D o s s i e r 6. LA CIVILISATION «JEUNESSE» COMPRÉHENSION ORALE Document sono
D o s s i e r 6. LA CIVILISATION «JEUNESSE» COMPRÉHENSION ORALE Document sonore Document vidéo COMPRÉHENSION ÉCRITE LES ÂGES DE LA VIE Ce sont les générations nées dans les années 1950 qui ont inventé «la jeunesse» en tant que catégorie d’âge. Alors que bon nombre de jeunes des générations précédentes commençaient à travailler dès l’âge de 14 ans, sans réelle transition entre l’enfance et l’usine ou la ferme. La génération du baby boom a été la première à bénéficier d’une scolarisation jusqu’à 16 ans, 18 ans, voire 22 ans. Dans leur militantisme juvénile, ils ne se sentaient pas solidaires et ainsi s’est instituée une «civilisation de la jeunesse», faite d’études, de travail, de sorties. Toutes les sociétés occidentales sont en train de recréer des catégories d’âge comme les sociétés tribales en connaissent. La jeunesse est devenue une époque de transition dans toutes les classes de la société. Entre la fin de l’adolescence et de l’école jusqu’à l’entrée définitive dans la vie active et l’établissement conjugal vers 30 ans, les jeunes vivent un genre de vie instable fait de culture, de sociabilité, de voyages, qui n’existait autrefois que pour les privilégiés. (…) Ainsi, les étapes de l’existence se différencient, se succèdent et s’institutionnalisent: enfance, adolescence, jeunesse, âge actif, troisième et quatrième âges. Cette réorganisation de la société en catégories d’âge est commune à tout l’Occident, mais chaque société l’interprète en fonction de ses traditions culturelles. (…) Aux certitudes qui définissaient sans hésitation les âges de la vie grâce à certains rites de passage, comme le service militaire, l’entrée dans la vie professionnelle et le mariage, ont succédé des définitions multiples et contradictoires. En ces temps d’égalité démocratique, tous les êtres étant déclarés libres et égaux dès leur naissance, il devient difficile de traiter les enfants autrement comme des personnes à part entière. Les progrès de la psychologie 130 infantile et ceux de la législation, qui leur interdisent le travail et les protègent de la maltraitance, prouvent que jamais les enfants n’ont été autant le souci de leurs parents. Pourtant, on oublie que les enfants sont avant tout des êtres qu’il faut protéger dans leurs faiblesses en leur imposant des règles strictes de l’extérieur. Les considérer avant l’heure comme capables de justes choix revient paradoxalement à les priver du droit à l’enfance, qui est d’abord «un droit à grandir». (…) L’adolescence, cette période inventée récemment, semble être devenue la référence ultime. Le jeune est celui que le marché courtise et dont même les hommes politiques âgés recherchent les opinions. L’adolescence, qui peut aller de douze à trente ans, se caractérise moins par le fait d’accéder à l’âge adulte – avec les charges qui en découlent – que par celui de n’être plus enfant. Là où les sociétés traditionnelles envisageaient un passage brusque de l’enfance à l’âge adulte, la nôtre a aménagé un laps de temps de plus en plus long entre la majorité civique (dix-huit ans) et la majorité sociale (autour de trente ans) mettant à la tête un emploi stable, un foyer et un enfant. Aujourd’hui, les enfants mûrissent plus vite et entrent plus tôt dans l’adolescence. Contrairement aux croyances, la cause en est moins directement économique que philosophique: la société valorise non plus la reproduction de la génération précédente, mais la création d’individus sans modèle, qui devront s’inventer aux-mêmes dans leur singularité. Ce passage de transmission à l’invention d’un moi unique ne peut se faire que par une longue période d’essais soumis à l’erreur. Les adultes doivent désormais encourager cette évolution, sans être ni trop présents, ni trop directifs, ni trop absents, ce qui est un peu la quadrature du cercle. La naissance de la «personne» est à ce prix. Les 15–24 ans constituent surtout une génération de transition. Entre deux appartenances géographiques, d’abord. Nés en France, ils vivront leur vie d’adulte en tant qu’Européens, peut-être même (vers la fin …) comme citoyens du monde. Ce changement d’échelle a des incidences sur leurs attitudes, leurs valeurs et leurs modes de vie. Transition, aussi, entre deux systèmes de valeurs. La vision collective de la vie et de la société s’est effacée au profit d’une vision plus individuelle. L’«égologie» se combine aujourd’hui à l’écologie pour exprimer la volonté de préserver non seulement l’environnement naturel mais aussi l’espèce humaine. Transition enfin entre deux civilisations – celle du temps libre et des loisirs est en passe de remplacer celle du travail. Une mutation à la fois quantitative et qualitative dont les jeunes de cette génération seront bien davantage les acteurs que les témoins. D’après Le français dans le monde. 