Chapitre introductif LA SOCIETÉ INTERNATIONALE Dans la définition que nous avon

Chapitre introductif LA SOCIETÉ INTERNATIONALE Dans la définition que nous avons proposée de la notion d'institutions internationales nous avons relevé que les Institutions Internationales constituent l'ensemble des formes ou structures qui caractérisent la société internationale. Cette définition implique l'existence d'une Société internationale (que certains auteurs appellent aussi Communauté internationale 1) distincte de la société nationale ou société interne ou encore société étatique 2 . La société internationale peut être définie du point de vue formel comme “l’ensemble des sujets reconnus à une époque donnée par le droit international”3 . Elle peut être aussi définie d’un point de vue matériel comme étant l’ensemble des êtres humains, l’ensemble des peuples vivant sur terre. En simplifiant encore, nous pouvons accepter l'assimilation de la société internationale à l'Humanité. Cela nous permettra d'avoir une idée sur l'ampleur de cette société internationale. En effet, la notion de Société internationale ou de Communauté internationale renferme un aspect sociologique qui exprime la solidarité commune, voire même un vouloir vivre collectif entre ses différentes composantes à savoir les États, mais aussi les organisations internationales, les particuliers et aussi l'opinion publique internationale (la société civile internationale). Aujourd'hui, la population mondiale a dépassé les six milliards d'individus. Cette masse énorme est inégalement répartie entre presque deux cents États qui se différencient par le niveau de développement économique, la croissance démographique, les systèmes économiques et sociaux. Par ailleurs, la population mondiale n'occupe effectivement que moins d'un tiers de la surface du globe terrestre, puisque 73 % de cette surface sont des mers et des océans et puisque certaines régions terrestres sont inhabitables (déserts, hautes altitudes...). Mais le fait le plus important pour nous est de relever que la population mondiale est répartie en collectivités étatiques dont l'ensemble constitue la société internationale. Bien mieux, la société internationale ne s'est formée historiquement qu'à partir du moment où est apparu l'État moderne à la fin du XVè siècle et au début du XVIè. Il convient donc de s'interroger sur la nature de cette société, sur ses principes de base et sur son état actuel. SECTION I NATURE DE LA SOCIETE INTERNATIONALE : 1 DUPUY (R.J). La Communauté internationale entre le mythe et la réalité. Paris, Economica/Unesco, 1986. 2 VIRALLY (M). “Panorama du droit international contemporain”, R.C.A.D.I. 1983 (V) ; ZORGBIBE (Ch) et Al. Sur l’état de la société internationale. Paris, Economica, 1982. 3 BEDJAOUI (M). op. cit., p. 4. UNE SOCIETE ESSENTIELLEMENT INTERETATIQUE4 Bien qu'elle réunisse plus de 6 milliards d'individus5, la Société internationale se réduit en réalité à un très petit groupe de collectivités étatiques. Aujourd'hui l'ONU compte 191 États membres, ce qui est considérable par rapport, à 1945, date de signature de la Charte de L'ONU (On ne comptait à ce moment que 50 États). Pendant longtemps, l'État se présentait comme le seul sujet, acteur et créateur du droit international. Toute norme internationale ne pouvait procéder que de sa volonté. Pour cette raison, la doctrine classique a généralement défini le droit international comme étant le droit des relations entre États et la société internationale comme une société entre les États6 . Les relations individuelles au-delà du cadre territorial d'un État unique relevaient et relèvent toujours dans une large mesure du droit interne de l'un des États ou du droit international privé. Le fait que la société internationale soit encore une société interétatique, nul ne songera à le contester sérieusement. Mais il faut aussi avouer que la société internationale comprend aussi des membres autres que l'État : les organisations internationales ou même certaines collectivités non étatiques voire même les particuliers. § 1. Évolution de la société internationale A : La société internationale classique : Un club de nations civilisées Historiquement, la société internationale était de dimension très réduite. Elle se limitait à un club f ermé d'États, dits les "États civilisés"7, qui ont donné naissance au droit international classique : le droit des gens8. Ce droit était en réalité un droit européen qui régissait les rapports qu'entretenaient les puissances européennes entre elles, mais aussi les rapports de ces puissances avec le reste du monde (non civilisé). Ainsi, le droit international n'était en réalité que le droit relationnel européen que les puissances européennes imposaient à l'ensemble du monde. Ce n'est donc pas par hasard si c e droit a consacré et légalisé des théories et des institutions dominatrices et iniques, comme la théorie des biens vacants et sans maître (Res nullius)9 ou la théorie du droit à la guerre (jus ad bellum) ou l'institution de la colonisation10 (Congrès de Berlin en 1815) ou celle des capitulations11 ou celle du Protectorat12 ou