Chirurgie de l’incontinence anale de l’adulte P.-A. Lehur, G. Meurette L’incont

Chirurgie de l’incontinence anale de l’adulte P.-A. Lehur, G. Meurette L’incontinence anale se définit par la perte du contrôle volontaire des selles et des gaz. C’est un handicap sévère dont le traitement peut être chirurgical. Le succès des cures chirurgicales repose sur une évaluation précise des symptômes, des causes et de la lésion sphinctérienne à l’origine de l’incontinence anale. L’échographie endoanale (EEA) est indispensable à l’identification précise de rupture(s) sphinctérienne(s). La sphinctérorraphie directe en « paletot » s’adresse aux ruptures sphinctériennes localisées, de cause le plus souvent obstétricale. Si 70 à 80 % des patients retrouvent en postopératoire une continence satisfaisante après ce geste, le bénéfice semble néanmoins transitoire, avec une détérioration sensible de la continence avec le temps. La place des myorraphies pré- ou rétroanale de Parks destinées à corriger l’incontinence neurogène est discutée en raison de résultats inconstants ; ces techniques pourraient cependant avoir certaines indications dans l’incontinence anale du sujet âgé. Les plasties muqueuses sont indiquées dans l’incontinence d’origine sensitive (posthémorroïdectomie). La neurostimulation sacrée offre une alternative peu invasive en cas d’échec de la réparation sphinctérienne ou d’absence de lésion sphinctérienne systématisée. La graciloplastie dynamique et le sphincter anal artificiel Acticon® sont des options thérapeutiques que l’on peut proposer lorsque les précédentes interventions n’ont pas permis une amélioration substantielle de la continence. Ces traitements, plus invasifs, ont des résultats encourageants dans l’incontinence anale sévère. La colostomie reste un moyen ultime et efficace pour améliorer le confort des patients. Le handicap de la stomie pourrait être limité par les techniques d’irrigation colique antérograde. Enfin, des techniques innovantes sont encore en cours d’évaluation et de développement, laissant entrevoir de nouvelles options thérapeutiques dans les années à venir. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Incontinence fécale ; Sphinctérorraphie ; Neurostimulation des racines sacrées ; Sphincter anal artificiel ; Graciloplastie dynamisée ; Stomie Plan ¶ Introduction 1 ¶ Continence anale 2 Données anatomiques et fonctionnelles 2 Indications thérapeutiques actuelles dans l’incontinence anale de l’adulte 2 ¶ Techniques chirurgicales dans l’incontinence anale de l’adulte 2 Gestes de base 2 Techniques de réparation sphinctérienne anale 3 Neurostimulation sacrée 7 Techniques de substitution sphinctérienne anale 8 Stomies digestives 11 Techniques innovantes 13 ¶ Conclusion 13 ■Introduction Comme dans de nombreux domaines de la chirurgie, le traitement chirurgical de l’incontinence anale a fait l’objet d’innovations importantes au cours des années récentes. Le but de la chirurgie est ici de redonner au patient une fonction anorectale compatible avec un confort de vie. Des études épidémiologiques récentes ont montré que la prévalence de l’incontinence anale était élevée et qu’il s’agissait d’un réel problème de santé publique [1-3]. La chirurgie est le seul traitement adapté aux formes graves d’incontinence anale ne répondant pas de façon significative aux traitements médicaux. Son succès repose sur une sélection rigoureuse des patients à opérer, basée sur une évaluation des mécanismes et causes de l’incontinence anale, et le choix d’une technique chirurgicale appropriée [4]. Deux évolutions récentes ont modifié de façon radicale la prise en charge des incontinents anaux : sur le plan diagnostique, le développement d’une imagerie fiable des sphincters de l’anus reposant sur l’échographie endoanale (EEA) [5, 6] ; sur le plan chirurgical, si des interventions « classi- ques » restent d’actualité (réparations sphinctériennes par exemple, mais aussi stomies de dérivation), d’autres sont mises au point et viennent répondre à des situations pour lesquelles aucune solution n’était jusque-là apportée (sphincter artificiel, neuromodulation) [7-9]. Dans le même temps, la demande des patients s’est accrue pour une prise en charge efficace d’un handicap désormais bien évalué par la mise au point de scores permettant de quantifier l’importance des symptômes et leur retentissement sur la qualité de vie des patients. La prise en ¶ 40-705 1 Techniques chirurgicales - Appareil digestif © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 06/11/2015 par CERIST ALGERIE (353213) charge chirurgicale de l’incontinence anale illustre également l’évolution actuelle, moderne de la chirurgie qui, à côté de l’efficacité toujours recherchée, met en avant le caractère mini- invasif des procédures. Ainsi, dans le choix des interventions, des procédures efficaces, mais complexes et délabrantes (la graciloplastie par exemple) ont été remplacées par des options moins agressives (la neuromodulation par exemple). L’évalua- tion des résultats de ces techniques chirurgicales reste d’actualité pour l’information du patient, la justification des investisse- ments auprès des organismes payeurs lorsque ces techniques sont coûteuses, ce qui est souvent le cas, le choix et l’orienta- tion des pratiques permettant de proposer d’emblée une technique efficace dans une situation donnée. ■Continence anale Données