2007, N 345. 131 LA VIE DES JEUNES Génération kangourou: 20-30 ans et toujours chez leurs parents. Etudes à rallonge, parents copains, précarité et chômage… pourquoi sont-ils si nombreux à rester lovés dans le nid familial? L’Express a poussé les portes. On trouve encore souvent sur leurs étagères une peluche adorée ou une vieille maquette. Aux murs sont punaisés les posters de leurs années lycée. Ils dorment dans leur lit d’enfant, mais ils n’ont plus 20 ans, parfois depuis longtemps. Au chaud chez papa-maman, à l’âge où Rimbaud avait achevé son œuvre… Selon une enquête de l’Institut Louis Harris, un jeune sur deux entre 21 et 24 ans et un sur cinq entre 25 et 29 ans reste toujours scotché chez ses parents. En l’espace d’une génération, le calendrier d’entrée dans la vie adulte a été totalement bouleversé. Dans les années 60 et 70, ceux qui sont aujourd’hui parents quittaient leur famille très tôt pour conquérir leur liberté. Et, très vite, on décrochait son premier job. «La contestation est le privilège d’une société qui se porte bien. Aujourd’hui, si on claque la porte, on risque de le payer toute sa vie», affirme Emmanuel, 25 ans. Les «grands enfants» des soixante-huitards jouent donc désormais les prolongations. Ils accumulent les diplômes, collectionnent les jobs sans lendemain, les amours à l’essai, et restent sous le toit familial. Si confortable quand il fait froid dehors. Des mineurs au long cours. «C’est un changement socio-démographique majeur», analyse Nicolas Herpin, sociologue à l’Insee. Une nouvelle classe d’âge est née, celle des «post-adolescents», ainsi que les baptise le psychanalyste Tony Anatrella. Physiquement adultes depuis longtemps, ils flirtent et draguent depuis leurs 14 ans. Ils ont souvent un ordinateur, bénéficient d’une large liberté, mais, mineurs au long cours, ils sont tenus radicalement en marge de l’activité économique. «Dès qu’on réussit en classe, on vous incite à faire des études longues. On n’a pas vraiment le choix», regrette Hervé, 25 ans, qui aurait préféré prendre son indépendance dès 18 ans, «un âge où l’on est tout à fait prêt à s’assumer», affirme-t-il. Las! Depuis des années 70, l’âge moyen de fin d’études a progressé de cinq ans. Les parcours scolaires n’en finissent plus de zigzaguer. Luc, peu motivé par son brevet technique, s’inscrit en néerlandais à la fac, puis se lance dans une licence d’échanges culturels après avoir tenté en vain de se spécialiser dans le multimédia. « C’est la génération Passe ton diplôme d’abord !», ironise la sociologue Bernard Préel. La plupart des parents sont largués dans le labyrinthe 132 éducatif. Mais ils sont prêts à tout pour soutenir leur progéniture. Car, sans diplôme – ce sera la galère assurée. De fait, les emplois stables à temps complet sont devenus une denrée rare pour les débutants. En 2005, un sur deux en décrochait un an au sortir de l’école. En 2007, ils ne sont plus qu’un tiers à se caser aussi facilement. Et les heureux élus sont souvent payés au lance-pierre. A la fin des années 90, le niveau de vie moyen des moins de 30 ans était de 20% inférieur à celui des quinquagénaires. Aujourd’hui, l’écart s’est fortement creusé. En moyenne, les jeunes gagnent moitié moins que leurs parents. A « l’hôtel » familial. Mais l’allongement des études et la précarité économique ne suffisent pas à expliquer cette cohabitation prolongée des jeunes et de leurs parents. « Ils restent parce que la famille s’est complètement transformée depuis vingt ans. Il y a eu une totale libération des moeurs », analyse le sociologue Olivier Galland. La génération 68 s’était affirmée en s’opposant à l’ordre établi, en jetant aux orties les principes de ses parents, décidément vieux jeu. Aujourd’hui installée dans la vie, pourvue d’emplois rémunérateurs, elle abrite ses propres enfants sans interdits moraux, petit ami à demeure si nécessaire, en toute permissivité. Des parents copains qui paient sans juger, qui protègent sans brider, pourquoi les quitter? « C’est pratique. On mange bien. On n’est pas seul. Il n’y a pas de factures. Avoir pu rester aussi longtemps, pour moi, c’est une chance », reconnaît Céline, 28 ans, cadre commercial depuis 8 mois, qui, grâce à l’hôtel familial, a pu se payer deux séjours longue durée à New York et Jérusalem. Jouir du moment présent. La plupart des 20–30 ans s’offrent le superflu à coups de petits boulots: sorties, fringues, cigarettes, musique, voyages… « Si elle n’imagine plus son futur, cette jeunesse entend au moins jouir du présent », note uploads/Societe et culture/ dossier-6 1 .pdf
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- Publié le Sep 14, 2022
- Catégorie Society and Cultur...
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