binaires (présentes ou absentes), la prise en compte de variables d’exposition quantitatives ou qualitatives à plusieurs classes étant une problématique à part entière, non spécifique des études observationnelles, que nous ne développerons pas. Dans notre exemple, nous avons recherché si l’homo- cystéine est un facteur de risque de MVTE. Il s’agit d’un critère quantitatif, que nous avons rendu binaire (≥15 ou < 15 lmol l–1) après avoir constaté un phénomène du type « effet seuil » pour cette variable (le risque est aug- menté lorsque le taux d’homocystéine dépasse 15 lmol l–1 et reste stable pour les valeurs supérieures à 15 lmol l–1). S’il existe une association, les arguments qui vont étayer sa causalité doivent être identifiés. On peut les séparer en deux groupes : ceux qui vont étayer la validité interne et ceux qui vont étayer la validité externe. La validité interne signifie que l’étude apporte un résultat fiable et non biaisé. En effet, les études d’observation sont sujettes à des biais qui sont minimisés dans les études d’intervention. La validité externe signifie que les résultats sont cohérents avec l’ensemble des connaissances dispo- nibles. Enfin, dernier point, la pertinence clinique et la généralisation des résultats doivent être appréhendées. Le tableau 1 présente les éléments à examiner ou les ques- tions à se poser à la lecture d’une étude d’observation. Le tableau 2 liste les éléments de jugement de la causalité d’une association. Pourquoi des études d’observation ? Pourquoi chercher à détecter des associations dont la validité n’est pas certaine ? Ne devrions-nous pas nous focaliser sur les essais cliniques où les biais sont minimisés et le lien de causalité par conséquence convaincants ? Certaines expositions (non médicamenteuses par exem- ple) sont difficiles voire impossibles à affecter expérimen- talement par tirage au hasard : expositions environnemen- tales, toxiques, polymorphismes génétiques... La connaissance dans ces domaines passe par des observa- tions bien conduites. S’agissant des thérapeutiques (dont les médicaments), l’essai clinique ne répond pas à toutes nos questions et laisse donc une place à la pharmaco- épidémiologie : celle-ci à pour finalité d’évaluer les béné- fices et les risques des thérapeutiques médicamenteuses Tableau 1. Les questions à se poser à la lecture d’une étude d’observation Etude de cohorte Etude cas-témoins Validité interne : absence de biais ? Existe-t-il un biais de sélection ? Les exposés et les non-exposés sont-ils semblables pour tous les autres aspects importants à considérer hormis l’exposition ? Les cas et les témoins sont-ils semblables pour tous les autres aspects importants à considérer hormis la maladie ? Existe-t-il un biais d’information ? L’information sur la survenue de la maladie est-elle obtenue d’une façon similaire chez les exposés et les non exposés ? L’information sur la survenue de l’exposition est-elle collectée d’une façon similaire chez les cas et les témoins ? Existe-t-il un biais de confusion ? Les résultats peuvent-ils être expliqués par un facteur associé à la fois à l’exposition et à la maladie sans qu’il soit cependant directement impliqué dans le chemin causal ? Validité interne : réalité statistique du résultat ? Le résultat est-il le fruit de la chance ? Quelle est la valeur du risque relatif ? Quelles sont les bornes de l’intervalle de confiance à 95 % ? Quelle est la valeur du rapport de cotes (odds-ratio) ? Quelles sont les bornes de l’intervalle de confiance à 95 % ? Le résultat est-il statistiquement significatif ? Quelle était la puissance de l’étude ? Est-elle suffisante pour détecter une différence cliniquement pertinente ? Validité externe Cohérence ? Avec les connaissances biologiques, physiologiques Avec les résultats d’autres études d’observation (de type différent), réalisées dans d’autres populations Avec les résultats d’essais cliniques Pertinence et généralisation ? Quelle est l’implication pratique de ce résultat ? Le résultat est-il applicable aux patients dont je m’occupe ? Tableau 2. Éléments de jugement de la causalité d’une association Antériorité Une cause précède la conséquence : indispensable Force de l’association Une association forte est plus vraisemblablement causale Consistance des résultats Même résultat dans d’autres populations Relation dose-réponse Augmentation de l’effet avec l’augmentation de la dose d’exposition Plausibilité biologique Hypothèse biologique explicative Cohérence avec les connaissances Sur l’histoire naturelle de la pathologie et la biologie Méthodologie mt, vol. 14, n° 1, janvier-février 2008 38 utilisées en population (et non dans le cadre restrictif d’un essai clinique) ; évaluation des effets adverses, description de l’usage réel du médicament... Les études cas-témoins et de cohorte ne devraient pas être opposées l’une à l’autre. Même si le niveau de preuve d’une étude de cohorte est considéré comme plus élevé que celui d’une étude cas-témoin, chacun de ces deux types d’enquête possède des avantages et des inconvé- nients et doit être choisi en conséquence. L’enquête de cohorte permet d’avoir un suivi longitudinal des patients, d’estimer un risque, une incidence, un risque relatif, d’effectuer une analyse de survie... mais elle peu adaptée si la maladie est rare, imposant alors un temps d’observa- tion très long. L’étude cas-témoin est beaucoup plus rapide mais ne permet pas d’estimer un risque, une inci- dence ou un risque relatif (il faut alors avoir recours à l’utilisation d’un odds-ratio). Elle est recommandée lors- que la maladie est rare, mais peu adaptée si l’exposition est rare : cohorte d’une part et cas-témoins de l’autre sont donc en un sens complémentaires. Dans le cadre de la MVTE, l’incidence annuelle de la maladie dans la population générale est faible (de l’ordre de 1 ‰), ce qui justifie, pour l’identification des facteurs de risque, une étude cas-témoins (l’odds-ratio peut être interprété comme un risque relatif du fait de la « rareté » de la maladie). Par contre, pour la recherche des facteurs de risque de récidive, la cohorte des cas est adaptée car l’incidence de récidive est de l’ordre de 5 à 10 % par an. Les problèmes communs aux études cas-témoins et aux études de cohorte : exposés ou non exposés, malades ou non malades ? Que ce soient des malades et des sujets témoins inclus dans une étude cas-témoins ou bien des sujets recrutés dans une cohorte, tous devront être classés exposés uploads/Sante/ oodds-ratio-ajuste.pdf
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- Publié le Mar 23, 2022
- Catégorie Health / Santé
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