anatomiques et fonctionnelles La continence anale se définit par l’émission volontaire, contrôlée, périodique et sélective des différentes phases du contenu digestif, gaz et selles solides ou liquides. De nombreux facteurs sont impliqués dans le maintien d’une continence normale. Le rôle essentiel est cependant dévolu à l’appareil musculaire, sphinctérien, anal. Le sphincter interne, lisse, d’origine viscérale, est un anneau blanchâtre de 3 à 4 cm de haut, en continuité avec la musculeuse rectale dont il représente la partie terminale. Il est en contraction tonique permanente, inconsciente, et assure la fermeture automatique du canal anal au repos. Il génère la majeure partie de la pression de repos enregistrée en manométrie anorectale (MAR). Son ouverture est obtenue lors de la distension rectale par la mise en jeu du réflexe rectoanal inhibiteur. Il apparaît en EEA comme une couche concentrique hypoéchogène, d’épaisseur inférieure à 4 mm. Son atteinte se traduit de manière caractéristique par une incontinence anale passive, survenant sans que le patient en ait conscience. Le sphincter externe est un ensemble musculaire complexe d’origine somatique. Il a la coloration rouge des muscles squelettiques. Il entoure de manière circulaire le sphincter interne et se renforce à la partie haute par le faisceau puborectal du muscle levator ani (sangle des releveurs). Celui-ci cravate en fronde la jonction anorectale et lui imprime son angulation particulière. Le sphincter externe ne détermine qu’une faible part de la pression de repos (environ 20 %), mais augmente de façon réflexe et volontaire la pression anale lorsque les pressions intra-abdominale ou intrarectale s’élèvent (manœuvre de Valsalva). Son activité correspond, en MAR, aux contractions volontaires dont on apprécie les pressions maxi- males et la durée. En EEA, le sphincter externe correspond à la couche d’échostructure hyperéchogène mixte, plus épaisse, située en dehors du sphincter interne. En raison de l’obliquité des fibres musculaires, la couche hyperéchogène n’est circonfé- rentielle qu’à ses parties moyenne et basse, et reste ouverte en avant à son tiers supérieur. L’atteinte du sphincter externe se traduit par une incontinence anale d’ « urgence » (impériosité), avec l’impossibilité pour le patient d’empêcher une défécation alors qu’il en perçoit l’imminence [10, 11]. Les phénomènes sensitifs ont également un rôle déterminant dans la continence anale. La prise de conscience du remplissage du réservoir rectal dépend de récepteurs sensibles à la disten- sion, situés dans la musculeuse rectale et dans les parois du pelvis. La zone cutanée lisse du canal anal a une sensibilité très élevée et intervient de façon essentielle dans la perception et la discrimination du contenu digestif. Elle assure la différenciation selles-gaz, très importante pour la continence « fine ». La perte de cette zone sensible s’accompagne d’incontinence dite sensitive, survenant alors même que l’appareil musculaire peut être anatomiquement et fonctionnellement normal. L’innervation de l’appareil sphinctérien et du canal anal est complexe. Elle fait intervenir d’une part des voies sensitives et motrices somatiques, issues des racines S3 et S4 et qui emprun- tent les fibres du nerf pudendal droit et gauche, d’autre part les fibres des nerfs végétatifs issus du plexus hypogastrique infé- rieur, assurant une afférence orthosympathique issue des chaînes latérovertébrales lombaires et sacrées et parasympathi- que issue des centres médullaires sacrés S2, S3 et S4 conduites par les nerfs érecteurs. Les centres supérieurs responsables du maintien de la continence sont encore partiellement connus. Une régulation à plusieurs niveaux, avec la substance réticulée du tronc cérébral, le centre thalamique et les aires de projection corticales somesthésiques semble impliquée dans l’organisation de la fonction défécatoire et la continence. Indications thérapeutiques actuelles dans l’incontinence anale de l’adulte Le traitement médical, basé sur la diététique, les agents épaississants des selles et les ralentisseurs du transit, est indiqué dans les formes mineures d’incontinence anale. Il peut utile- ment être associé à des exercices périnéaux et aux techniques de rééducation par biofeedback. Cette dernière méthode est surtout efficace chez les patients motivés, qui ont conservé une percep- tion rectale intacte et des sphincters capables de se contracter. Elle nécessite des thérapeutes spécialement formés et également motivés. Ces traitements non chirurgicaux méritent toujours d’être essayés avant une décision opératoire ou après l’interven- tion pour améliorer un résultat chirurgical imparfait [12]. Les objectifs du traitement chirurgical sont de restaurer une continence anale satisfaisante, la plus proche possible de la normale, tout en maintenant une fonction d’exonération régulière et facile. Les résultats chirurgicaux dépendent de la qualité de la reconstruction sphinctérienne, mais également de la fonction de l’intestin sus-jacent et du psychisme du patient [11]. Le choix de la technique chirurgicale repose sur l’évaluation du uploads/Sante/chirurgie-de-l-x27-incontinence-anale.pdf

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  • Publié le Mai 30, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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