LA CHARTE DE KURUKAN FUGA La Charte de Kurukan Fuga, reproduite ici, est une ve

LA CHARTE DE KURUKAN FUGA La Charte de Kurukan Fuga, reproduite ici, est une version collectée en Guinée à l’issue d’un atelier régional de concertation entre communicateurs traditionnels et modernes (Kankan : 3- 12 Mars 1998). Ce sont les traditionistes qui ont déclamé le texte ; celui-ci a été ensuite transcrit et traduit, avec l’aide des linguistes guinéens et sous la supervision de Mr. Siriman Kouyaté – magistrat et traditioniste (sa famille est gardienne du sosobala, à Niagasole, Guinée). S. Kouyaté a, ensuite structuré La Charte, sans altérer l’essentiel, dans le sens des textes juridiques modernes en vue de le rendre lisible aux contemporains (le texte original malinké existe sur la banque de données numériques ARTO). Des notes explicatives, établies par S. Kouyaté, suivent le texte de la Charte : Ont assisté à la rencontre de Kankan : 1. Traditionistes : • Siaka Kouyaté, Niagassola, Siguiri (Guinée) • Lamine Kouyaté, Loïla, Mandiana (Guinée) • Damissa Sékou Diabaté, Siguiri (Guinée) • Koulako Touré, Faranah (Guinée) • Mamady Kante dit Konkoba, Dinguiraye (Guinée) • Vieux Koita, Kérouané (Guinée) • Sekouba Condé, Dabola (Guinée) • E. Oumar Camara, Kankan (Guinée) • Abdoulaye Kanouté, Tambakounda (Sénégal) • Siriman Kouyaté, Niagassola, Siguiri (Guinée) 2. Communicateurs et autres participants : • Alpha Kabiné Keïta, Directeur Général de la Radio Rurale (Guinée) • Mamady Kanté, Journaliste, radio Rurale de Kankan (Guinée) • Mamadou Lamine Doumbia, Journaliste, Radio de Tambacounda (Sénégal) • Saa Bédou Touré, Journaliste, Radio Rurale de Kankan (Guinée) • Louis Millogo, Professeur, Université de Ouagadougou (Burkina Faso) • Fatoumata Bamba, Journaliste, Radio Rurale de Kankan (Guinée) • Bernard Feller, Directeur, Intermédia Consultants S.A. Berne (Suisse) • Lansana Condé, Professeur, Université J. Nyerere, Kankan (Guinée) • Souleyman Condé, Journaliste, Radio Rurale de Kankan (Guinée) • Amadou Baba Karambiri, Journaliste, Radio Rurale de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) • Mangoné Niang, Directeur, UA-CELHTO, Niamey (Niger) • Cheikh Oumar Camara, Journaliste, ORTG, Conakry (Guinée) • Neguedougou Sanogo, Pédagogue, Radio Scolaire, Bamako (Mali). LA CHARTE DE KURUKAN FUGA 1. La société du grand mandé est divisée en seize (16) porteurs de carquois, cinq (5) classes de marabouts, quatre classes (4) de nyamakalas. Chacun de ces groupes a une activité et un rôle spécifiques. 2. Les nyamakalas se doivent de dire la vérité aux Chefs, d’être leurs conseillers et de défendre par le verbe les règles établies et l’ordre sur l’ensemble du royaume. 3. Les morikanda Lolu (les cinq classes de marabouts) sont nos maîtres et nos éducateurs en islam. Tout le monde leur doit respect et considération. 4. La société est divisée en classes d’âge. A la tête de chacune d’elles est élu un chef. Sont de la même classe d’âge les personnes (hommes ou femmes) nées au cours d’une période de trois années consécutives. Les Kangbès (classe intermédiaire entre les jeunes et les vieux) doivent être conviés pour participer à la prise des grandes décisions concernant la société. 5. Chacun a le droit à la vie et à la préservation de son intégrité physique. En conséquence, toute tentation d’enlever la vie à son prochain est punie de la peine de mort. 6. Pour gagner la bataille de la prospérité, il est institué le Kön¨gbèn Wölö (un mode de surveillance) pour lutter contre la paresse et l’oisiveté. 7. Il est institué entre les mandenkas le sanankunya (parenté à plaisanterie) et le tanamanyöya (forme de totémisme). En conséquence, aucun différent né entre ces groupes ne doit dégénérer, le respect de l’autre étant la règle. Entre beaux-frères et belles-sœurs, entre grands parents et petits-enfants, a tolérance et le chahut doivent être le principe. 8. La famille Keïta est désignée famille régnante sur l’empire. 9. L’éducation des enfants incombe à l’ensemble de la société. La puissance paternelle appartient en conséquence à tous. 10. Adressons-nous mutuellement les condoléances. 11. Quand votre femme ou votre enfant fuit, ne le poursuivez pas chez le voisin. 12. La succession étant patrilinéaire, ne donnez jamais le pouvoir à un fils tant qu’un seul de ses pères vit. Ne donnez jamais le pouvoir à un mineur parce qu’il possède des liens. 13. N’offensez jamais les nyaras. 14. N’offensez jamais les femmes, nos mères. 15. Ne portez jamais la main sur une femme mariée avant d’avoir fait intervenir sans succès son mari. 16. Les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes doivent être associées à tous nos Gouvernements. 