INTRODUCTION « Parano », « hystérique », « mégalo », « maniaque », « pervers »,
INTRODUCTION « Parano », « hystérique », « mégalo », « maniaque », « pervers », « maso », « sado-maso » sont des termes utilisés dans le langage courant, souvent connotés négativement. Or, ces termes désignent en psychopathologie des modes de fonc- tionnement psychique particuliers, précis et complexes dont souffrent certains patients. La psychopathologie, « science de la souffrance psychique » est l’étude des troubles psychiques; elle cherche à comprendre l’origine (étiologie) et les méca- nismes de ces troubles. Ainsi définie, la psychopathologie entretient un lien certain avec la psycho- logie clinique, la médecine et la psychiatrie, puisque ces différentes disciplines étudient également l’esprit humain. Toutefois, ces approches divergent sur plusieurs points. 1. Psychologie clinique - psychopathologie La psychologie est la connaissance de l’âme humaine, considérée au départ, dans une première définition ancienne, comme une partie de la métaphysique. Puis la psychologie est devenue l’étude scientifique des phénomènes de l’esprit, de la psyché, de la pensée caractéristique de l’homme, conscient de sa propre existence. La psychologie est ainsi, au départ une émanation de la philosophie. La psychologie clinique, née après la seconde guerre mondiale, est un des domai- nes de la psychologie; elle s’applique à des conditions concrètes, qui ont pour l’être humain des fonctions; la psychologie clinique va dégager le sens de ces fonctions; la psychologie clinique va analyser une conduite, c’est-à-dire la décrire en détail par un jeu subtil de recoupements, de regroupements, afin d’en faire appa- raître le sens. La psychologie clinique est une sous discipline de la psychologie qui a pour objet l’étude, l’évaluation, le diagnostic, l’aide et le traitement de la souffrance psychique, quelle qu’en soit son origine (maladie mentale, dysfonc- tionnement, traumatisme, événements de la vie, malaise intérieur, …). Elle inclut la psychopathologie (pathologie mentale) mais pas forcément. Elle a pour objet premier les conduites humaines, hors psychiatrie, qui correspondent à des dysfonc- tionnements, aux effets des conflits, puis à tous les secteurs de la conduite humaine, qu’elle soit adaptée ou inadaptée. Elle se fonde sur des méthodes particulières, des techniques d’observation qui peuvent inclure: l’anamnèse d’un sujet (c’est l’ensemble des informations sur le passé du patient nécessaires au praticien pour établir son évaluation), l’observa- tion des comportements, l’analyse du discours, les échelles d’évaluation, les tests intellectuels, les tests de personnalité, les questionnaires, l’étude de cas, des entretiens, etc. Ses domaines d’application sont diversifiés: compréhension de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte, psychologie clinique dans le milieu judiciaire, hospi- talier, etc. « Clinique » vient du grec cliné qui veut dire « lit »; au départ c’est en méde- cine l’enseignement de l’art médical donné du lit du malade et les connaissances acquises de cette manière. La psychologie clinique retient de son étymologie le contact avec le patient, le rôle de l’observation, mais elle veut aussi appréhender le subjectif, la singularité du sujet, replacer les éléments observés dans l’histoire du patient et dans sa subjectivité. Sigmund Freud (1856-1939) évoque le terme de « psychologie clinique » dans une lettre à Fliess du 30.01.1899 : « Maintenant, la connexion avec la psycho- logie […] sort du chaos; j’aperçois les relations avec le conflit, avec la vie, tout ce que j’aimerais appeler psychologie clinique ». En France, l’édification d’une théorisation de la psychologie clinique a d’abord été faite par D. Lagache, philosophe, psychiatre, et psychanalyste. Pour lui, la psychologie clinique a pour objectif: d’envisager la conduite d’un être humain dans sa perspective propre, de relever fidèlement les manières d’être d’un être humain aux prises avec une situation, de chercher à en établir le sens, la structure, la genèse. Lagache s’appuiera sur la psychanalyse, les symptômes ayant une signi- fication, une intelligibilité. Toutefois, la psychologie clinique n’est pas la psycha- nalyse ; la psychanalyse est une des théories qu’on peut adopter quand on est psychologue clinicien, mais ce n’est pas la seule. La psychanalyse est définie par Freud comme un procédé pour l’investigation des processus mentaux, inaccessibles autrement; c’est une méthode fondée sur cette investigation pour le traitement des troubles particuliers (par exemple les troubles névrotiques) et c’est aussi une série de concepts dégagés de cette pratique d’investigation et de soins, qui s’accroissent petit à petit pour constituer une dis- cipline scientifique. Basée sur l’interprétation du transfert, elle met à jour l’in- conscient, qui est le sens latent des phénomènes psychiques ; derrière le vécu observable, quelque chose échappe au sujet lui-même: c’est l’exemple du lapsus, de l’acte manqué (Freud S., Psychopathologie de la vie quotidienne, Payot, 1967). La psychanalyse est une méthode capable d’investiguer l’inconscient, d’établir le sens latent des phénomènes psychiques qui est à trouver derrière ce qu’on croit être le hasard. La psychanalyse traite de la problématique des désirs, les déplace- ments de ces désirs, leur force, leurs conflits etc.. La psychopathologie est un des autres domaines de la psychologie; c’est l’étude de la maladie mentale, du trouble mental. Elle appartient ainsi en même temps à la psychiatrie, la psychiatrie étant une spécialité de la médecine dont l’objet est l’étude et le traitement de la maladie mentale. La psychopathologie a pour objet les déviances de la personnalité, les désordres pathologiques de la personnalité et du comportement. 