encore celles du Condominium13, du mandat14 ou de la tutelle15 etc. B - La société internationale contemporaine : une société en voie d'universalisation La Société internationale se réduit en réalité et pour l'essentiel à un très petit groupe de collectivités étatiques qui ne dépasse guère de nos jours les 200 États16. Ce nombre était beaucoup plus réduit avant le mouvement de décolonisation qui a eu lieu entre les années 1960 et 1970. Cette configuration de la société internationale, et par-là du droit international, persistera jusqu'au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Ce n'est qu'avec la fondation de l'ONU que les prémisses du changement vont apparaître et qu'on commencera un cheminement long, parfois douloureux vers une société internationale quasi universelle, un peu plus démocratique, plus ouverte et plus pluraliste que la société internationale classique. Le droit international connaîtra de ce fait une transformation qualitative importante en se débarrassant de certaines institutions de domination comme le droit à la guerre ou la colonisation. L'émergence sur la scène internationale des États nouveaux, anciennement sous domination coloniale, sera à l'origine d'un changement à l a fois quantitatif et qualitatif de la société internationale et du droit international. Le club fermé éclatera et laissera place à une société internationale quasi universelle, surtout après «le rétablissement du gouvernement de la République populaire de Chine dans ses droits légitimes» au sein de l'ONU (occupation du siège permanent au sein du Conseil de sécurité)17, l'admission des États divisés18 et l'admission des micro-États. De nouveaux principes progressistes de droit international et de nouveaux enrichissements feront ainsi leur irruption. Citons pèle mêle : - Le principe de l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux proclamé par la résolution de l'Assemblée générale n° 1514 du 14 décembre 1960. - Le principe de la souveraineté permanente sur les richesses naturelles proclamé par la résolution de l'Assemblée générale n° 1803 du 14 décembre 1962 ; - Le principe de non-intervention proclamé par la résolution de l'Assemblée générale n° 2131 du 21 décembre 1965 - Le principe de la liberté de choix du système politique, économique ou social ; - La définition de l'agression par la résolution 3314 du 14 décembre 1974; - La notion de jus cogens ; - La notion de patrimoine commun de l'humanité etc. Malgré tous ces changements et malgré toutes ces évolutions, la société internationale n'a pas fondamentalement changé de nature par rapport à la société internationale classique. En effet, la société internationale reste une société essentiellement interétatique. L'État constitue encore et toujours la réalité première de la société internationale. Aujourd'hui, toutes les terres émergées sont soumises à un pouvoir étatique souverain. La société internationale est caractérisée par une multiplicité d'États juxtaposés, souverains et égaux ; chacun d'eux jouissant du triple monopole de la législation, de la juridiction et de la contrainte. Loin de dépérir comme l'avaient annoncé les théories marxistes et fonctionnalistes, l'État s'est renforcé et l'attachement à la souveraineté n'a rien perdu de sa vitalité. Bien plus la souveraineté n'a jamais été aussi vivante qu'en ce début de XXIème siècle19. Ces caractéristiques de la société internationale façonneront l'ordre juridique international. § 2 : Les caractéristiques de l'ordre juridique international Contrairement à la société étatique qui a une structure hiérarchisée, la société internationale a une structure éclatée (horizontale). Elle ne connaît pas la distinction entre gouvernants et gouvernés entre autorités constituantes et autorités constitués. Le pouvoir y est fragmenté et dispersé. Par ailleurs, la société internationale se caractérise par l'identification des gouvernants et des gouvernés. En effet, contrairement aux sociétés internes où un groupe d’individus (une minorité) s’approprie la fonction de commandement du groupe et impose un ordre social déterminé auquel la majorité écrasante de la société est soumise, dans la société internationale cette distinction n’existe pas. Il n’y a pas des sujets qui commandent et d’autres qui sont commandés. Il y a une identification entre les gouvernants et les gouvernés, une identification entre le créateur de la norme juridique et son destinataire. Les États sont des créateurs de la règle juridique internationale (Coutume, traité) et en sont les sujets. Ensuite la société internationale ne connaît pas la distinction fondamentale entre autorités constituantes et autorités constituées. En droit interne, nous savons que les pouvoirs des gouvernants ne sont pas illimités et sont soumis à la constitution. La société internationale est une société sans constitution et les volontés créatrices du droit sont juxtaposées au lieu d'être hiérarchisées comme en droit interne. Ces deux caractéristiques fondamentales de la société internationale font que uploads/Societe et culture/ chapintro.pdf

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