17. Les mensonges qui ont vécu 40 ans doivent être considérés comme des vérités. 18. Respectons le droit d’aînesse. 19. Tout homme a deux beaux-parents: Les parents de la fille que l’on n’a pas eue et la parole qu’on a prononcé sans contrainte aucune. On leur doit respect et considération. 20. Ne maltraite pas les esclaves, accordez leur un jour de repos par semaine et faites en sorte qu’ils cessent le travail à des heures raisonnables. On est maître de l’esclave et non du sac qu’il porte. 21. Ne poursuivez pas de vos assiduités les épouses: du Chef, du voisin, du marabout, du prêtre, de l’ami et de l’associé. 22. La vanité est le signe de la faiblesse et l’humilité le signe de la grandeur. 23. Ne vous trahissez jamais entre vous. Respectez la parole d’honneur. 24. Ne faites jamais du tort aux étrangers. 25. Le chargé de mission ne risque rien au Mandé. 26. Le taureau confié ne doit pas diriger le parc. 27. La jeune fille peut être donnée en mariage dès qu’elle est pubère sans détermination d’âge. Le choix de ses parents doit être suivi quelques soit le nombre des candidats. 28. Le jeune homme peut se marier à partir de 20 ans. 29. La dote est fixée à 3 bovins: un pour la fille, deux pour ses père et mère. 30. Venons en aide à ceux qui en ont besoin. 31. Il y a cinq façons d’acquérir la propriété: l’achat, la donation, l’échange, le travail et la succession. Toute autre forme sans témoignage probant est équivoque. 32. Tout objet trouvé sans propriétaire connu ne devient propriété commune qu’au bout de quatre ans. 33. La quatrième mise-bas d’une génisse confiée est la propriété du gardien. 34. Un bovin doit être échangé contre quatre moutons ou quatre chèvres. 35. Un œuf sur quatre est la propriété du gardien de la poule pondeuse. 36. Assouvir sa faim n’est pas du vol si on n’emporte rien dans son sac ou sa poche. 37. Fakombè est désigné Chef des chasseurs. Il est chargé de préserver la brousse et ses habitants pour le bonheur de tous. 38. Avant de mettre le feu à la brousse, ne regardez pas à terre, levez la tête en direction de la cime des arbres. 39. Les animaux domestiques doivent être attachés au moment des cultures et libérés après les récoltes. Le chien, le chat, le canard et la volaille ne sont pas soumis à cette mesure. 40. Respectez la parenté, le mariage et le voisinage. 41. Tuez votre ennemi, ne l’humiliez pas. 42. Dans les grandes assemblées, contentez-vous de vos légitimes représentants et tolérez-vous les uns les autres. 43. Balla Fassèkè Kouaté est désigné grand chef des cérémonies et médiateur principal du Mandé. Il est autorisé à plaisanter avec toutes les tribus, en priorité avec la famille royale. 44. Tous ceux qui enfreindront à ces règles seront punis. Chacun est chargé de veiller à leur application. SIRIMAN KOUYATE Notes explicatives I - De l'organisation sociale : La classification de la société mandingue mérite quelque explication. La stratification consacrée par la Charte n'est ni plus ni moins que la division du travail entre les différentes composantes de la société. Cette division, loin d'être arbitraire, a plutôt institutionnalisé un état de fait en précisant peut-être un peu plus les rôles et les attributs. La Charte a divisé la société mandingue en deux grandes catégories : les hommes libres et les esclaves. A - Les hommes libres « horon » : Ils se subdivisent en : 1-Seize (16) clans porteurs de carquois ou « ton ta jon » : ce sont ceux qui portent arcs et flèches. Les guerriers devant défendre l'intégrité territoriale de l'Empire étaient recrutés dans ce groupe qui comprend les clans suivants : Traoré, Condé, Camara, Kourouma, Kamissoko, Magassouba , Diawara, Sako, Fofana, Koïta, Dansouba, Diaby, Diallo, Diakité, Sidibé et Sangaré. 2 - Quatre (4) clans princiers que sont : Koulibaly, Douno ou Soumano ou Danhon ou Somono, Konaté et Kéita. Même si la destinée de l'Empire fut confiée aux Kéita, les autres clans qui ont avec eux un lien de sang, sont considérés comme princiers. 3- Cinq (5) clans de marabouts, chargés d'être les éducateurs et les maîtres dans l'enseignement de la nouvelle religion. Ce sont les Cissé, Bérété, Touré, Diané et Sylla, certains disent Koma. 4- Quatre (4) groupes de « nyamakala » : littéralement, nyamakala veut dire « qui défie tous les interdits » « nyama » veut dire force occulte maléfique en langue mandingue et « kala » signifie dans le présent contexte défiance, limite, immunité, antidote. Les nyamakala considérés comme pouvant défier tous les interdits se répartissent en : a- « jélis » : uploads/Societe et culture/ charte-kurungan-fuga-pdf.pdf

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