8 • Les bases de la psychopathologie 2. Notion de normalité La notion de « normalité » est dangereuse dans certaines circonstances et à certaines époques. L’histoire internationale est riche en illustrations et en abus cruels produits au nom d’une pseudo-normalité. Si la notion de normalité n’est pas neutre, il n’existe toutefois pas de notion simple de la normalité. La question de la norme et du normal renvoie soit à des statistiques, soit à des règles, soit à des normes ou encore à un idéal. a) Normalité statistique Puisque les individus présentent des conduites diversifiées et hétérogènes, peuvent être considérées comme normales les conduites de la majorité ou d’une moyenne obtenue dans une population donnée. La « normalité » statistique se réfère à un pourcentage majoritaire de compor- tements par rapport à une moyenne statistique. Le normal concerne la majorité des sujets d’une population donnée tandis que le pathologique renvoie aux extrémités et aux déviants par rapport à une moyenne. Lorsque la normalité est définie en fonction d’une majorité, donc d’un nombre, la situation de la minorité peut devenir problématique. Ainsi, certaines commu- nautés minoritaires furent dans le passé réprimées voire supprimées, avant d’être aujourd’hui intégrées dans les variations de la normale. L’autre critique qui peut être émise par rapport à la normalité statistique concerne le choix de la frontière entre le normal et le pathologique: cette limite est de fait, artificielle et arbitraire. En conséquence, réduire le normal à la normalité statis- tique et le pathologique au déviant n’est pas satisfaisant ni sans danger. b) Normalité idéale La normalité idéale désigne une perfection à laquelle l’idéal collectif aspire. Dans ce cas, la « normalité » est définie par rapport à un idéal, un absolu, une perfection ou une utopie. La norme peut être parentale, groupale, institutionnelle ou politique. Quand la « normalité » est définie en fonction d’un idéal collectif, les risques sont nombreux dans la mesure où cette définition peut réduire l’équilibre psycho- logique au conformisme social. Ainsi, est normal tout ce qui est conforme; devient pathologique tout ce qui n’est pas conforme. Or, il est impossible de préconiser un respect aveugle de toute règle en toutes circonstances puisque la règle sociale évolue. Introduction • 9 c) Normalité fonctionnelle La normalité fonctionnelle ne compare pas l’individu par rapport aux autres mais par rapport à lui-même. L’individu devient la norme. Le normal est le fonctionnement optimum pour l’individu par rapport à ses caractéristiques psycho- logiques propres. La normalité, ici, est discutée en fonction des réalités profondes et propres à chaque personnalité. Avant les travaux de S. Freud, les aliénistes considéraient d’une part, les gens dits « normaux », d’autre part, les « malades mentaux ». Les travaux de S. Freud et les recherches contemporaines ont démontré qu’une personnalité « normale » peut connaître à un moment de son existence un épisode psychopathologique parti- culier et qu’inversement, une pathologie bien traitée et traitée tôt, peut revenir à la « normalité ». Actuellement, on n’oppose plus les « normaux » aux « malades mentaux ». La majorité des psychopathologues considèrent qu’il existe un continuum entre les différents modes de fonctionnement psychique et il serait erroné de ne s’arrêter qu’aux manifestations extérieures, à l’état manifeste ou au mode apparent de fonctionnement psychique. J. Bergeret considère que l’individu « bien portant », n’est ni l’individu qui se proclame bien portant ni le malade qui s’ignore. Le « bien portant » est – un individu qui n’a pas rencontré de difficultés supérieures à ses facultés affectives, adaptatives et défensives, – un individu conservant des fixations conflictuelles comme tant d’autres, – un individu qui se permet un espace de jeu psychique. d) « Normativité » G. Canguilhem (1966) a mené une réflexion sur le normal et le pathologique l’amenant à proposer la notion de normativité: un individu sain est celui qui peut tomber malade et se rétablir; c’est un individu capable d’instaurer uploads/Sante/ psychologie-clinique-psychopathologie-8p.pdf
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- Publié le Oct 12, 2021
- Catégorie Health / Santé
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